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Matou – Au cœur de la musique

Comment tu te mets à la musique?

J’ai commencé la musique très jeune. À 3 ans mes parents m’avaient déjà mis à l’éveil musical et un jour où je suis parti faire le marché avec mon père il y avait un groupe de jazz qui jouait. J’ai regardé le contrebassiste et j’ai dit à mon père que je voulais faire ça.

Mon père m’a expliqué que concrètement c’était mort (rires) et qu’à 3 piges j’étais trop jeune pour commencer la contrebasse. Donc j’ai dit “ok bah vu que je peux pas faire ça, je veux faire du violoncelle” et pendant deux mois je lui ai répété ça tous les jours. Au bout d’un moment il s’est dit que je voulais vraiment en faire et il s’est débrouillé pour me trouver un quart de violoncelle et une prof particulière. C’est comme ça que je me suis mis au violoncelle et j’ai jamais arrêté depuis.

Tu as suivi un parcours académique dans la musique?

Oui je suis rentré au conservatoire à 6 ans et j’y ai fait tout mon cursus jusqu’à 22-23 ans. J’ai fait mon collège à Rognoni, l’école des enfants du spectacle avec des horaires aménagés pour pouvoir aller au conservatoire l’après-midi. Ensuite j’ai re-basculé vers un lycée général avec une option musique et puis je suis rentré à la fac de musicologie à La Sorbonne.

Tu écoutais déjà du rap à cette époque?

J’ai toujours écouté énormément de rap à côté. Je pense que c’est générationnel et aussi un peu en opposition à mon père qui lui était plutôt rocker.

J’allais te demander justement quel rôle tes parents ont joués dans ta relation à la musique?

Mon père a eu un label qui s’appelait Contorsion, l’un des plus gros labels de punk underground français à l’époque. Ça n’a jamais été son métier mais il a toujours eu un pied dans la musique alors que ma mère pas du tout. Mon père m’a fait écouter énormément de choses mais moi je me suis surtout construit avec le Hip-Hop. Le rap et le r&b des années 2000 c’était vraiment ce que j’écoutais non-stop même si je faisais beaucoup de musique classique. D’ailleurs j’étais un peu un ovni au conservatoire, j’étais le seul à arriver avec des baggys, des t-shirts FUBU et des casquettes à l’envers!

Crédit photo: Antonin N’kruma

Quel est  le premier rappeur qui t’a vraiment marqué?

Ma référence c’est 50 Cent. Get Rich or Die Tryin’ c’est un album ultra important pour moi parce que c’est le premier album que j’ai eu mais aussi parce que ça a marqué quelque chose dans le renouveau du gangsta rap. Ça m’a mis une claque à tous les niveaux que ce soit visuellement, l’énergie des prods ou le charisme de Fifty. J’écoutais plus de rap américain à l’époque mais j’ai quand même énormément écouté de rap français notamment Booba, IAM et NTM comme tous les gens de ma génération.

Comment tu te mets à composer des morceaux?

J’ai commencé à composer en parallèle de mes études. J’ai jamais été un méga geek mais j’avais plein de potes qui étaient dans la Musique Assistée par Ordinateur (MAO). Je vais passer pour un boomer en utilisant ce terme mais il existe encore (rires). Donc ces potes m’ont donné des clefs et moi avec mon enseignement de musicien “classique” j’avais énormément de facilité à composer sur ce genre de matériel et de logiciel.

Ce qui a été génial c’est qu’à ce moment là je me suis rendu compte que tout seul avec un ordi, des enceintes et une carte son je pouvais faire énormément de choses. C’était quand j’étais à la fac, j’ai vraiment commencé à produire des morceaux et à chercher comment les promouvoir et c’est aussi là que le DJing est arrivé.

Justement, comment tu te mets au Djing?

J’ai commencé par faire des morceaux instrumentaux, très Hip-Hop dans leur rythmique avec des influences électroniques parce que c’est ce que j’écoutais à ce moment là. Mais je ne savais pas comment faire la promotion de cette musique là et je n’avais pas assez de matière pour proposer un live vraiment abouti. Je me suis dit que j’allais apprendre à mixer pour faire tourner un peu mon nom et mes morceaux. Je m’y suis mis avec un pote et c’est comme ça que le DJing est arrivé, pour me faire connaitre au début et puis parce que j’ai pris énormément de plaisir sur ce nouveau pan.

Où est-ce que tu mixais au début ?

J’ai un pote d’enfance qui s’appelle NHKFF qui lui, faisait de la musique un peu plus électronique. Il avait fait un remix de Lykke Li qui avait bien buzzé sur Soundcloud à l’époque. Il a reçu plein de propositions de dates et comme on bossait ensemble il m’a proposé de mixer avec lui.

On fait beaucoup de sets ensemble, lui était plus techno et moi vraiment rap, du coup on avait des sets un peu hybrides qui étaient intéressants. Il m’amenait vers son univers et moi je l’amenais vers le mien. Je me suis retrouvé pendant quelques années à jouer dans tous les gros clubs parisiens, le Social Club, le Concorde Atlantique, le Rex Club, le Wanderlust… En parallèle je continuais de composer.

Et à quel moment tu deviens DJ pour des rappeurs?

À l’époque mon cousin m’a fait rencontré Espiiem avec qui il travaillait et ça a hyper bien matché artistiquement et humainement. Espiiem n’avait pas de DJ à ce moment et il avait un concert qui arrivait à la Bellevilloise donc il m’a proposé de le faire avec lui. Moi j’avais jamais fait ça mais j’ai dit “go”. C’était en 2014 et je me suis retrouvé sur scène avec lui à la Bellevilloise à prendre un kiff incroyable! C’est une autre énergie que le travail de DJ en club. Finalement je l’ai dépanné sur une deuxième date, puis une autre et j’ai fait ma première tournée en tant que DJ avec lui en 2015.

Comment tu rencontres d’autres artistes comme Chilla ou PLK?

À un moment Espiiem a voulu se tourner vers autre chose, ouvrir un studio et un label (NDLR: Noble Paris). Il m’a fait rencontrer d’autres artistes histoire que je ne me retrouve pas sans rien et je suis devenu DJ remplaçant sur la tournée Grand Cru de Deen Burbigo. Puis j’ai rencontré Chilla avec qui je tourne toujours aujourd’hui et avec qui j’avais pas mal de points communs parce qu’elle a aussi fait le conservatoire. J’ai aussi tourné avec  Aladin135 et avec son groupe Panama Bende. C’est comme ça que j’ai rencontré PLK avec qui j’ai signé pour une première tournée et ça ne s’est jamais arrêté depuis!

À ce moment est-ce que tu calcules le truc?

En fait, je ne me rends pas vraiment compte de ce qui se passe à ce moment là. Ma vie c’est la musique, je commence à pouvoir en vivre, je m’éclate et je suis tous le temps avec des potes car tous ces artistes sont devenus mes amis au fur et à mesure. Donc il n’y a pas de calcul. C’est pareil pour KIK, on s’est rencontrés vers 2019 mais j’avais l’impression qu’on se connaissait depuis toujours. On a très vite tissé un lien très fort, on a d’ailleurs fait un beau morceau pour le premier Elixir et puis je me suis retrouvé à être DJ sur sa tournée aussi. À chaque fois j’ai pris le truc comme il venait mais c’est vrai qu’après coup tu te retournes et tu te dis que quand même, il y a des sacrées coïncidences.

Tu as un exemple?

J’ai une anecdote sur la façon dont j’ai commencé à bosser avec Youssoupha. On se connaissait un peu du milieu et on s’était déjà croisé mais pas plus que ça. Un jour je suis allé voir 50 Cent en concert à Bercy et je suis arrivé avec genre 10-15 minutes de retard. Sauf que Fifty, en 10 minutes, il a le temps de faire 15 sons (rires). Le lendemain je me retrouve dans le tour bus avec PLK qui était aussi au concert et il me dit “putain quand il a fait ce morceau, et celui-là” et moi j’en avais vu aucun donc j’avais l’impression d’avoir tout loupé.

Donc je suis retourné à la date d’après avec un pote mais bien en avance cette fois! On était en loge et j’ai croisé Youssoupha. On a fini par passer la soirée ensemble et faire la fermeture du bar. En partant, il me dit “tiens Matou je n’ai même pas ton numéro” donc on se connecte et quelques mois après il m’appelle pour que remplace DJ Myst sur quelques dates car il venait d’avoir un créneau pour une émission sur ADO FM, et on a commencé à bosser ensemble. Il y a une part de hasard et c’est marrant de se dire que si j’étais arrivé à l’heure au premier concert de Fifty, potentiellement je ne serai pas aller au deuxième, je n’aurais pas croisé Youssoupha et il n’aurait peut-être pas pensé directement à moi.

Tu as d’autres anecdotes de concerts?

J’en ai une aux Ardentes avec PLK. C’était en 2023 on devait jouer sur la scène principale et ce jour là on s’est retrouvés bloqués avec le van dans un embouteillage en y allant. On est arrivés sur place au tout dernier moment et on n’a pas pu faire les balances. Le temps de se changer et de s’équiper et boum on passe de 6h30 à 6 dans un van à 60 000 personnes devant nous d’un coup!

Le concert commence et mes platines buggent. Ça envoie des choses que ça ne devrait pas envoyer, des backs aléatoires,… Je parle aux ingénieurs dans mon micro, on essaie de régler le truc en live, comprendre d’où ça vient, rallumer l’ordinateur,… Il y avait une telle énergie que je pense que les gens n’ont même pas fait attention mais c’était tendu quand même. Et puis vient le moment où je joue du violoncelle. Sur cette tournée je jouait à chaque fois les premières notes de Petrouchka seul sur scène avant de balancer le son. Quand je descends sur scène l’ingénieur qui était un remplaçant de mon gars habituel me dit qu’il a pété une corde de mon violoncelle en le préparant. Donc je me suis retrouvé à devoir jouer Petrouchka devant 60 000 personnes sur trois cordes au lieu de quatre.

Au final ça a été un concert ultra intense, tout s’est archi bien passé et les gens ne se sont rendu compte de rien mais pour nous sur scène et surtout pour moi ça a été un stress. Ce qui est marrant c’est que le lendemain tout le monde disait que ça avait été le meilleur show de la journée et que c’était un bête de concert!

Crédit photo: Antonin N’kruma

Je voudrai qu’on revienne un peu à ta casquette de producteur/compositeur. Tes premiers projets sont uniquement instrumentaux?

Oui, c’est marrant j’ai fait une interview avec Mehdi Maïzi il y a quelques années et il m’avait dit “Matou tu fais l’inverse de la majorité des producteurs de rap qui commencent par produire pour des artistes et ensuite font des morceaux instrumentaux seuls!” C’est vrai que mes premiers projets ce sont des EPs avec des morceaux sans voix alors que maintenant j’invite des artistes. J’ai commencé par sortir des EPs sur un petit label montréalais qui s’appelle Coaton Club puis en 2015 j’ai signé sur le label d’Espiiem pour mon troisième EP Conversations et un album un peu plus gros qui s’appelle Dimensions. Ce sont tous des projets instrumentaux.

Quelle est ta démarche quand tu sors ces premiers projets?

À ce moment là je suis dans une démarche d’expérimentation et de mélange d’influences. J’ai toujours été impressionné par la fusion des choses, que ça soit dans la gastronomie ou dans la musique. Le métissage est toujours ultra intéressant. C’est aussi une période où j’allais voir beaucoup de DJs plutôt électroniques, des producteurs comme Gui Boratto, John Tejada qui m’ont inspiré dans leur musique. Il y avait Acid Arab aussi et plein de choses qui arrivaient et qui étaient ultra novateurs dans le mélange de sonorités.

Un autre exemple c’est l’EP Brahman. Je me suis dit que ça serait marrant de reprendre de la musique traditionnelle indienne, de la modifier et de la travailler de manière plus Hip-Hop. A ce moment là je me suis plongé à fond dans cette culture et toute la mythologie indienne. C’était ultra intéressant et je me retrouvais des nuits entières à lire des trucs sur des significations de termes,… Dans Dimensions il y a des restes de ce travail de recherche, par exemple les tablas qui sont des percussions typiquement indiennes que j’ai utilisées dans Brahman et reprises dans Dimensions.

J’ai toujours été impressionné par la fusion des choses, que ça soit dans la gastronomie ou dans la musique.

Ça m’a fait penser un peu à ce qu’à fait Sango avec les sonorités brésiliennes..

C’est exactement ça! Ça me touche que tu dises ça parce Sango était clairement une de mes références. Je suis allé le voir en concert à la Maroquinerie avec le label Soulection. Sango c’était un des artistes qui me parlait le plus et pour moi, c’était le premier à mettre un truc très hip-hop et très trap avec de la musique brésilienne. Ça marchait de fou.

Comment tu bascules sur ton premier projet Elixir où tu invites des artistes?

J’ai commencé à composer pour différents artistes du milieu que je rencontrais. Je crois que mon tout premier placement ça a été Chilla, le titre Aller sans retour  sur son premier projet. A ce moment là j’avais travaillé beaucoup tout seul dans ma chambre, donc c’était cool de s’ouvrir. Elixir est parti d’un projet sans prétention quand j’ai réalisé que j’avais la chance d’être entouré d’artistes extrêmement talentueux dont j’étais relativement proche donc pourquoi ne pas leur proposer de venir sur un projet où ils pourraient s’éclater. J’ai toujours aimé les projets de DJ Khaled qui est un peu une référence pour Elixir. C’est un personnage à part entière qui peut rassembler plein d’artistes autour de lui et c’est quelque chose qui me correspond.

Comment tu choisi les artistes que tu invites?

Je marche surtout par affinité. Je suis en permanence en tournée ou en studio donc les rencontres se font naturellement. J’ai proposé à plein d’artistes et je me suis rapidement retrouvé avec 10 morceaux puis je me suis dit que ce serait intéressant d’en faire 15 et aussi d’avoir des croisements un peu inédits. Par exemple faire une connexion que les artistes ne se seraient pas forcément permise dans leurs projets respectifs. J’avais proposé un morceau à Jok’air et Georgio m’a dit qu’il voulait faire un featuring. Les deux n’avaient jamais bossé ensemble et je me suis dit que ça pourrait matcher, en plus ils aiment bien le basket tous les deux tu vois des trucs un peu con comme ça! Au final c’est un super beau morceau. Les croisements se sont fait comme ça, très naturellement et le premier Elixir a pris à peu près deux ans à se construire.

Crédit photo: Antonin N’kruma

Tu savais déjà à ce moment là que tu voulais faire un 2ème volet?

On a sorti Elixir en novembre 2020 et dans ma tête je savais que je voulais en faire une trilogie. A la base je pensais enchainer très vite sur le volume 2, j’avais d’ailleurs déjà des morceaux prêts mais ça s’est pas passé comme prévu (rires). Entre temps il y a eu le COVID et sans tout remettre là dessus, à la sortie du confinement les artistes se sont concentrés sur leurs projets et moi j’ai repris les tournées à fond. Surtout, je ne voulais pas bâcler et donc le volume 2 est sorti en mars 2024 trois ans et demi après. Au final, je suis super content parce que j’avais la volonté de ne pas remettre sur le volume 2 des artiste présents sur le volume 1. Je ne voulais pas qu’Elixir devienne un projet qu’on écoute juste parce qu’il y tel ou tel artiste.

Pour finir tu es en concert à la Cigale le 20 novembre prochain, à quoi peut-on s’attendre?

C’est marrant parce que les gens m’envoient beaucoup de messages sur Instagram en mode “trop hâte”  mais je vois qu’ils ne savent pas vraiment ce qui va se passer (rires). J’ai un peu envie de faire la surprise mais en gros je vais proposer avant tout un vrai moment de divertissement. La date s’appelle Matou & friends donc il y aura évidemment beaucoup de guests comme j’ai commencé à l’annoncer (NDRL à la date de la publication Matou a annoncé que Limsa d’Aulnay, Chiloo, Houssbad, Chilla et Kik seraient présents).

On jouera bien évidemment des morceaux d’Elixir 1 & 2 en live et les guests joueront potentiellement des morceaux à eux. Il y aura bien évidemment des DJ sets. Je suis violoncelliste, donc possible qu’il y ait du violoncelle (rires).  Et voilà, sans tout spoiler, ce ne sera pas un concert classique il y aura d’autres surprises et on fera en sorte que ce soit une grande fête pour célébrer ces projets-là et pour célébrer la vie!

Pour découvrir Matou et ses invités sur scène c’est ici et pour le suivre sur instagram

Merci à Matou pour son temps et sa bonne humeur et à Gautier de Noble Paris de nous avoir permis de faire cette interview dans leur studio à Paris 20. 

Florent Hacq

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