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Mahalia : « J’ai réalisé que la musique était l’amour de ma vie »

La fulgurante ascension de la native de Syston, petite ville de la contrée du Leicestershire, n’est surement pas le fruit d’un quelconque hasard. Forte d’une solide formation théorique et pratique en écriture et en chant, la jeune artiste entretient en plus une relation privilégiée avec son public qu’elle choie lors de ses performances scéniques. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec elle en marge de sa date à La Maroquinerie de Paris début novembre : une rencontre enrichissante placée sous le signe de la convivialité et du partage.

BACKPACKERZ : Tu as commencé la musique avec seulement ta voix et ta guitare acoustique. D’ailleurs Diary Of Me (ndlr : sorti en 2016) sonne acoustic folk. Tes derniers sons ont pris une couleur Soul et R&B, que s’est-il passé ces deux dernières années ?

Mahalia : Je ne crois pas qu’il y ait eu un moment en particulier. En prenant de l’âge, j’ai grandi de différentes manières. Lorsque j’étais jeune, la seule manière que j’avais trouvée pour faire de la musique, c’était de jouer de la guitare et de chanter. C’était la seule façon. En prenant de l’âge, je me suis mise à écouter bien plus de musique comme Lauryn Hill, Erykah Badu, Jill Scott ou Angie Stone. Et le fait de faire ça m’a donné accès à un nouveau monde de sonorités. Je me suis projetée dans ce monde et j’ai voulu faire de la musique qui ressemblait à ça. C’est venu naturellement.

Maintenant que ta musique s’est complexifiée dans sa conception et son instrumentation, cela a-t-il impacté ta façon d’écrire ?

Clairement ! Lorsque j’écrivais avec ma guitare… Tu vois, c’est juste toi et l’instrument, il n’y a personne à côté de toi, personne pour te dire quoi faire. Donc je me retrouvais toute seule dans ma salle de bain et j’écrivais des chansons. Et je crois qu’il y a une part en moi aujourd’hui qui regrette ce temps-là. Il n’y a personne autour de toi, personne pour te dire : « tu devrais écrire comme ça ». Tu es juste avec toi-même. Maintenant, c’est bien plus complexe et profond. Je passe plus de temps avec les producteurs et les compositeurs, il y a plus de gens dans le processus…

Qu’est-ce qui vient en premier d’ailleurs : l’écriture ou la composition ? 

J’écris d’abord ! Oh non, non, non, c’est un mensonge je compose d’abord. Désolée ! Lorsque je compose à la guitare généralement je pars sur quelques accords, mais lorsque je suis avec le producteur, il ramène le beat, on identifie la tonalité et je commence à écrire dessus. Je commence toujours avec la mélodie et j’écris les paroles après.

Et avec tous ces gens autour de toi, tu n’as pas peur que ta musique perde en authenticité ?

Non ! Peut être qu’effectivement ça a perdu un peu de son côté personnel parce que c’est vrai qu’une combinaison guitare-voix c’est très intimiste. Quand tu ajoutes un beat et d’autres instruments, tu perds forcément un peu ce côté-là, mais je ne crois pas que tu perdes en authenticité. Je crois que…

C’est juste différent…

Oui, ça l’est ! Pendant un moment j’ai eu peur d’en perdre mais je pense que tant que toi, l’artiste, tu écris toujours de la même manière et toujours ce que tu souhaites dire, je pense que les gens te trouveront toujours authentique.

Tu mets ta vie dans tes textes et ceux ci sont très personnels, est-ce que l’écriture est un moyen d’exorciser tes démons et mettre des mots sur tes émotions ?

Clairement ! En tant que parolière, j’ai toujours écrit sur les choses que je vivais. Si je traverse quelque chose ou si quelqu’un m’embête, j’en parle toujours, je suis très honnête… Ce qui ne m’a pas toujours servi d’ailleurs, ça m’a mis dans pas mal de difficultés. Mais c’est une partie de moi, de l’artiste, et je crois que les gens s’identifient à ça. Ça fait partie de moi, de tout ce que je suis à mon âge en tant que fille.

Je sais que c’est un peu tôt pour poser ce genre de question à une personne de vingt ans, mais j’ai lu que quand tu étais plus jeune tu voulais être scientifique…

(Rires) Oui !

Et quand on t’entend parler, on sent que tu aimes analyser les choses…

C’est vrai !

As-tu d’autres projets, d’autres objectifs de vie que tu aimerais réaliser mis à part le fait d’être une artiste ?

(Elle réfléchit) Il y a bien eu d’autres choses oui. A 13 ans, je voulais vraiment être une scientifique. Je pensais vraiment que c’était ce que j’allais faire. Et il y a eu un signe qui m’a fait prendre conscience que ce ne serait pas ce que je ferai… En plus je n’étais pas super douée, j’étais pas mauvaise en science mais pas extraordinaire et je n’étais pas si passionnée que ça. Le truc avec la musique, c’est que lorsque j’ai réalisé que c’était l’amour de ma vie, j’ai su que c’était ça que j’allais faire. Je crois que c’est ce qui importe ; de savoir que c’est la seule chose que tu veux faire.

Mais parfois je me demande : « et si je n’avais pas fait ça ? » Je n’aurais jamais été une scientifique, j’aurais probablement travaillé avec des enfants, en tant que professeur ou, en tout cas… travailler et donner à des gens plus jeunes que moi j’imagine. Mais concernant mes objectifs de vie, depuis toute petite mon but était de voyager à travers le monde et la musique me permet ça, donc être chanteuse ça me va !

En écho à ton morceau « Back-up Plan », maintenant qu’une carrière musicale internationale s’ouvre à toi, penses-tu avoir besoin d’un plan B, juste au cas où ?

Non ! Pas du tout ! Mon plan B dans tout les cas est, et sera, que si rien ne marche, tout ira bien quand même ; genre, je ne vais pas mourir. Je m’en sortirai. Je pense que les gens se soucient un peu trop de ça. Ma mère m’a toujours dit : « je préfère une « tant pis ! » à une « et si j’avais… ? » Et je crois que ça m’a pas mal aidé dans ma vie. J’essaie toujours de vivre dans le présent et dans le moment. Quand tu te dis que quelque chose va mal se passer, ça va mal se passer, tout simplement parce que ta tête et ton cœur ne sont pas investis à 100% dedans.

Tu dit que tu vis beaucoup dans le présent : ta session Colors est la plus vue de la chaine, je voulais savoir si tu avais un objectif dans la musique ou si tu improvisais ?

J’avance à l’aveugle ! J’improvise. Honnêtement. Le truc c’est qu’avec la musique je ne me suis jamais fixée d’objectifs. Je me suis rendue compte depuis que je suis entrée dans cette industrie que tu ne devais pas avoir trop d’attentes parce que tu ne sais jamais comment ça va se passer. Pour moi ça se résumait à : « si ça se passe bien, tant mieux et si ça ne se passe pas bien, eh bien cherchons une solution ». Je pense que, et je ne veux pas faire cliché, si je peux continuer à faire ce que je fais, voyager et faire ma musique, ça me suffira.

Dans tes morceaux, tu parles beaucoup d’amour : amour pour toi-même, pour tes frères et soeurs, pour tes amis ou encore pour ton public. Qu’est-ce que ça fait de se retrouver à Paris, la ville de l’amour ?

Je suis déjà venue trois fois ! Mais je n’ai pas eu encore le temps de vraiment visiter. A chaque fois que je suis venue ici, tu le sens, c’est une ville vraiment magnifique.

Je réécoutais ton morceau « Begin Again » qui a pour thème l’amour 2.0. ou du moins les relations à l’époque des réseaux sociaux. Penses-tu que la manière dont on vit l’amour aujourd’hui est plus…

Superficielle ?

Oui !

C’est tellement superficiel. Quand j’ai écrit ce morceau j’avais 17 ans et j’étais encore à l’école. J’utilisais beaucoup Instagram, Twitter, Snapchat et Facebook, j’étais toujours dessus. Je crois que la façon dont nous tissons des relations maintenant est superficielle. Je pense que ça tourne beaucoup autour de l’apparence et de comment on est perçu sur Internet. C’est dur de ne pas être comme ça. Je ne sais pas pour vous mais moi j’ai grandi dans ce monde, mais je crois qu’en tant que personne utilisant souvent les réseaux il faut savoir s’en restreindre. Toutes mes relations amoureuses et amicales maintenant, ne sont plus basées là-dessus.

Deux ans depuis ton dernier album…. Quels sont tes projets ?

J’écris là. Diary Of Me, c’était plus une mixtape… Mon premier album arrive l’année prochaine. Ce qui me réjouit, mais ça prend des plombes ! Pour être totalement honnête, c’est dur de rester silencieuse pour garder le mystère autour de l’album. En tant qu’artiste indépendante, tu ne t’écoutes que toi-même, c’est un peu comme quand je te disais que j’écrivais toute seule dans ma salle de bain. Mais maintenant que je suis signée… Si j’avais pu, j’aurais sorti un album il y a un an, mais tu as trente autres opinions qui rentrent en ligne de compte et qui te disent ce que tu devrais faire ou ne pas faire. Mais c’est pour ça que j’ai sorti un EP (ndlr : Seasons), pour que les gens puisse continuer d’attendre, mais l’album arrive.

Qu’est-ce que ça fait de partager ta vie avec un public ?

C’est tellement spécial que ton public puisse t’écouter et recevoir quelque chose de ta part. Pour être honnête j’adore raconter mes histoires au public, mais aussi raconter mes inspirations et pourquoi j’ai écrit telle ou telle chanson.

Comment arrives-tu à galvaniser ton public ?

C’est assez difficile. Je crois que tu dois être toi-même. Ce que j’ai découvert c’est que lorsque tu es toi-même, ton public l’est aussi. Lorsque je parle et que pour une raison je me mets à rire, à danser ou à blaguer, les gens se sentent à l’aise et prennent part au moment. Il me semble que c’est comme ça que tu touches ton public. Je vois mes concerts comme une conversation avec vous et j’ai envie que chaque personne sorte de mon concert et se dise qu’il vient d’avoir une conversation avec moi. Je crois que c’est comme ça que je fais.

La taille de la salle joue aussi…

Oui, lorsque c’est plus petit, c’est plus intimiste.

Tu ne pourrais pas faire ça à Wembley par exemple…

Non, mais oui pour jouer à Wembley mon Dieu !

Cet entretien a été préparé et réalisé conjointement par Théo Hauquin et Basqui.

Antonin Lacoste

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