Octavian – Endorphins

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Juin 2019

Octavian

Endorphins

Note :

Passée quasi inaperçue à sa sortie mi-juin, Endorphins, la nouvelle mixtape du britannique Octavian est de ces projets sur lesquels il faut revenir pour mieux en saisir la substance. C’est tout l’objet de la chronique qui suit.

Découvert en 2017 via son titre « Party Here », posté par l’excellent Frederic Dumeur sur le groupe Hip Hop NERDZ, Octavian n’a depuis cessé d’être dans mon radar et a notamment squatté plusieurs fois ma playlist ROOKIZ. Début 2018, le jeune londonien tapait dans l’oeil de Drake qui s’était filmé en train de chanter le titre « 100 degrees » devant ses millions de followers; offrant alors un premier coup de projecteur bien mérité au rappeur britannique.

https://www.youtube.com/watch?v=dz7eyvAMOpA

En septembre 2018, Octavian Oliver Godji nous offrait une nouvelle mixtape (la seconde si l’on compte 22, sortie en 2016, alors qu’il s’appelait encore Octavian OG) : Spaceman. Un projet de 14 titres de très bonne facture et qui proposait déjà un bel aperçu de la palette artistique de celui que le magazine High Snobiety qualifiait de « trop UK pour être un artiste trap et trop trap pour être un artiste grime ».

Cette capacité à mélanger les influences pour créer un son hybride est amenée un cran plus loin sur Endorphins, sa nouvelle mixtape, sortie à la mi-juin.

Drugs in love

Avec le superbe dyptique « Gangster Love » – « King Essie », Octavian plante le décor et nous invite à prendre part à un voyage d’une quarantaine de minutes qui nous conduira dans les profondeurs des rues londoniennes. Là où la drogue, la violence et l’amour éphémère vous noircit l’âme.

La drogue, il en est question du début à la fin de cet album ; dont le titre même évoque cette substance générée par le cerveau et qui provoque l’euphorie, lors d’un orgasme notamment. Un état proche de celui généré par les drogues opiacées, à ceci près que cette substance est elle, naturellement générée par le corps.

« I take Molly to slow down » nous dit Octavian dès l’ouverture du troisième morceau. Il faut croire que l’endorphine ne suffit donc pas pour apaiser le jeune londonien qui évoque la drogue dans la quasi totalité des morceaux du projet.

Dans « Risking our lives », la drogue s’invite dans une relation amoureuse . Un voyage initiatique sous Molly (autre nom pour la MDMA), guidé par Octavian qui, tel un mauvais diable, semble attirer sa conquête dans un tourbillon de décadence où sexe et drogue se mélangent jusqu’à devenir complètement indissociables.

Cette confusion est poursuivie quelques minutes plus tard sur le titre « My Head » lorsque Octavian invite la géniale Abra (signée chez Awful Records) pour un tête-à-tête diabolique. Cette fois, c’est la figure féminine qui est aux manettes et qui, tel un ange maléfique, prend un malin plaisir à torturer l’âme du jeune homme en manque et au bord de la crise de nerf.

Si Endorphins brille grâce à ses morceaux tout en introspection, le projet compte également de sérieux bangers. Avec « Bet » ft. Skepta et « Lit » qui invite ce bon vieux A$AP Ferg, Octavian montre à tous qu’il a définitivement changé de ligue cette année. Porté par deux excellents clips, ces 2 morceaux semblent avoir touché leur public et ont permis à Octavian de faire bouger les foules cet été en festival.

Trap from the UK

Certes, Octavian possède de vraies capacités d’interprétation et un grain de voix qui font sa signature vocale. Mais la vraie clé du succès de cet album est à coup sûr sa production. En convoquant une armada de producteurs plus ou moins reconnus mais qui ont des kilomètres de prods au compteur (KeanuBeats, Pro Logic, London on da Track, Bizness Boi ,entre autres…), Octavian est parvenu à tisser la toile sonore parfaitement adaptée à l’histoire qu’il souhaitait raconter sur Endorphins.

Plutôt que de simplement reproduire à l’identique l’efficace formule trap façon Atlanta (bien qu’elle soit une influence évidente du projet), Octavian parvient à métisser sa production avec les plus belles sonorités locales. La grime bien sûr qui s’invite sur « Bet » mais aussi l’immanquable bass music à l’anglaise (dont James Blake ou encore Jamie XX comptent parmi les plus populaires représentants) et dont on retrouve l’influence sur « No Weakness » ou le très house « Word ».

Mention spéciale pour les claviers et drums 80’s de « Feel It », véritable ode à la musique Queer qui convie Theophilus London pour un hymne de sensualité d’une redoutable efficacité.

Octavian, next to blow up ?

Avec Endorphins, Octavian signe selon moi, un des projets les plus réussis de ce premier semestre 2018. S’il peut paraitre un peu racoleur avec ses tubes au refrain facile et quelques featurings aguicheurs, ce court projet brille avant tout grâce à des morceaux beaucoup plus sombres et complexes qui invitent à l’introspection.

Chaque production vise juste et amène cette mixtape à un niveau qui mériterait davantage qu’on parle d’un album studio. Si la distinction semble peu importer aujourd’hui, on est en droit de se demander si ce projet n’aurait pas bénéficier d’une meilleure presse – ou en tout cas d’un peu plus d’attention – s’il avait été présenté comme un album…

Si l’artiste a choisi qu’il en soit autrement, c’est certainement qu’il considère que cet opus n’était pas à la hauteur pour un premier album studio. Une chose est sûre, avec un projet de cette trempe, Octavian a désormais tous les regards des plus fins observateurs braqués sur lui. Next to blow up ?

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