Pete Flux & Parental, c’est l’histoire d’une alliance transatlantique entre un emcee d’Atlanta et un beatmaker et DJ parisien. Leur communauté de destin s’articule autour d’une certaine vision du rap emprunte de douceur et de nostalgie. Cette collaboration débutée en 2013 vient d’enfanter d’un premier album : Infinite Growth.
En 2018, sortir un album classé dans la catégorie « boom bap » est paradoxalement une prise de risque. Le risque de ne plus intéresser personne. La nostalgie pour ce courant de l’Histoire du rap est en perte de vitesse, surtout chez le jeune public. D’une certaine façon c’est compréhensible, tant les disques surfant sur cette nostalgie de l’âge d’or finissent par se ressembler. Pour beaucoup de emcees et producteurs revendiquant fièrement leur inspiration nineties, il est devenu difficile de se démarquer, et donc de marquer les esprits.
Force est d’avouer que le duo constitué par DJ Parental et le emcee Pete Flux a réussi à tirer son épingle du game. Infinite Growth est on ne peut plus classique en apparence, similaire a bien d’autres albums de rap jazzy. On y retrouve des boucles de guitare à la George Benson que n’aurait pas boudé Pete Rock à l’époque de Main Ingredient (sur « Scaling »). Sur « Roll Call » ou « What They Need », c’est une mélodie de piano rappelant Ahmad Jamal qui tourne en boucle. Les références habituelles sont bien là…
On aurait tort cependant de limiter l’analyse de ce premier album à son apparente banalité. À l’écoute des instrus signés DJ Parental, on ne peut que s’incliner devant le travail qu’il a accompli. Trop souvent dans les albums de boom bap post-2010, les producteurs se contentent de superposer un boucle mélodique déjà entendue cent fois sur un beat simpliste. C’est très loin d’être le cas de Parental. Chaque morceau offre une nouvelle approche mélodique.
Sur Infinite Growth, Parental utilise même un procédé un peu rare dans le rap : il créé une rupture à l’intérieur même d’un morceau entre deux couplets, et change complètement le beat. Cette technique est extrêmement efficace pour rompre la monotonie qui peut parfois s’installer quand un morceau est un peu long. Écoutez bien « MDs (feat. Epidemic) », « Revenge Of The Pen » et « Burgermeister » pour vous convaincre de la pertinence de ce dédoublement des instrus.
L’ambition de Pete Flux n’est pas très éloignée de celle des rappeurs qu’il a écouté dans sa jeunesse. Il s’efforce de marquer les esprits en maniant la rime avec agilité. Toujours à la recherche d’images percutantes et de figures stylées, il met un réel soin à l’écriture. C’est souvent ce qui fait défaut dans le rap actuel. Pour être à la mode, beaucoup de rappeurs ont consciemment rabaissé le niveau de leur plume, et c’est dommage. La seule chose qu’on pourrait reprocher à Pete Flux, c’est une voix qui manque un peu de force et d’éclat. Mais ça, c’est si on veut être un peu pointilleux.
Deux titres semblent se détacher assez nettement à l’écoute d’Infinite Growth. Le très planant « Burgermeister » est un véritable tour de force. Pete Flux y retrace sa longue ascension vers la reconnaissance. À force d’authenticité, de travail et de persévérance, le duo savoure sa place au soleil nouvellement acquise. L’instrumentale, qui s’ouvre sur les scratches de Debonair P réussit l’exploit de créer la surprise, dans un style de rap où elle est devenue rare. Elle est encore une fois scindée en deux parties bien distinctes, séparées par un moment de respiration.
« Today’s the day, isn’t it? Pays to play different tunes than all the loons forsaking the great privilege of kicking that live, not pushing some lie. We take to the sky to breathe that new air. » (Pete Flux, « Burgermeister »)
L’autre morceau qui attire l’attention dans cet album très plaisant est « Landmarks ». En onzième position dans la tracklist, il apporte un peu de punch à l’ensemble grâce au flow agile de Pete Flux. Cette démonstration se prête bien a un texte à base d’egotrip. DJ Parental a lui aussi su composer l’instru idéale. Le drumming légèrement syncopé est mis en avant, sans pour autant occulter les samples mélodiques et aériens. C’est une bonne idée d’avoir placé le titre en fin d’album, afin de maintenir l’attention de l’auditeur, jusque là bercé par tant de douceur.
« Dudes that think they’re nicer than me, y’all some funny niggas. I kick the philosophy, you’re spitting bumper stickers. And that’s OK for a feat, but I can make a difference. I’m overseas doing me, now you can fu***** witness. » (Pete Flux, « Landmarks »)
Infinite Growth parvient à susciter une bonne dose d’émotion, et ça n’est pas rien pour un premier album. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une sortie d’un label underground parisien. Les inconditionnels du boom bap un peu jazzy seront nécessairement séduits. Ceux qui sont agacés par cet acharnement nostalgique à maintenir en vie un courant un peu daté auront eux l’occasion de dépasser leurs préjugés. Car Infinite Growth est un bon album de rap, tout court.
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