Malcolm James McCormick aka Mac Miller aka Larry Fisherman est aujourd’hui l’une des figures de la nouvelle génération de rappeurs. Âgé de 24 ans, le natif de Pittsburgh peut se vanter d’avoir déjà 21 projets au compteur. Retour sur une discographie aussi riche que variée, témoignant de l’évolution flagrante d’un enfant devenu grand.
Comme toute bonne biographie d’artiste contient toujours au moins une anecdote abracadabrante, la légende veut que Mac Miller découvre le rap dès ses 14 ans, lorsqu’il s’essaie à un freestyle hésitant lors d’une session de consommation de plantes interdites avec ses amis. Un freestyle qui fit déclic. Il choisit donc de consacrer sa vie au hip-hop, au point de lâcher sport et études. Véritable musicien autodidacte, il maîtrise aujourd’hui piano, guitare, batterie, contrebasse et aiguise sa plume depuis ses 15 ans.
Mac Miller sort donc sa première mixtape But My Mackin’ Ain’t Easy en 2007 puis s’essaie à plusieurs projets avec Beedie, autre rappeur de Pittsburgh. Les choses sérieuses commencent à l’aube de ses 18 ans lorsqu’il signe chez Rostrum Records (label ayant également signé Wiz Khalifa dès ses 16 ans) et publie sa mixtape K.I.D.S (Kickin’ Incredibly Dope Shit) en août 2010.
Véritable premier projet de Mac Miller, cette mixtape pose un style et un rap plutôt enfantin. Pas facile d’avoir une véritable street cred quand on vient de la classe moyenne de Pittsburgh. L’artiste que l’on connait aujourd’hui est donc né derrière un ado prenant le microphone pour nous parler majoritairement de sa consommation d’alcool et de drogue, de la façon de délaisser ses responsabilités pour profiter de la vie et de son envie de devenir riche.
Bien qu’il n’ait jamais mis les pieds à la fac, Mac Miller retranscrit une atmosphère très freshman que l’on pourrait qualifier de Frat Rap. Il sera ce rappeur que l’on aime écouter lors d’un été ensoleillé, ou pendant une soirée entre amis accompagnée de quelques aromates et boissons alcoolisées.
Fort du succès de cette première mixtape, Mac Miller poursuit sa progression et sort sa seconde mixtape Best Day Ever en mars 2011. Ce second projet s’inscrit dans ce même style qui a fait son succès et reçoit un accueil identique à la première mixtape. Fort de plusieurs titres phares comme « Donald Trump » ou « Wear My Hat », Mac Miller est désormais plus confiant et sait que son style peut conquérir tout un public. Il n’hésitera pas à en jouer dans ses textes et dévoile une nouvelle facette alliant grande confiance en soi et légère arrogance que l’on peut retrouver chez beaucoup de rappeurs.
Pas le temps de souffler que le rappeur sort son premier album studio en juillet 2011, Blue Slide Park, titre faisant référence à un de ses parcs préférés de la ville de Pittsburgh. Dans la même veine de ses premières mixtapes, on retrouve une ambiance identique sur des productions plus soignées et travaillées. L’album est d’ailleurs en grande partie produit par I.D. Labs, studio d’enregistrement situé à Pittsburgh.
Avec des titres phares tel que « Missed Calls » et « Up All Night », Mac Miller continue de chantonner son hymne à la fête et Blue Slide Park s’impose rapidement pour finir par se hisser numéro 1 du Billboard 200 avec 344 000 exemplaires vendus. Une première pour un projet indépendant depuis Dogg Food de Tha Dogg Pound. Blue Slide Park viendra cependant clore le premier chapitre de la carrière musicale de Mac Miller, qui se retrouvera vite confronté à la réalité du succès et ses difficultés.
Mac Miller connaît alors le succès et l’argent mais aussi le revers de la médaille. Il devient rapidement riche, prisé, critiqué et se retrouve confronté à toute la pression de l’industrie musicale, une première pour un ado habitué à sécher les cours pour aller fumer un joint. Il cherche donc naturellement à supporter ce nouvel environnement et trouve un échappatoire dans le Purple Drank, boisson très populaire dans le milieu du rap qui consiste à mélanger de la codéine (sirop pour la toux) avec un soda (Sprite, Mountain Dew).
Consommant également toutes sortes de drogues, Mac Miller est alors prisonnier d’un engrenage et les conséquences de cette descente aux enfers auraient pu s’avérer catastrophique pour lui. Un de ses meilleurs amis d’enfance Jimmy Murton déclare que, durant cette période, Mac Miller était constamment sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool et sa rédemption est un quasi-miracle, tant sa consommation était impressionnante.
Un état d’esprit qui s’est immédiatement reflété dans sa musique. C’est en mars 2012 que sort la mixtape Macadelic, et bien que le titre puisse le sous-entendre, le changement musical est radical.
L’introduction « Loved Me As I Have Loved You » plonge directement l’auditeur dans une ambiance beaucoup plus sombre, voire parfois psychédélique. Mac Miller a choisi d’ouvrir et conclure les morceaux avec une voix féminine, en anglais et en français (à la manière d’un Jay-Z dans « Girls,Girls,Girls ») liant ainsi l’album de bout en bout sur fond d’interrogations et phrases philosophiques (« why are we here? »)
Côté production, là encore le changement est radical par rapport aux premiers projets, joyeux et ensoleillés. L’effet sombre de Macadelic nous donnera certains morceaux très influencés trap comme « Loud », « Lucky Ass Bitch » ou encore « Ignorant » mais également bien plus hip-hop dans d’autres titres comme « Thoughts From A Balcony », « Desperado » ou « America ».
Mac Miller semble marqué par la dureté de l’industrie musicale et son passage d’un kid inconnu à l’icône de tout un public s’en ressent également dans ses textes.
« I spent some time just thinkin’ where did that get me ? high, more drinkin’. Now my head empty, so can it last a couple minutes more ? Pain a funny thing when you can’t figure out the source »
Autre fait marquant, il s’agit également du premier projet de Mac Miller sur lequel plusieurs invités de marque sont présents. On peut donc y voir des collaborations avec des leaders de la nouvelle génération tels que Kendrick Lamar et Joey Bada$$. Le projet sera plutôt bien accueilli, malgré le changement radical de style. Mac Miller connaîtra l’apogée de sa phase noire avec plusieurs délits, arrestations et consommations abusives de produits stupéfiants lors de la tournée Macadelic en 2012.
Arrêt brutal pour Mac Miller après cette tournée, où il comprend qu’il est en train de sombrer et qu’il a tout intérêt à réagir pour s’en sortir. Il arrête donc totalement la consommation de Purple Drank, cause principale de son mal-être et isolement au monde. Ce sevrage aura bien évidemment des répercussions, autant sur le plan mental que musical. Ainsi, pendant une année entière, il entreprend la composition de Watching Movies With The Sound Off, qui sortira en juin 2013 et pour lequel il déclare avoir enregistré pas moins de 400 morceaux.
Dans une ambiance plus que jamais psychédélique, cet album est celui qui reçoit le meilleur accueil auprès des critiques même s’il connaît des ventes bien moins impressionnantes que Blue Slide Park. Le rappeur de Pittsburgh est en pleine reconstruction. Fatigué, déprimé, il n’hésite pas à parler ouvertement de son mal-être et délivre peut-être ici son meilleur opus, en tout cas, le plus complet, diversifié et intéressant lyricalement.
On observe que celui qui fut l’un des rappeurs les plus joyeux et enfantins est désormais plus mature, plus réfléchi et sait se poser les bonnes questions. 16 morceaux accompagnés de la crème de la nouvelle génération (Action Bronson, ScHoolboy Q, Earl Sweatshirt…) pour parler des séquelles de son addiction, la perte d’un ami proche et plusieurs signes flagrants de dépression. Il passe également encore un cap en terme de production en faisant appel à The Alchemist, Pharrell Williams ou encore Flying Lotus, même s’il s’autorise à signer lui-même 5 des 16 morceaux sous le pseudonyme de Larry Fisherman.
S’il a pu faire la fête dans ses précédents projets, Watching Movies With The Sound Off représente la difficile gueule de bois du lendemain, et vient marquer la fin du deuxième chapitre de la carrière musicale de Mac Miller, qui va vite redresser la tête et prendre un autre virage.
Malgré les séquelles, tout homme grandit en apprenant de ses expériences et Mac Miller a désormais envie de voir plus loin. En 2014, un deal de 10 millions de dollars est annoncé pour la fusion de son propre label REMember Music avec Warner Bros. Changement d’atmosphère pour un artiste totalement indépendant qui ne veut désormais plus seulement exister sur Internet, mais aussi signer et développer de nouveaux talents.
L’artiste délivrera cette même année une mixtape Faces, dernière sortie officiellement indépendante, et sortira son troisième album studio GO:OD AM en septembre 2015. Totalement libéré de ses maux, il fait désormais la musique qui lui plaît et qui lui parle. L’introduction « Doors » produite par son grand pote Tyler The Creator nous plonge immédiatement dans le bain. Cet album sera donc plus léger que le précèdent, plus agréable à l’écoute, bien que toujours aussi efficace dans les productions.
« You know it’s been a minute since I been awake
Didn’t mean to cause you pain, I just needed to escape
They saying that I’m sober, I’m just in a better place »Mac Miller – Doors
Coté production, on retrouve toujours ID Labs, parfois accompagné de nouveaux producteurs à tendance plus jazzy (ThunderCat, Christian Rich) apportant des sonorités nouvelles et plus fraîches à un album mixant les styles, chantonnant une rupture difficile dans « Weekend » en passant par un hymne à sa réussite dans « 100 Grandkids ».
Véritable reflet de l’état d’esprit de Mac, GO:OD AM est un projet totalement libéré, à la recherche de la vibe parfaite, posant ainsi les bases de son dernier album The Divine Feminine.
S’il y a bien deux choses que l’artiste aime évoquer, c’est s’interroger sur le sens de la vie et celui des relations amoureuses. En cette rentrée 2016, Mac Miller nous surprend en sortant son quatrième projet solo The Divine Feminine. Plus court que les opus précédents, il présente encore une fois une nouvelle phase musicale très surprenante pour l’ex-gamin de Pittsburgh. Certains y voient une évolution naturelle tant l’amour est un sujet qui le passionne, d’autres y voient une grande influence de sa relation avec Ariana Grande.
Bien plus groovy et jazzy dans l’âme, Mac Miller nous entraîne dans un court voyage centré sur l’amour et ses différentes facettes, retouchant du doigt ses premières années frat rap mais avec une plus grande maturité. Il nous délivre ici un disque d’une pure sincérité et d’une beauté sans égale dans sa discographie.
Au-delà de cet artiste désormais réfléchi et mature, il est de bon ton de parler de sa carrière en tant que producteur sous le pseudonyme Larry Fisherman. Là encore, Mac Miller a su évoluer et montrer qu’il possède un réel talent de musicien quand il s’agit de passer derrière les machines. Il ne se fixe aucune limite lorsqu’il produit, et même si ses premières productions étaient tout d’abord destinées à sa propre utilisation, il offre parfois des collaborations aussi variées qu’intéressantes (par exemple la série des !Go Fish! invitant les rappeurs Conway, Your Old Droog, Michael Christmas…)
Bon nombre de ses productions sont présentes sur son Soundcloud dans des styles divers et variés. Il est possible de tomber sur Mac Miller chantonnant sur quelques notes de guitare, sur un instrumental d’un sample jazz, ou encore un featuring avec Future sur un beat hip-hop 90’s (oui, Future sans auto-tune).
Larry Fisherman permet à Mac Miller de poster tout ce qui lui passe par la tête toujours dans l’idée de faire avancer son art. Une spontanéité qui est toujours la bienvenue, nous montrant toute la réserve de talent que possède le rappeur.
A l’heure où les artistes peinent à se renouveler et innover au fil des projets, Mac Miller possède quant à lui cette force d’innovation et cette spontanéité pour retranscrire son état d’esprit dans ses projets. De l’ado découvrant le monde du rap à l’homme évoquant ses relations amoureuses, peu d’artistes peuvent se vanter d’un tel changement de style et d’une telle force novatrice dans une carrière aussi courte. À l’aube de ses 25 ans, il ne peut qu’être intéressant de plonger dans l’univers du rappeur de Pittsburgh qui s’efforce, à l’image d’un narrateur, de retranscrire sa vie et ses émotions sur le BPM.
Mac Miller sera en concert le 4 juillet prochain, sur la mythique scène de l’Elysée Montmartre.
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Yayaya Un des rares artistes qui ma jamais déplus!
bigup pour l'article
Merci pour cet article retraçant avec brio le parcours de MacMiller, je me réjouis d'en savoir plus autour d'un artiste qui colle à ma génération.
Le rappeur avec qui il a commencé le rap s’appelle Beedie et non The Ill Spoke... Car le groupe s’appelait The Ill Spoken. Voila pour l'info ;)
Effectivement, petite erreur de ma part, c'est corrigé ! Merci pour ta précision Stan ;)