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Blu – Since (spécial James Brown)

Back in those days. Nous sommes en 1957. On roule en Chevrolet Belair et en Ford Mustang. West Side Story s’installe à l’affiche de Broadway. Marylin Monroe est mariée à Arthur Miller et tourne Certains l’aiment chaud. Elvis Presley vient de déclarer au fisc américain plus de 20 millions de dollars de revenus annuels et est devenu en quatre années de carrière la plus grande star vivante du rock’n’roll. Le single « You Send Me » de Sam Cooke est classé numéro 1 au Billboard.

La ségrégation raciale régit encore la société civile américaine dans une grande majorité d’Etats. Année clé dans la lutte des Noirs en faveur de leur droits civiques et après les lois de 1954 sur l’abrogation des discriminations raciales dans le système scolaire, le 29 août une loi autorisant le droit de vote à la population noire est votée par le Congrès américain. Début septembre, à Little Rock, dans l’Arkansas, neuf élèves afro-américains se voient violemment refuser l’accès à l’école. Le président Eisenhower doit intervenir et fait appel à l’Armée pour rétablir l’ordre et faire appliquer la loi.

La musique noire évolue depuis le milieu des années 40 vers le rhythm & blues. Inspiré du jazz, du gospel et du blues, ce nouveau genre musical plus subversif et sensuel, qui fait la part belle aux cuivres et aux rythmes entraînants de batterie, a recours à des chanteurs à la voix puissante et au charisme scénique. Style précurseur de la grande musique noire des années 60 et 70 (soul et funk), le rhythm & blues voit naître des artistes de génie : Ray Charles, Big Joe Turner, Little Richard, Ike Turner et un certain James Brown d’une vingtaine d’années.

Retour quelques années en arrière. En 1952, à Augusta, ville moyenne de l’état de Géorgie, le jeune James Brown, tout juste libéré sur parole, monte un groupe de rhythm & blues local, The Flames, avec le pianiste Bobby Bird rencontré en prison. L’aura et le talent de James prennent rapidement le dessus et les deux musiciens rebaptisent rapidement le groupe James Brown & The Famous Flames et se font engager par une célébrité locale, Little Richard, qui embauche le groupe sur ses tournées. Le label Federal (filiale de King Records, maison de disques du chanteur Hank Ballard, leader du groupe, The Midnighters) signe avec James Brown & The Famous Flames à la fin de l’année 1955.

Le succès arrive en février 1956 avec la sortie du premier single « Please, please, please » qui s’écoule à un million d’exemplaires. Entre ce titre et « Try Me », le hit qui, en 1958, propulsera le Godfather of Soul vers les sommets, sont produits neuf 45 tours tombés dans l’oubli. En 1957, James Brown & The Famous Flames enregistrent la face A d’un de ses maxis oubliés : « Just Won’t Do Right ». De pur style doo-wop, sous-genre du rhythm & blues très fortement marqué par le gospel et les chants cantiques chrétiens, dont le groupe The Platters en sont les représentants les plus connus, le titre s’ouvre sur une supplication de James Brown, où l’on ressent déjà toute la puissance du timbre et les effets de voix lascive du jeune chanteur. Construite autour d’un couplet simplifié répété en boucle, la ligne mélodique très groovy se fond à merveille au chant. C’est dansant, c’est entraînant : de la sensualité à l’état pur. Déjà toute l’âme de James Brown en 2 minutes et 30 secondes.

Since you’ve been gone /

I drink and gamble every night /

Just won’t do right /

Tell me, tell me, tell me

Am I the one?

Chanson du désespoir amoureux, « Just Won’t Do Right » est un petit bijou de soul music.

Titre malheureusement oublié et difficile à trouver dans les bacs de nos disquaires favoris, « Just Won’t Do Right » aurait pu rester caché très longtemps si Johnson Barnes, rappeur et producteur californien né en 1983 et plus connu sous le nom de Blu, ne l’avait pas un jour sauvé de l’amnésie collective.

Elevé par sa mère et son beau-père pasteur, Blu est dès le plus jeune âge baigné dans les chants gospel. Il construit sa culture musicale autour des grands chanteurs noirs des 50’s et 60’s. En 2009, après un peu plus de cinq années de présence sur la scène underground californienne, Blu sort une mixtape intitulée Her Favourite Colo(u)r. Le projet est réédité en 2011 sous forme d’album par le label de Brooklyn, Nature Sounds.

Bénéficiant d’un travail de production remarquable, Her Favourite Colo(u)r est un voyage dans les sillons grésillants des chansons de Billie Holiday, Curtis Mayfield, Jimi Hendrix et bien sûr James Brown. Ambiance brumeuse, insertions de dialogues de films, boucles jazz et soul, voix rauque (comme prise par le tabac) du emcee, peu d’albums de rap ont aussi bien réussi à retranscrire l’ambiance sonore de l’âge d’or de la black music.

C’est sur le troisième morceau de l’album que Blu ressuscite le roi de la soul. Comme un vieux cliché un peu écorné qui se serait échappé par hasard d’un album oublié, « Since » est un instantané estampillé 1957. C’est revisité certes, mais tout sonne James. Le rappeur ne s’y est d’ailleurs pas risqué : le sample est quasi intégral. Tout a été échantillonné : la mélodie, le chant, le beat. Le texte autobiographique et le flow de Blu se mêlent à la musique, tout en discrétion, presque chuchoté, comme si le fait de se frotter au grand Brown avait intimidé le jeune rappeur.

From the city of the sunshine, punchline /

Up and at Anita Beach by lunchtime /

One time tried to lock me, couldn’t knock me /

Did a little bit but I got free /

Now I’m on the block bustin’ hot free’s.

Blu sur du James Brown période rhythm & blues donne l’un des plus beaux hommages du hip-hop underground au maître incontesté de la soul music.

Laissez-vous bercer par « Just Won’t Do Right », laissez-vous portez par « Since ». Deux classiques en un. Intemporels et délicieux. Hommage de The BackPackerz au son, à la voix, au talent, à l’émotion de James Brown. Forever and ever.

Anaïs Le Brun

Tel JuL, elle a pris le large. Sa plume manque à l'équipe comme Juvie à Lil'Wayne. ? #IMissMyDawgz

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