Loyle Carner, c’est le nom d’artiste de Benjamin Coyle-Larner, rappeur issu de la scène londonienne et qui, comme bien d’autres, a décidé de vivre de son art. S’il a des choses à raconter, il a pris le parti de les décliner dans le style qui se rapproche le plus de ses préférences. Et ils sont nombreux (tous?) à partager cette vision des choses. Donc rien d’original jusque là. C’est dans son mode d’expression et ses choix de productions que l’étincelle prend. Entre la soul, le phrasé rappé et même parfois du spoken word, quasi tous les styles d’expression passent au prisme de son inspiration et nos oreilles l’en félicitent. D’autant qu’il sait s’entourer de talents aussi prometteurs que lui comme Tom Misch, un producteur multi-instrumentiste anglais qui commence à faire parler de lui.
Celui qui cherchera de la violence ou une logique expiatoire dans son inspiration se sera trompé de chemin. Si violence il y a, elle réside dans les termes abordés et la cruauté des situations que la vie a pu lui offrir. Repéré en 2014 grâce à son EP A Little Late, le parallèle avec le temps qui s’écoule semble marquer son œuvre, empreinte de nostalgie et pourtant résolument optimiste et tournée vers l’avenir.
Comme tout un symbole, Yesterday’s Gone s’ouvre sur un gospel grésillant pour conduire « The Isle Of Arran ». Les lyrics laissent d’ailleurs peu de place au doute quant à la saveur qu’il a décidé de donner à son dernier projet. Introspection et lyrisme seront au rendez vous.
Il faut dire qu’après les titres « Cantona » et « BFG » qu’il a dédié à son beau père brutalement disparu dans son EP de rookie, le rappeur n’hésite pas à se mettre à nu et à mettre en 16 ses doutes et ses blessures. Forcément, la teinte des prods qui l’accompagnent s’en ressent : peu de sons énervés, du boom bap de qualité (presque un peu trop propret à certains moments) et des inspirations jazz et soul clairement revendiquées. On retrouve aussi parfois quelques accords d’une guitare et d’une batterie plus rock (sur « NO CD ») voire des tonalités folk (sur « Yesterday’s Gone » par exemple) qui prouvent que la musicalité prévaut dans son projet. C’est d’ailleurs le sentiment qui domine à l’écoute de ses deux projets ou des collabs sur lesquelles il est crédité.
En somme, Carner a su trouver un public et offrir de beaux moments de musique. Le risque est pris, rien à redire là-dessus. Maintenant, Londres prouve une fois de plus qu’elle est le centre de beaucoup de créations et d’originalités et que chacun a son mot à dire. Allez voir du côté de Jay Prince et Little Simz pour vous en convaincre. Carner les emploie bien et sait choisir ses morceaux. Soyons francs, celui qui cherche de nouvelles sonorités ou de nouvelles manières de s’exprimer ne trouvera pas son compte dans sa musique. En revanche, à celui qui traque les belles vibes, les mots bien sentis et les productions soyeuses, qu’il arrête son chemin, il pourrait se régaler. Parce que Carner a du savoir-faire et qu’il a très certainement raison de s’y employer. De manière clairvoyante et pour valider le cliché british : avec flegme et élégance. Avec A Little Late et Yesterday’s Gone, vous avez au moins deux opus à vous mettre sous la dent. Et pour ceux qui voudraient voir ce que le jeune anglais à sous le pied sur scène, il sera de passage à Paris pour un concert au Badaboum (Paris, 11e), le 25 février prochain.
Bon appétit !
Crédit photo : AMF Records
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