Népal – KKSHISENSE8 | Chronique

Un Ninjutsu lyrical plein de sens

Comme à son habitude, Népal fait preuve d’une grande technicité et propose des textes soignés aux nombreux doubles sens et messages cryptés. Le titre du projet tout d’abord, est un mot valise qui contracte les termes : Kakashi-Senseï – en référence au personnage de Naruto qui comme Népal, apparait toujours masqué – et Sense8 – en référence à la série Netflix.

Les allusions au manga – et plus généralement à la culture Japonaise – sont fréquentes chez le rappeur comme on peut voir sur la cover, un œil découvert à la manière du héros qu’il mentionne. Ainsi dans le morceau d’ouverture « Omotesando » (une avenue de Tokyo), Népal se compare à Tobirama, autre protagoniste de l’histoire et l’on peut entendre la voix de Kakashi en outro. On y retrouve aussi des références à Dragon Ball Z dans les phases « J’ressemble à mon daron comme Sanghoten » (Omotesando) ou encore « je devrais les fumer pour une Kamehouse » (Evisu).

Sense8 évoque bien entendu le nombre de pistes du projet mais aussi probablement « la transmission de vibes » (Evisu) et de pensées qu’offre le rap. En effet, dans la série en question, les personnages sont connectés mentalement et partagent leurs savoirs et sensations. Le refrain du morceau « 150cc », en feat avec Gracy Hopkins, est donc certainement aussi un clin d’œil à celle-ci : « T’aimerai que le monde sache ce qu’il y a dans ta tête ».

Choisir son camp

L’argent, et notamment la place qu’il occupe dans la musique, est un thème assez récurrent dans ses textes. Pour Népal, « si t’es au stud’ comme à l’usine (que tu fais de la musique pour vendre) Babylone à gagné » (Babylone). Il s’oppose à plusieurs reprises à ceux qui trahissent leur art pour le business : « Surement pas de ces forceurs qui changent de flow cash pour 20000 tan » (City Lights)

Cependant, Népal parait faire face à ce même dilemme que de nombreux artistes aux portes du succès ont dû affronter : gagner se vie avec le rap et faire les concessions que cela implique ou proposer, comme il l’a fait jusqu’alors, des projets sans ambition financière avec une écriture très technique; qui les rend de fait moins accessibles au plus grand nombre.

Les amateurs de l’artiste reconnaitront son style « lyrical » parsemé de verlan, de mots anglais et de procédés tel que l’ajout de syllabes « av » au milieu des mots («Et je kiff le Javanais parce que ça me fait gagner des syllabes »). Il faut parfois savoir décrypter ! Quoi qu’il en soit, Népal a « choisi un côté » : celui de la technique. C’est en tout cas ce dont il semble se persuader dans « Teczer » ou il répète comme un mantra « Choisis la teczer ».

Instrus mentales

Népal est aussi bon rappeur que beatmaker et produit des instrus qui collent parfaitement à son flow et à sa voix. Toutes les prods du projet sont assurées par KLM (le blaze de beatmaker de Népal) en collaboration avec des artistes de son entourage, déjà présents sur ses autres projets, tels que Diabi, Stratega (Vidji) ou D. Treadwell.

Les prods et ambiances sont fidèles à sont univers. On retrouve même sur « Babylone » un son de cordes qui n’est pas sans rappeler le remix de Diabi de « Sky Club ». L’utilisation de back vocals graves, parfois sur tout le texte, comme c’est le cas dans Necromicon avec Bohemian Club, contribue à créer une atmosphère planante, légèrement sombre et un sentiment de lassitude qui vient appuyer les paroles.

Sur « City light » avec son Doum’s, on retrouve des effets de voix (des changements de tonalité) que Népal expérimentait déjà à l’époque de Grandmaster Splinter, et qui donnent des harmonies intéressantes au morceau.

L’EP est finalement très bien produit et même si l’ambiance instrumentale conserve une certaine cohérence générale, celle-ci varie selon les morceaux avec un bon équilibre.

La fin d’un cycle

Le cercle sur la pochette du projet correspond à la fin d’un cycle. C’est ce qu’a indiqué le rappeur/producteur sur sa page Facebook (cf capture ci-dessous). Comme souvent chez Népal, on peut y voir de nombreuses interprétations mais une chose est sure : KKSHISENSE8 sera son dernier EP avant un premier album très attendu des adeptes.

On le découvre en téléchargeant l’album, dans le fichier « lisez-moi » où Népal déclare que l’aventure commence maintenant. Le jeune artiste du 14 annonce un tournant dans sa carrière et semble vouloir entrer pleinement dans le rap-jeu : « Genre je pe-rap pour quoi moi ? Genre la race des serpents ?».

Népal, dont on entend de plus en plus parler au sein de la scène rap, semble avoir trouvé son public et être prêt à entrer en connexion avec ce dernier. Reste à savoir si comme Kakashi dans Naruto Ten – Kaze no Sho, Népal tombera le masque…

Ecouter l’album #KKSHISENSE8 de Népal

L’album est disponible en téléchargement sur le site de Népal : 444nuits.fr

Félix Lemaignent

En immersion dans le rap de tout horizon. Gratteur de rimes à ses heures perdues. Confusius disait "le but c'est le chemin", celui-ci est bien plus agréable avec du Jazz et un Gin To'

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