Après trois albums solo et plusieurs avec les Dilated Peoples, Evidence s’est imposé comme l’une des pointures de la scène underground américaine. Aussi à l’aise en groupe que seul sur scène, le rappeur d’origine californienne sera en concert à la Bellevilloise le 1er juin prochain. À cette occasion, nous dressons le portrait de cet autodidacte amoureux de cultures urbaines.
Michael Perretta, né le 10 décembre 1976 à Los Angeles, est élevé dans le quartier chic de Santa Monica. Enfance aisée sans évènements particuliers, il mettra cependant un premier pied dans la culture urbaine après le divorce de ses parents lorsqu’il s’installe dans le quartier de Venice avec sa mère. Il découvre alors le graffiti et commence à s’exercer sur les murs sous le pseudonyme VANE.
Quelques coups de bombe plus tard, il rencontre le fils de Quincy Jones (QD3), producteur déjà reconnu et influent dans le game, qui le prend alors sous son aile, devenant pour lui une sorte de mentor. Dès lors, Evidence, qui n’a à l’époque que 16 ans, commence à se familiariser avec le digging et à apprendre tous les codes de la production et du sampling en observant le travail de son ami d’enfance, Alan Daniel Maman aka The Alchemist.
Après s’être fait la main pendant quelques temps et avoir établi plusieurs connexions avec différents rappeurs, c’est avec le emcee Rakaa qu’il fonde le groupe Dilated Peoples, rapidement rejoint par DJ Babu. Le groupe débute l’aventure avec un plan de carrière précis : profiter de leur complémentarité pour réussir ensemble puis partir expérimenter leur propre musique dans des carrières solos, une fois la notoriété suffisante acquise.
Après un premier album qui n’avait finalement pas pu aboutir officiellement (Imagery, Battlehymns, & Political Poetry) en 1995, le groupe attire les premiers coups d’oeil en 1997 avec les titres « Third Degree » et « Global Dynamics » qui permettront de paver la voie pour l’arrivée des albums suivants.
Entre 2000 et 2014, le trio sort cinq projets. Le premier album officiel du collectif, The Platform, sort le 23 mai 2000. Plusieurs noms connus sont présents, aussi bien du côté des rappeurs (B-Real, Defari, Planet Asia…) que des producteurs (The Alchemist, Joey Chavez..).
Cet album marque la naissance d’un groupe à la touche si efficace. Il faut dire que l’alchimie entre les trois artistes est frappante. Entre Rakaa et son talent inné pour l’écriture, Evidence et DJ Babu, véritables savants de la production, couplé à la faculté de Babu à sortir des cuts plus meurtriers les uns que les autres, on obtient un mélange parfait pour un hip-hop de qualité.
S’en suivront les projets : Expansion Team, Neighboorhood Watch, 20/20 et Directors of Photography tous sortis sous l’étendard Capitol Records appartenant à la major du disque Universal Music. Côté ventes, plusieurs projets connaissent un réel succès. Expansion team débute 36e au Billboard tandis que Neighboorhood Watch débute 55e avec plus de 140 000 exemplaires écoulés.
Parallèlement, Evidence continue de produire pour différents artistes, asseyant ainsi un peu plus sa crédibilité dans le « beat game ». Récompenses à l’appui, il remporte un Grammy Award pour une co-production signée sur l’album College Dropout de Kanye West et un JUNO (prix remis par l’académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement) pour ses productions sur le projet des Swollen Members.
C’est dans ces circonstances qu’Evidence entame sa carrière solo et commence à travailler sur son premier projet, The Weatherman, qui sortira en 2007. Ce premier opus est une réussite, tant lyricalement, où il montre une réelle marge de progression, qu’au niveau des productions, pour lesquelles il fait appel à son ami de toujours The Alchemist, ajoutant à ce projet sa touche si spéciale.
Samples efficaces et batteries très chaudes capables de vous décrocher la nuque, The Weatherman se démarque avec des titres très impactants comme « Mr. Slow Flow », « Chase the Clouds Away » ou encore « Hot & Cold ». Sans surprise, l’album remportera un réel succès et sera très bien accueilli par les fans de rap underground.
A peine an an plus tard, alors qu’il est en tournée avec le groupe Little Brother (Big Pooh, Phonte & 9th Wonder) Evidence décide d’enregistrer un nouveau projet et sort The Layover EP le 25 novembre 2008. Dans la lignée du premier opus, le californien essaie de diversifier son écriture et son message et se livre davantage dans ses morceaux. Il aborde ainsi beaucoup plus sa vie privée et les épreuves qu’il a pu traverser.
Cette reconnaissance grandissante nous amène à un troisième opus : Cats & Dogs, sorti le 27 septembre 2011. L’album se hisse à la 8e place du Top Independent Albums et reste encore aujourd’hui considéré pour beaucoup comme le meilleur projet d’Evidence. Il faut dire que l’exosquelette de cet album a de quoi faire rêver, dont une sélection de producteurs de premier choix : The Alchemist, DJ Premier, DJ Babu, Rakhi (à qui l’ont doit notamment « I » et « Black Boy Fly » de Kendrick Lamar) ou encore le new-yorkais Statik Selektah. Evidence invite également de très grands noms pour l’accompagner derrière le micro, comme Raekwon, Ras Kass, Prodigy, Roc Marciano ou encore Fashawn. En bref, tous les ingrédients sont réunis pour satisfaire les assoiffés de hip-hop et le moins que l’on puisse dire est que ce projet est une totale réussite.
Même si le MC Californien est réputé pour être relativement « peace » et « true to the game » il ne faut pas pour autant douter de sa capacité de réponse sur le BPM. Après qu’Eminem ait attaqué son ami Everlast dans le morceau « Quitter » de D-12, Ev n’a pas hésité une seule seconde à prendre sa feuille et son crayon pour en découdre à coups de rimes et snares bien placées. En résultera le morceau « Search for Bobby Fisher ».
Considéré comme le meilleur diss track envers Eminem, Evidence frappe fort pendant trois minutes en remettant en cause la fanbase du célèbre rappeur, sa capacité à produire des morceaux ou encore son contrat le liant à Interscope.
« Production time; i heard you’re makin beats but don’t program the drums, don’t program the keys, don’t program the bass, producer ? Liar ! Doin that shit’s like hirin a ghostwriter »
Outre cet épisode tumultueux, Evidence s’est également retrouvé à un certain carrefour dans sa carrière. Entre ses projets perso et Dilated Peoples, le MC a fait le choix d’être désormais le même partout et de ne pas jouer ou écrire différemment pour respecter une thématique simple de groupe. En terme de label, Evidence a également décidé de rompre son précédent contrat avec Capitol Records et de signer avec Rhymesayers, le label crée par Slug et Ant d’Atmosphere et qui compte dans ses rangs des figures historiques du rap us underground telles que Brother Ali, MF Doom ou encore Aesop Rock.
Après avoir débuté en solo sous RhymeSayers puis avoir fait passé Dilated Peoples et Step Brothers sur ce même label, Evidence s’assure un certain contrôle de ses actions et une grande liberté musicale : pas d’obligation de featuring avec les membres du label comme chez Capitol.
Ce changement de label sera également pour lui un élément déclencheur de sa collaboration avec The Alchemist. Comme chacun le sait, Evidence & The Alchemist sont un peu des jumeaux cachés. Potes d’enfance, il était presque logique que les deux en viennent à sortir un projet commun. L’occasion pour eux deux de laisser exprimer leur amitié à travers une réalisation aussi personnelle qu’originale appelé Step Brothers.
C’est le 21 Janvier 2014 que sort Lord Steppington, le premier projet de ce nouveau duo avec en guise d’invités Roc Marciano, Action Bronson, Oh No, Rakaa etc… qui viendront prêter leurs voix sur ces 16 titres aussi sombres que déjantés. Produit avec la touche particulière d’Alchemist, cet album assez difficile d’accès est néanmoins un des meilleurs cadeaux pour les hip-hop heads nostalgiques du rap indépendant des années 90.
Au-delà de son succès personnel et de ses collaborations, Evidence reste avant tout un grand fan de la culture urbaine. Grâce à sa mère, photographe de métier, il a baigné depuis tout petit dans cet univers et a passé son enfance à contempler et étudier des clichés de toutes sortes. Toujours aussi passionné, une grande partie de ses sessions photo dans différents coins de L.A est d’ailleurs visible sur son compte Instagram. La photo reste d’ailleurs très présente dans sa musique puisque le logo des Dilated peoples est un œil et la pochette de 20/20 représente le verre brisé d’un objectif d’appareil photo. Une façon pour lui de relier toutes ses activités pour lesquelles il consacre la plus claire partie de son temps.
Rappeur, producteur et jeune papa, Evidence est aujourd’hui une pointure du rap underground américain. Après un succès aussi bien en groupe qu’en solo ou qu’en tant que producteur, le Californien peut se vanter de respecter sa ligne directrice musicale et s’attèle à délivrer de la musique de qualité à son public depuis plus de ving ans. Dernier exemple en date avec le morceau « Throw It All Away », sorti en avril dernier et produit par Alchemist. Un titre qui nous laisse entrevoir les prémices d’un prochain projet ? Promis, on lui posera la question lors de sa venue à Paris le 1 juin prochain.
Grace à notre partenaires Free Your Funk, nous avons le plaisir de mettre en jeu 2×2 places pour le concert d’Evidence qui aura lieu le jeudi 1er juin à la Bellevilloise (Paris 20e).
Pour participer, rien de plus simple :
Le tirage au sort aura lieu mercredi 31/05. Les gagnants seront prévenus par e-mail.
Bonne chance à tous et suivez les détails du concert sur l’événement Facebook ou achetez vos places via la billetterie en ligne.
Crédits photo : Hip Hox DX, Rhymesayers
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