Marie-Gold : de l’absurde à l’engagé
Originaire du Québec, Marie-Gold bouscule les codes et les habitudes pour nous livrer un rap riche et dynamique. Son parcours atypique l’amène à sortir Baveuse City, un album concept mélangeant l’absurde à l’engagé et le ludisme à la sensibilité. On découvre aujourd’hui son univers coloré et unique.
Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas, on va orienter le début de l’interview sur ton parcours ! J’ai cru comprendre que tu avais commencé la musique en participant à des battles de rap, c’est bien ça ?
Avant les battles de rap, j’avais fait un groupe entièrement féminin qui s’appelait Bad Nilon. J’ai commencé dans ce groupe-là de 5 filles. Et ensuite, oui, j’ai fait des battles de rap !
Ce collectif t’a apporté une bonne expérience ?
Oui ! Ça m’a permis d’avoir une zone de sécurité dans laquelle je pouvais explorer, faire mes premiers enregistrements… C’était une période vraiment exploratoire.
Quel genre de musique vous faisiez avec Bad Nilon ?
C’était du rap ! C’était un collectif de 5 filles dans lequel je faisais les beats et j’enregistrais aussi – j’étais ingé son. À la fin, on était 3 filles.
Pourquoi tu t’es tournée vers le rap ?
Je suis une fille de lettres et de théâtre à la base : j’écrivais beaucoup et je faisais de l’improvisation théâtrale. Et il y a eu un moment, où j’ai voulu me lancer en musique et puis j’ai vu le rap comme un lieu dynamique. J’aimais le côté dynamique du rap, les MC sont un peu des personnages ! C’est un milieu super créatif, puis, genre, tu as des personnalités que tu crées dans le rap. Ce genre m’attirait et je me sentais capable ! Et puis comme je faisais des beats aussi, le rap m’a fait sentir que je n’avais pas besoin d’un parcours musical pour faire des beats. De ce côté-là c’était aussi plus facile.
Comment s’est réalisée la transition entre ton collectif et les battles ?
Ça faisait longtemps que je voyais ça et je pense que c’est un passage un peu obligé pour moi. Ça permet vraiment de te forger et de prouver ce que tu peux faire ! Puis, il y a une fille dans le groupe Bad Nilon – Kayiri – qui en faisait et j’ai voulu en faire à mon tour ! Et voilà ! Mais je n’en ai fait que deux.
Ce sont les battles qui t’ont donné envie de faire de la musique en solo ?
Oui, je sentais déjà que je voulais pousser le projet de rap à un certain niveau pro – pas juste un passe-temps ou un amusement – ça je le savais déjà. Mais définitivement, les battles de rap ont été l’étincelle.
Tu as continué tes études à côté de la musique, comment on allie une carrière de rappeuse et d’étudiante ?
Il n’y a pas de secret, c’est beaucoup d’organisation et de gestion de stress. Je sais que lorsque je vais terminer mes études – dans un mois je touche du bois – je vais clairement être plus cool. Puis j’essaye de segmenter genre “là je fais du rap” et “là je fais de l’école”. Et en même temps, l’école m’apporte tellement de choses, les sciences c’est aussi un côté méditatif et ça me permet de décrocher du milieu artistique. Je trouve ça vraiment bénéfique, ce que ces études m’apportent créativement, ça fait du bien. Aussi, je n’ai pas internet chez moi, ce qui fait en sorte que je suis plus concentrée et je suis moins éparpillée, ça m’aide.
Et oui, en plus tu es dans les sciences ! C’est un domaine assez éloigné du rap, de l’artistique et de la musique mais tu arrives à trouver un plaisir dans les deux et un équilibre qui te convient !
Tout à fait ! Moi je suis en physique, et la physique a souvent été nommée comme une des sciences les plus poétiques, parce que c’est très imagé, on parle du très grand et du très petit. Dans ce sens-là, je trouve que ça ne s’éloigne pas énormément de la création artistique ! Puis c’est super stimulant intellectuellement ! Le rap, c’est faire des figures de style, faire des connexions entre des mots, des liens… Puis, quand je fais des maths, c’est aussi des connexions donc ça me stimule aussi dans ce sens-là.
Tu ne t’es jamais dit qu’il fallait faire un choix entre les deux ?
Les premières années si ! Génie physique c’est 5 ans à temps plein, c’est sur que les 2/3 premières années j’hésitais, c’est tellement incongru ! Puis finalement, je me suis dit qu’il fallait que j’y aille à fond et que j’assume. Au début, je le voyais comme une faiblesse car tout le monde me disait que je ne pouvais pas faire deux choses en même temps, et que je ne pouvais pas me mettre à 100% dans deux choses. Puis après, j’en ai fait une force. C’est vraiment cool d’avoir ce parcours-là un peu incongru.
Tu m’as dit que tu étais à la fin de tes études !?
Normalement dans un mois j’ai mes derniers examens !
Une fois tes études terminées, c’est 100% musique ou tu vas chercher un métier dans ton domaine ? Quel est le plan ?
L’objectif des études en sciences n’a jamais été de trouver un métier, mon but n’est pas d’aller faire un job. En plus, je sens que ma carrière à un beau vent dans les voiles et ça tombe à point avec la fin de mes études. Le timing est parfait, je termine mes études et je me consacre à ma carrière !
Avant de parler de ton dernier album, je voulais revenir sur ta musique dans sa globalité. Ta musique est tellement variée, je suis curieuse de savoir quelles sont tes sources d’inspiration ! Qu’est-ce qui explique la variété de tes sons ?
Je pense que c’est la recherche ! J’ai sorti un premier album “Règle d’or” qui est très exploratoire, c’était vraiment en mode “je ne sais pas ce que je fais” [Rire]. Je voulais sortir un album alors j’ai juste compilé des chansons que j’avais et je les ai sorties. “Règle deux” c’était plus dans le R’n’B / trap, j’écoutais des gars comme Swing, Hamza.. ! Puis avec l’idée de bangers traps, qui jouent un peu dans le côté ludique et absurde, mes inspirations étaient Alkapote, Lorenzo, Vald… Vald trouve une belle nuance entre quelque chose d’absurde et de solide et sérieux. J’écoutais Les Anticipateurs, un groupe un peu absurde aussi. J’écoute Laylow avec son album concept qui est incroyable, il va dans plein de genres musicaux aussi et j’ai trouvé ça cool de faire ça tout en restant dans son univers de beat électronique.
Tu viens de sortir ton album, comment tu te sens ?
J’avais hâte de le sortir, là c’est comme le début de quelque chose, c’était un long processus créatif et des fois ça donne l’impression que quand tu sors un album c’est un accomplissement en soi alors que ce n’est juste le début ! Parce que je sens que je peux enfin me présenter avec un produit musical. C’est comme la première fois que je peux défendre un univers, c’est le début de quelque chose, c’est comme ça que je le ressens.
Tu me parles d’un long processus, tu as mis combien de temps à construire ton album ?
Je dis ça, mais ça a pris un an [Rire] ! C’est juste qu’à côté de mes études, c’était intense ! Ce que je trouve cool, avec cet album-là, c’est que c’est amusant à jouer en show, c’est ça dont je suis contente. Pour les shows on va s’amuser, on va délirer et se costumer !
C’est un album concept, est-ce que tu peux nous parler de ce que tu as voulu créer autour de ce projet ? Pourquoi un concept et pourquoi celui-ci ?
Je pense que ça s’est imposé naturellement, ce qui est venu en premier c’est le titre “Bienvenue à Baveuse City”. J’ai trouvé le titre super accrocheur. Je voulais faire un spectacle plus de bangers en termes d’énergie et de shows : c’étaient les fondations de la ville. Au début, ça devait juste être une mixtape, puis il y a eu la pandémie qui m’a donné plus de temps et de ressources pour bien faire ça. Alors, je me suis dit que tant qu’à le faire, autant bien le faire. J’ai pensé un album concept avec des interludes, comme un espèce de call musicale entre les chansons, des interventions, des trucs théâtraux, je voulais que ce soit solide musicalement, et je voulais qu’il y ait un propos… Ça a pris plusieurs degrés ! Au début, je voulais abandonner toutes les interludes, puis j’ai écouté l’album de Laylow et je me suis dit “yes, you can do this!”. L’album de Laylow est très fluide, mais moi je voulais rester dans l’ère du streaming avec beaucoup de bangers que tu peux écouter seuls !
Mais oui, tu peux écouter le projet entièrement en comprenant l’histoire, c’est tout à fait fluide mais tu peux aussi écouter les titres séparément tout en kiffant tout autant !
C’était ça mon défi ! Je voulais faire des bangers que tu puisses écouter séparément.
C’est réussi ! Tu as trouvé le titre en premier, mais pourquoi “baveuse” ?
Qu’est-ce que ça veut dire pour vous en France ?
“Baveuse” c’est un peu négatif, une “baveuse” n’est pas quelqu’un de bien..
Aaah ouais ! Nous au Québec c’est une tannante, c’est quelqu’un d’amusant, moqueur ! C’est une personne qui agit par amusement mais pas par méchanceté. C’est plus ce côté là, que je suis allée chercher, le côté enfantin, candide, amusant !
Quand on écoute ton projet, on se dit direct “j’ai hâte de voir ça en show”, c’est un véritable spectacle ! C’est un univers total qui est instauré et les visuels y jouent pour beaucoup, tu peux nous en parler ?
Ça a toujours été important de faire un album autour d’une ville, ça donne tellement de possibilités de déclinaisons artistiques ! Puis les visuels sont très importants pour moi, j’ai toujours été obsédée par les vidéos clips que là je me suis mis à réaliser mes propres clips ! Parce que je sais ce que je veux avec des idées claires et précises et je ne voulais emmerder personne.
Et la cover est dingue ! Puis, là on va faire le lancement le 14 avril et ça va être une fête foraine. Tous les titres de l’album vont être des kiosques et on va commencer le show avec un ruban qu’on va découper sur la scène pour ouvrir Baveuse City ! Ça va être fou et visuellement ça va être cool !
Ça devient ta ville utopique dans laquelle tu fais ce que tu veux, ça devait être dingue d’avoir champ libre au niveau de la création artistique !
À 100% ouais ! Quand j’ai fait l’album, j’ai pris une grande map où j’ai dessiné les différentes chansons. C’est un délire créatif ouais.
Et par rapport à tes différents projets, es-tu fière d’en être ici ?
Je suis quelqu’un qui est dans le présent, je ne me pose pas vraiment de question. “Règle deux”, je le trouve vraiment mature, j’étais très contente de cet EP car c’est à ce moment-là où j’ai commencé à faire ce que je voulais. Parce que dans le passé, je réalisais beaucoup de compromis artistiques. Là je n’en ai plus, puis j’ai une bonne équipe qui m’encourage là-dedans donc ça change tout !
Et au niveau des thèmes abordés, tu dénonces avec légèreté et malgré l’importance des sujets quand on t’écoute on à quand même un sourire !
Ouais ! Je dénonce le ridicule avec le ridicule, c’est la façon que j’ai trouvée pour désamorcer la bombe. C’était ça mon intention.
Et le côté fou de ton projet bouscule les genres et les habitudes !
Je trouve important d’être originale, il y a tellement de choses qui sont présentées aujourd’hui. Moi, je suis des artistes parce qu’ils sont originaux, donc j’ai trouvé cool d’avoir trouvé une façon de l’être.
Et c’est quoi la suite pour toi ?
Baveuse city est tellement un univers grand, on va réaliser des clips, on va faire des spectacles, on va sortir le merch, on va faire le lancement… On va exploiter l’univers de Baveuse City !
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Un immense merci à Suzon et Chloé pour leur temps et ce moment inspirant.