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Mobb Deep, The Infamous Interview

Cette année, le duo mythique Mobb Deep, composé de Prodigy et Havoc, a décidé de fêter comme il se doit le vingtième anniversaire de la sortie de leur mythique album The Infamous (lire notre chronique), un des plus grands albums Hip6Hop de tous les temps, sans contestation possible. Deux jours avant leur concert très attendu au Bataclan (14 octobre), les deux compères nous ont reçu en toute tranquillité pour répondre à nos questions sur l’histoire de ce projet, le processus créatif, leur façon de travailler. Une interview totalement infamous.


BACKPACKERZ : Vos concerts, comme celui au Bataclan par exemple, sont remplis de jeunes de moins de 25 ans. Comment fait-on pour créer un album qui résonne toujours autant 20 ans plus tard ?

Havoc : Tu dois juste avoir un vrai amour pour l’art que tu pratiques, pour la musique en l’occurrence. Tu ne peux pas faire ça dans le but de faire de l’argent, tu dois le faire parce que tu es passionné, et cela se reflétera dans ta musique, et c’est cela qui lui permettra de durer dans le temps.

Prodigy : Je suis d’accord, tu dois être passionné par ce que tu fais, aimer ce que tu fais, être toi-même, ne pas essayer d’être quelqu’un d’autre, et t’amuser dans ce que tu fais. Si tu respectes ton art et que tu as du talent, tu as une chance de créer une oeuvre qui reste.

Quel est le souvenir le plus marquant de l’enregistrement de The Infamous ?

P : Je me rappelle qu’on ne bougeait littéralement pas de notre home studio. On n’avait rien à manger, rien à boire, on pissait même dans des 40oz (ndlr: bouteilles de bière d’1L) pour ne pas aller aux chiottes ! On sortait juste de temps en temps, des heures après, pour respirer un peu d’air frais dehors, mais c’est tout. Vous pouvez donc imaginer à quel point on était concentrés.

H : Ça se passait dans notre appartement, à Queensbridge. On avait tout l’équipement nécessaire à la maison pour travailler constamment, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. C’est seulement à la fin, quand on a décroché notre contrat en maison de disque (ndlr: avec Loud Records) qu’on a pu se rendre dans différents studios professionnels, dont les D&D parce que c’était le QG de DJ Premier, et il avait pu nous incruster pas mal de fois.

Quelles étaient vos principales influences musicales à l’époque ?

P : DJ Premier, Gang Starr, A Tribe Called Quest, Large Professor, Main Source, NWA, Boogie Down Productions……Il se passait beaucoup de choses à l’époque musicalement, et il y avait aussi un vrai changement qui s’opérait, avec un son qui devenait un peu plus « hardcore ». Dans les années 80, on rappait pour le fun, alors que dans les nineties, avec des titres comme “Just To Get A Rep” de Gang Starr par exemple, le rap est devenu plus hardcore, plus réel, et l’on se sentait plus proche de ce style.

Ce qui nous frappe dans cet album, c’est aussi le son, qui est à la fois sombre mais très propre (à l’inverse du Wu-Tang par exemple). Comment avez-vous réussi à obtenir un son si original ?

H : On doit beaucoup à nos ingénieurs avec lesquels on bossait, qui étaient vraiment très bons. On venait avec nos sons et ils nous aidaient ensuite à tout peaufiner, tout « réparer ». Il ne faut pas non plus oublier l’importance de Q-Tip.

P : On a rencontré Q-Tip grâce aux démos qu’on faisait au lycée quand on était à la High School of Art and Design . On regardait sur le verso des albums les adresses des labels, et on séchait les cours pour se pointer devant les portes, puis on attendait des heures…Dès qu’un rappeur ou autre sortait, on se jetait sur lui pour lui faire écouter nos démos sur notre Walkman genre “écoute mec c’est une pure tape !” La plupart du temps on nous répondait quelque chose du style “désolé petit, on n’a pas le temps pour vos conneries, vous pouvez partir”, mais Q-Tip a été le seul à s’arrêter, il a écouté notre démo et nous a fait monter à son bureau. C’est comme ça qu’on l’a rencontré.

The Infamous est aussi une des formes les plus pures de Hip Hop cinématique. Avez-vous pensé à sortir un film autour de cet album ?

P : Oui carrément, on voudrait faire cela un jour. On attend juste de trouver la bonne équipe, le bon réalisateur, producteur, studio, budget, script…dès que tout le puzzle sera construit, on le fera. On a pensé The Infamous comme un film dès le début car notre histoire, notre musique, nos paroles représentent plus que de simples chansons, vous devez le voir pour comprendre. C’est cool de l’écouter et de dire “ok c’est du bon son” mais vous devez aussi le voir concrètement car cela peut changer toute votre perception des chansons. The Infamous n’est pas une fiction, c’est la réalité.

Queensbridge a joué un rôle important dans la Golden Era du Hip Hop. Pensez-vous que votre musique (avec celle de Nas, AZ ou encore Cormega) a contribué a changer les choses dans votre quartier ?

H : Je pense que tous ces artistes ont permis de braquer les projecteurs sur notre quartier, et ont également rendu les habitants fiers, car ils pouvaient se dire “si eux l’ont fait, on peut le faire aussi”.

Et comment expliquer une telle concentration d’artistes de talent à l’intérieur d’un même quartier, à la même époque ?

P : C’est juste que Queensbridge est si grand ! Il y a les plus grands projects du monde. Quand tu te trouves dans une si grande communauté, tu as tout un tas de tendances qui se développent en son sein, que ce soit avec la mode, l’argot, la musique… Ce ne sont que des choses qui viennent directement du hood et qui sont uniques. La pauvreté t’oblige à être créatif. Tu dois construire quelque chose à partir de rien, parce qu’on avait réellement rien. QB était juste une grande place créative, un grand melting-pot d’artistes, c’était très puissant, un vrai bouillon de culture(s).

Qui dans la génération actuelle serait capable selon vous de sortir un album classique du calibre de The Infamous ?

P : Pour moi, Kendrick Lamar est déjà en train de le faire, il n’est même plus question de « peut-il le faire ? »

H : J’allais dire la même chose. Joey Bada$$, dans un autre style est aussi en train de construire quelque chose d’énorme…

Avec un peu la même recette que Mobb Deep finalement, niveau storytelling. On écoute The Infamous de la même façon qu’on écoute Good Kid, M.A.A.D City non ?

P : C’est vrai ! Dès que j’ai entendu cet album, j’ai dit à tout le monde d’aller l’acheter. Je ne connais pas Kendrick, je ne connais que sa musique, mais il fait clairement partie de ces artistes capables de t’emmener avec eux à travers leurs histoires, avec une réalité prenante.

Une dernière question sur la cover de l’album: y a-t-il une histoire particulière derrière cette photo ? Qui sont ces gens derrière vous ?

H : On doit faire un gros shoutout à Chi Modu pour la photo, car il avait une vraie vision pour nous, et il a pris de superbes photos pour cette cover de l’album.

P : Tous les mecs qu’on voit sur la photo, ce sont juste des gosses du quartier qui sont venus s’incruster ! Nous, on traînait simplement dans le block, rien n’était préparé ni planifié, on a juste attisé leur curiosité on va dire et ils étaient au bon endroit au bon moment. De bons souvenirs !

Hugo Ferrandis

Préfère les obscures vidéos YouTube de studio et making of d'albums aux séries Netflix. Attend désespérément un album solo d'André 3000.

View Comments

  • Belle interview! Enorme les gamins du quartier qui passaient par la, et qui se retrouve sur le couv' d'un des plus grands classiques de tous les temps... Bon boulot encore une fois les gars

    • Hello Nak,
      Ouais c'est marrant de voir à quel point très peu de choses étaient calculées alors que ces mecs étaient en train de pondre un des plus grand classiques de rap de tous les temps...
      Merci pour ton com'.
      A bientôt.
      2one

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