Mr Kayz « La musique, c’est ma manière d’exister »

Mr Kayz « La musique, c’est ma manière d’exister »

Entre mode, musique et basket, Mr Kayz navigue avec une passion débordante. Porté par ses racines congolaises et américaines ainsi que par son parcours personnel, il a transformé ses passions en véritable mode de vie. De ses premiers pas en studio à six ans à la sortie de son dernier projet Ni Vu, il nous raconte son évolution, son rapport à l’expression artistique et sa quête de sens. Une conversation sincère et inspirante avec un artiste qui trace sa route avec intention.

Aujourd’hui, tu nous reçois dans ton shop. Merci pour l’accueil !
Les sapes et la musique, ce sont deux passions pour toi ?

Oui, c’est ça. Ma mère fait de la couture, donc j’ai baigné dans l’univers des sapes depuis tout petit. J’ai grandi avec ça. Et puis, étant d’origine congolaise, ça fait partie de ma culture. Le vêtement, c’est important. Au final, c’est un peu la même chose pour moi avec la musique. Faire de la musique, c’est s’exprimer, tout comme s’habiller est aussi une forme d’expression. C’est une manière de montrer ce que tu ressens. C’est la matérialisation de ton expression. Du coup, tu peux parfois deviner mon humeur rien qu’en voyant ma façon de m’habiller.

Tu kiffes aussi le sport ?

Oui, j’ai toujours aimé le sport. Le basket, c’est mon sport préféré. C’est celui que je pratiquer. Mais quand j’écris, je trouve que le foot se prête mieux aux punchlines ou aux métaphores, donc c’est souvent ce que j’utilise dans mes textes. Pourtant, si je devais choisir, je suis vraiment plus un basketteur qu’un footballeur.

Comment réussis-tu à allier ces trois passions (basket, musique et mode) dans ta vie ?

Je me nourris de ces trois passions. Le basket, il y a ce côté où tu veux dominer, tu veux être le meilleur. C’est un peu la même chose avec la musique, tu as cette envie de créer quelque chose. Le sport, c’est aussi très mental, il y a un aspect psychologique, tu te bats pour atteindre quelque chose. Et ça rejoint vraiment ce que je ressens quand je fais de la musique. Au final, les trois se complètent et me poussent à me dépasser. Et puis, le basket m’entretient physiquement [rire].

J’ai vu dans une interview que tu disais que ton grand frère faisait de la musique et que tu es allé en studio pour la première fois à six ans. Comment as-tu réussi à entretenir cette relation avec la musique depuis cet âge-là ?

C’était un moment spécial. À six ans, c’était vraiment un truc de fou. C’était incroyable d’être dans le studio avec les grands, mais à cet âge-là, tu ne te rends pas vraiment compte de ce qu’il se passe. C’était plus une chance qu’autre chose. Mais après, pendant un moment, je me suis éloigné de la musique. Puis, au collège, vers 11 ans, je me suis remis à rapper. C’était plus pour être proche de mon grand frère, celui juste au-dessus de moi. C’était un peu par mimétisme, je voulais faire comme lui et être avec mes potes. Et puis, en grandissant, vers 14-15 ans, j’ai commencé à comprendre que la musique, c’était vraiment indispensable pour moi. C’était ma manière d’exister. Depuis, je fais de la musique tout le temps, même si, au fond, tout ce que je fais fait partie de la musique. Chaque élément de ma vie fait partie de ce monde musical, que ce soit dans la mode, le sport ou mes activités quotidiennes. Parfois, je sens juste que j’ai besoin d’écrire, tu vois ? Par exemple, le dernier EP, Ni Vu, est sorti en même temps que La Boutique.

Ah, je ne savais pas !

Oui, et pour Borderline 2, pareil, c’était la première boutique.

Tu dis dans un de tes textes que réussir dans la vie, ce n’est pas forcément être connu ou avoir de l’argent, mais plutôt comprendre ce qui te plaît vraiment et ce que tu as envie de faire. À quel moment as-tu compris que la musique était une évidence pour toi ?

Je vais te raconter une anecdote que je partage rarement. Quand j’avais deux ans, j’ai eu un accident grave : je me suis enfoncé une baguette chinoise dans la gorge. On m’a dit que je n’aurais jamais dû m’en sortir, que je ne pourrais ni parler ni marcher. Pourtant, je suis là. Avec le recul, je me dis que si j’ai survécu à ça, c’est que j’avais quelque chose à raconter.

À l’adolescence, en m’inspirant de figures comme Mohamed Ali, j’ai compris que je voulais accomplir quelque chose de grand, laisser une trace. La musique est alors devenue plus qu’un passe-temps : c’était mon moyen d’expression, ma façon de donner un sens à mon histoire.

C’est marrant parce que ça fait écho à ce que j’ai compris de ta musique. C’est un lieu d’expression où tu peux être à la fois super sincère, mais aussi jouer avec l’essence même du rap, envoyer des punchlines de fou.

Oui, j’aime vraiment cette idée de combiner sincérité et impertinence. C’est ce que je cherche à faire. En grandissant en tant qu’enfant d’immigré, je n’ai pas eu une immersion totale dans la culture française. Je suis né en France, mais je n’ai pas grandi avec tous ses codes. De l’autre côté, je n’avais pas non plus les codes de la culture congolaise ni de la culture américaine, même si une partie de ma famille est américaine. Donc, j’ai dû m’ouvrir et aller à la rencontre de tout ça. Et dans ce cheminement, j’ai découvert des choses qui m’ont vraiment marqué. Par exemple, quand j’ai entendu « Laisse béton » de Renaud, ça m’a choqué. Ce storytelling, c’est de la folie. Et quand tu fais le parallèle, c’est un peu comme un morceau de Slick Rick, mais dit d’une manière différente. En fait, toutes ces influences m’ont permis de réaliser une chose : les artistes que je considère comme grands, ce sont ceux qui savent à la fois parler de leurs émotions, de ce qui les anime, mais aussi emmerder le monde. Et au final, c’est ce que j’aime faire, allier ces deux subtilités. Je tente d’y arriver, et c’est de là que vient Borderline.

Ton dernier EP, Ni Vu, est sorti en novembre. Est-ce qu’on peut faire un bilan de ces derniers mois et des retours que tu as eus ?

Je suis super content, vraiment. Tu sais, je n’ai plus trop d’attentes concernant la manière dont les projets vont être reçus. Je ne sais pas trop où me situer dans le paysage musical français. Mais quand quelqu’un découvre ma musique et m’en parle, qu’il devient fan, je me dis que c’est un vrai cadeau. Ça veut dire que cette personne m’a vu, elle a capté ce que je fais, et c’est ça qui me touche.

En ce moment, j’ai un public qui vient beaucoup du Maghreb, et ça, je ne m’y attendais pas du tout. Et en même temps, mes fans de la première heure me disent que c’est peut-être mon meilleur projet. Donc, c’est un peu un mélange de nouvelles personnes qui découvrent ma musique et de ceux et celles qui me suivent depuis longtemps. Et ça, c’est génial. Il y a une vraie diversité dans les retours, mais ce qui est cool, c’est que peu importe d’où viennent ces gens, ils arrivent tous à comprendre qui je suis. Je suis vraiment content de ça, car au final, je n’ai pas besoin de ressembler à quelqu’un d’autre pour être aimé. C’est vraiment le meilleur cadeau qu’on puisse me faire.

Comment sont nées les collaborations présentes sur le projet ?

Concernant Tedax Max, on avait besoin de quelqu’un qui rappe vraiment. On voulait quelqu’un de solide, qui ne fasse pas juste du rap pour le rap, mais qui le vive. Mon manager, Antoine, le connaissait, il travaillait avec lui, donc il m’a suggéré de bosser avec Tedax. Il a écouté le morceau, et direct, il a dit « Laisse-moi poser dessus ». Et ça, je respecte tellement cette attitude. Parce que trop souvent, en France, il y a des calculs, des stratégies. Mais lui, il a mis la musique au centre, et c’est ce que je trouve vraiment admirable chez lui. Il est venu de Lyon à Paris, on s’est retrouvés en studio. C’était assez rapide, mais super agréable. Entre rappeurs, tu aimes être challengé, tu aimes comprendre ce que l’autre fait. Et ça s’est bien passé. J’espère qu’on refera d’autres de morceaux ensemble.

Pour Svudvde, je l’ai découvert après avoir vu un de ses concerts, je crois qu’il en avait vu un des miens aussi. On a tout de suite accroché, et on a décidé de se poser en studio. On n’avait aucune idée concrète, juste l’envie de bosser ensemble. Et le morceau, on l’a fait de A à Z pendant la même séance. C’était magique. Niveau écriture, c’était une expérience nouvelle pour moi. C’était comme un open space, on se posait des questions, on échangeait sur les phrases, les idées. C’était vraiment fluide, et en une soirée, le morceau était terminé. C’est deux très beaux morceaux, et j’espère que les gens les apprécieront autant que nous avons aimé les créer.

J’avais noté trois beatmakers sur le projet, comment ça s’est fait sur le projet, le travail avec eux ?

Just Music, je le connaissais pas. C’est mon manager qui me l’a présenté. Il a vraiment cette patte de Marseille, une vibe très hip-hop. On a fait le morceau via WhatsApp. Si je retrouve les messages, je les posterai, c’était vraiment marrant. Je lui ai envoyé un voice note en mode : « T’as pas ce type de morceau ?« . Il m’envoie un beat, rigole un peu et voilà, le défi était lancé.

Ensuite, avec HollaDaze, c’est un gars avec qui j’ai grandi. Pour le morceau « Marchand de Doute » avec Tedax Max, on avait déjà une idée de base, et c’est avec lui qu’on a vraiment construit le morceau. On a ajouté des violons, Chilliz a fini le job. Quant à Rémy Béesau, qui a produit « Rodeo », je le connais depuis Borderline 1. À cette époque, j’étais encore sous un autre label, mais on est devenus super proches, on a bossé pendant le Covid, créé plein de morceaux qui n’ont jamais vu la lumière du jour. Et là, avec ce projet, c’était l’occasion de bosser ensemble sur quelque chose de concret. On a encore d’autres morceaux pour le prochain projet.

Est-ce que tu leur donnes certaines indications ? Comment gères-tu la cohérence du projet avec plusieurs beatmakers ?

C’est une excellente question. Tout ça dépend de la vision du projet dès le départ. On a déjà des concepts, des idées en tête. Une fois qu’on sait où on veut aller, on commence à travailler sur des bases. Des beatmakers m’envoient des beats ou on en crée de notre côté. Ces petites bases nous permettent de structurer les morceaux. Quand on a cette ossature, c’est là qu’on commence à affiner, à décider de ce qu’il faut ajouter ou enlever. Pour Ni Vu, on avait déjà des morceaux comme « Finir le Job » ou « Quand je ferme les yeux », mais on savait aussi qu’il fallait laisser un peu de place pour la suite. Ça se connecte naturellement à un projet plus grand, et Ni Connu sera une autre facette, une autre étape.

C’était une de mes question ! Tu confirmes donc qu’il y aura un autre projet Ni Connu ?

Oui, clairement. C’est la continuité de l’histoire. Tu sais, Ni Vu laisse une certaine note pour que Ni Connu prenne le relais, mais on garde un peu la surprise pour la suite. Ni Connu apportera une autre dimension, une autre facette de ce que j’ai à dire.

Avant de finir, peux-tu nous dire qu’est-ce qu’il y a dans ta playlist en ce moment ?

Il y a un morceau que j’écoute en boucle en ce moment. C’est un morceau italien que j’avais entendu il y a des années et que je n’arrivais plus à retrouver. Et là, la semaine dernière, je l’ai retrouvé ! C’est « Amarsi un po ».

Sinon, récemment, j’ai écouté beaucoup de trucs de Timbaland. C’est un producteur fou. Quand tu vois tout ce qu’il a fait, ça te donne un autre respect pour la musique. Je me fais aussi des petites sessions où je me concentre sur des beatmakers spécifiques pour comprendre leur démarche, leur évolution, comment ils arrivent à créer leurs sons. C’est une approche un peu geek, mais je trouve que c’est hyper important pour progresser dans ton art.

Récemment, j’ai aussi écouté Bad Bunny. Je n’ai pas encore tout fini d’analyser, mais je trouve son album vraiment cool. Il réussit à amener des messages politiques sans que ça soit trop frontal, c’est subtil, bien fait. Parfois, le rap politique est lourd, mais la manière dont il l’intègre dans sa musique, c’est vraiment classe.

J’ai terminé de poser toutes mes questions, veux-tu ajouter quelque chose ?

Vive le Congo.