Money Mike (alias Michael Ray Cox) et J-Keys (aka John Groover) sévissent dans le game depuis déjà une décennie, mais ne jouissent probablement pas encore de la reconnaissance qu’ils méritent. Une injustice qui pourrait cesser rapidement : alors que figurent déjà dans leur CV les noms de 50 Cent, Dom Kennedy, Snoop Dogg, T.I., Lupe Fiasco ou encore Problem, Mike & Keys viennent de réaliser une incroyable année, en étant les principaux architectes des derniers Nipsey Hussle (Victory Lap), Buddy (Harlan & Alondra) et Domo Genesis (Facade Records), soit trois de mes projets favoris de 2018. Un point commun qui justifie à lui seul ce double-portrait.
Ceux qui ont quelques notions en marketing le savent, un changement de nom (de marque) n’est jamais facile en terme de notoriété. C’est un peu comme tout recommencer à zéro, et c’est ce qu’ont connu nos protagonistes. Jusqu’il y a peu, Mike & Keys étaient en effet davantage connus sous le blaze The Futuristiks, notamment grâce au succès de Get Home Safely, le deuxième album studio de Dom Kennedy, sorti en 2013. Mais pour des raisons légales, le duo s’est vu contraint de l’abandonner, au profit du plus sobre Mike & Keys, donc. Un changement finalement accueilli en toute tranquillité, comme le confiait Keys au site HipHop DX : « De toute façon, on préfère le nom Mike & Keys car tout le monde nous appelait naturellement ainsi, que ce soit nos amis ou nos familles, même avant le changement. On ne se prend pas la tête avec ça, on laisse parler la musique avant tout. »
Et il est vrai que leur musique parle assez pour eux, largement. Entre la soul importée de Louisiane par Mike (natif de Hammond) et le groove ensoleillé ramené de la Bay Area par Keys (né à Sacramento), le binôme ressemble fortement à une combinaison parfaite, à un cocktail parfaitement équilibré et savoureux dont on ne se lasserait jamais. Car même s’ils restent modernes au possible, Mike & Keys ne cherchent jamais à surfer sur les tendances éphémères du moment : leur musique se veut soulful et intemporelle. Basés à Los Angeles depuis qu’ils s’y sont rencontrés à la fac, leurs productions respirent la Californie dans toute sa splendeur, aidées par l’utilisation de nombreux instruments live (Mike jouait de la batterie dans une chorale jusqu’à ses 18 ans). Leur talent et leur exigence de qualité leur permettent ainsi de totalement façonner l’identité sonore de nombreux artistes californiens, comme ils ont notamment pu le démontrer de manière impressionnante l’année dernière.
Une sorte d’état de grâce. Voilà comment on pourrait résumer le parcours 2018 de Mike & Keys. Trois projets majeurs, trois réussites, trois moments de plaisir intense pour nos oreilles. Cela avait commencé très fort avec la production exécutive de Victory Lap, le très attendu premier album studio de Nipsey Hussle, sorti en février et qui fut un énorme succès critique et commercial, grâce à ce G-Funk new school qui permit au rappeur de Crenshaw de s’imposer comme l’un des grands ambassadeurs du style de Los Angeles. Mais l’alchimie qui se dégage de cet opus ne s’est pas faite en un jour, comme l’expliquait Mike au magazine RESPECT. : « On travaille avec Nipsey depuis 2012, on est à ses côtés depuis le début du processus de création de cet album. Je pense que ce que les gens ne comprennent pas sur la musique, c’est que quand vous faites de la musique avec quelqu’un, vous devez d’abord être potes. »
En juillet, ce fut au tour de Buddy de sortir, lui aussi, son premier LP studio, Harlan & Halondra. Encore une fois, ce sont bien Mike & Keys qui sont à la baguette, produisant pas moins de sept tracks sur les douze au total. Pour le reste, les deux amis savent également très bien s’entourer, avec les pointures Brody Brown (Adèle, Bruno Mars…), Roofeo, DJ Khalil, Jake One, Terrace Martin ou encore Scoop DeVille. Un savoir-faire qui fait partie intégrante du métier de producteur, comme le rappelle Mike : « Je pense qu’on est vraiment bons pour produire un album entier, appeler les bons producteurs et auteurs. Il ne s’agit pas que de nous, il faut aussi savoir s’entourer des bonnes personnes pour réaliser des projets ». Résultat ? Un véritable petit chef-d’oeuvre gorgé d’hymnes soul irrésistibles comme « Trippin' », « Shine » ou « The Blue », qui ont conduit notre rédaction à sacrer Harlan & Halondra meilleur album Hip-Hop de 2018. Buddy lui-même n’y va pas par quatre chemins pour qualifier Mike & Keys : « Ils sont incroyables », avait-il déclaré l’été dernier à nos confrères d’iHH.
Enfin, le duo s’est attaqué à Facade Records EP, le nouveau projet de Domo Genesis, sorti le 7 décembre dernier. Un peu passé inaperçu par rapport aux deux autres, de par son format (plus court) et sa release date (un peu tardive), cet opus de six tracks est pourtant un concentré d’honnêteté lyricale sur des ambiances funky à souhait, sur lequel Domo retrouve notamment Buddy (« Consecutive Normal Punches ») et… Mike & Keys. Après les avoir testés sur « Awkward Groove » (l’intro de son debut album Genesis), le rappeur, visiblement convaincu, leur a confié les clés de ce Facade Records. Bien sûr, la magie a encore une fois opéré : « L’alchimie entre nous a été incroyable dès le début. J’adore leur son et j’avais envie d’aller un peu plus loin dans mes propositions après avoir écouté ce qu’ils avaient fait avec Nipsey et Buddy », racontait récemment Domo au site DJ Booth. Comme on le comprend…
Comme une cerise sur le gâteau, cette folle année s’est achevée en apothéose avec l’annonce de leur nomination aux prochains Grammy Awards, dans la catégorie phare de Best Rap Album, dans laquelle figure le fameux Victory Lap de Nipsey Hussle. Leurs concurrents se nomment Cardi B (Invasion of Privacy), Travis Scott (ASTROWORLD), le regretté Mac Miller (Swimming) et Pusha T (Daytona). A noter qu’il ne s’agit pas d’une première pour Mike & Keys, puisqu’en 2013, déjà, le duo fut nommé dans la même catégorie, grâce à leur participation sur le Food & Liquor II de Lupe Fiasco.
En attendant le verdict final de 2019, les deux compères ne risquent pas de s’ennuyer, puisqu’ils travaillent sur le second album studio de Domo Genesis (qui devrait voir le jour dans le courant de l’année), mais aussi sur leur propre album de producteurs, comme ils l’annonçaient eux-mêmes à RESPECT. : « On veut faire un album avec tous nos potes, une compilation de notre travail et laisser le monde écouter ça. On a un paquet de chansons, de la vraiment bonne musique, et le but est de sortir quelque chose qui nous appartient totalement ». Pour nous, c’est un grand oui.
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