Plus d’un an après Prose Élite, son cinquième album studio, Médine revient avec Storyteller. Le créateur de la Don’t Panik Team (club de boxe havrais) renfile les gants pour mettre crochets et uppercuts. 16 rounds qu’on a analysé. Alors tonton Médine, qu’est-ce que tu nous as proposé ?
Sur tous ses albums, Médine a l’excellente tendance de démarrer très fort. On pense notamment à « Reboot » sur Démineur et « Le Khan » sur Prose Élite. L’histoire se répète et le Havrais tape d’entrée avec le missile « Bangerang ». En argot jamaicain, le mot signifie un désordre, une perturbation. Médine veut foutre la pagaille et annonce la couleur dès les premiers mots : « Je casse internet quand je casse le beat ».
Quel meilleur façon de mettre un bordel que de poursuivre la tracklist avec Sofiane dès le deuxième titre ? « Nature Morte » fusionne la puissance des deux rappeurs à la manière de Son Goten et Trunks tout en rendant hommage indirectement au film « Hook » de Spielberg. L’alchimie est naturelle, la collaboration est à la hauteur des attentes. Fianso déçoit rarement quand on le convie sur un featuring, encore moins quand l’invitation provient de Médine.
« Venom » arrive à point nommé et constitue vraiment un bon choix de single, le premier de l’album Storyteller. Personnage Marvel, Venom est en quelque sorte l’alter égo maléfique de Spider-Man mais réputé pour être un des villains les plus adulés du comic. Médine prend possession des pouvoirs d’Eddie Brock pour répandre sa musique, qu’il compare à Venom, littéralement le venin.
« Ma musique, un pouvoir soft, une invasion sans char »
Timing parfait, un film dédié au sombre personnage sortira en octobre. On se rappelle du clip « Trash Talking » où Médine se prenait pour Bane peu avant la sortie du film Batman The Dark Knight Rises. Stratégie pour arriver en top recherche sur les différents moteurs ? Pas bête. L’intelligence Din Records.
Puis arrive le track tant attendu depuis 5 ans pour un grand nombre d’auditeurs. La Ligue, comme on l’appelle avait fait transpiré le rap FR avec « Contre Nous ». Concept où les rappeurs Médine, Kery James et Youssoupha s’entre clashaient et s’envoyaient ironiquement sur la gueule. On dit souvent que le second volet est moins bon que le premier, l’adage est applicable. Le dernier cité chantonne et s’occupe du hook entre les couplets corrects de Din et Kery. On s’attendait à une bonne droite dans la joue, on repart avec des petites pichenettes sans réelles convictions caressant nos visages d’auditeurs.
La première surprise vient du morceau « Tellement je t’m ». On voit bien ici que Médine a évolué, la naissance de ses enfants est notamment un des facteurs majeurs de sa transformation. Le rappeur s’essaye à ce qui semble être une ode à sa seule et unique fille. C’est « tro mimi kawaii » mais heureusement, le naturel va vite revenir au galop car c’est pas forcément le Médine qu’on attend et que l’on aime, simplement. On retrouve un kicker tranchant sur « Normal ZUP » et storyteller sur « Clash Royal », où le rappeur nous raconte les histoires entre les deux écrivains Verlaine et Rimbaud à la sauce 2.0.
Mais le véritable étonnement vient à l’écoute de « Madara ». Le seul titre se référant au personnage nippon est l’oeuvre de Freeze Corleone. Ce n’est pas le rappeur lyonnais qui est invité mais Soolking, chanteur r’n’b surement fan de l’animé Naruto. Le hook et le couplet du guest, entre pop et rai autotuné, sont à la limite du supportable, bien loin des habitudes de Médine. Les oreilles saignent, on en oublie presque les lyrics du Havrais qui sont bonnes même avec un feat hasardeux.
Heureusement et comme le rappait Solaar, la musique adoucit les mœurs. Celle de Sofiane Pamart et ses notes de piano sur le skit « Dream Bank » redonne du baume au cœur et annonce le titre « Bataclan », opposé artistique total de « Madara ». Transition étonnante quand on connait la rigueur de Din Records dans l’organisation d’un CD et des tracklists. Peu importe, « Bataclan » nous transporte totalement dans son passé, ses rêves de faire le Bataclan, celui qu’il fera le 20 octobre. Pas besoin d’écrire plus, les frissons sont là.
Et que dire du nouvel épisode d' »Enfant Du Destin » consacré cette fois au chef Kanak Ataï. Après Daoud et Nour, Médine a réussi à faire aussi bien voire mieux que les précédents volets. On attend qu’une chose : le clip !
Ce qui est bien avec Médine, c’est qu’il arrive à raconter sa vie mais aussi celle des autres. En passant d' »Enfant du Destin » à « Fin Alternative », le rappeur (nous) replonge dans son passé et réfléchit à ce qu’il aurait pu être. Comme le titre l’indique, ce morceau n’est qu’une fin alternative, l’album continue donc par un skit nommé « Limits ». Ne durant qu’une petite minute, cet interlude est en réalité le premier extrait entendu de Storyteller. Oui, c’est bien le couplet que le rappeur a réalisé pour les besoins de Casio et le commercial « Challenge The Limits » pour sa nouvelle G-Shock.
Médine continue sa « Bromance » musicale par un titre du même nom. On aurait bien imaginé un couplet de Brav, c’est d’ailleurs l’un des regrets que l’on peut avoir, qu’il n’y ait aucun featuring de l’équipe Din Records. À part si on considère Massoud, le premier fils du papa Din, comme un membre de la team. Présent sur « Papeti », le père et le fils apportent une touche urbaine et enfantine sur une production que l’on pourrait directement retrouver dans les playlist « Electro summer chill out 2018 ». Encore un choix étonnant mais c’est plutôt sympa, ça reste dans la tête.
On est jamais si petit qu’en étant auprès des grands. J’ai l’intention de l’écrire, l’histoire nous sera indulgente.
Par ses mots, l’Arabian Panther termine son album Storyteller par un titre éponyme. Radicalement différente du track précédent, Médine joue avec les mots plus de 4 minutes durant sur une production plus appropriée aux capacités et au talent du rappeur. On termine sur une bonne note.
À la fin de Prose Élite, l’artiste havrais s’interrogeait sur le Médine qu’il est devenu et le Global de la première heure. Élément de réponse avec cet album Storyteller. Un rappeur toujours engagé qui s’adapte aussi à son temps sans tomber trop bas. Parfois coincé entre ce qu’il sait et ce qu’il doit faire (skit de publicité, hip-pop…), Médine nous propose tout de même un album cohérent bien que parfois frustrant par son organisation. Le talent de storyteller et de lyriciste est cependant indéniable.
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