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Je parie qu’à la fin de cet article, vous ne verrez plus vos anciens ou futurs cours de physique-chimie sous le même angle et vous vous direz : si seulement on avait le clone de Christopher Emdin en France ?! Le clone de QUI ?
Il a un CV à en faire pâlir la Maison Blanche, et pourtant dans son tout premier livre, il ne se la raconte pas, il raconte, expose, explique avec toute la passion qu’il a pour son métier et pour le hip-hop, comment il a réussi à faire cours autrement, et que cette pédagogie est possible, mais surtout accessible à tout professeur enclin à faire évoluer l’enseignement des sciences, inspirer les élèves, et d’une façon plus générale, le système éducatif.
Qui n’a jamais rêvé d’entendre un professeur de physique-chimie commencer son cours par « bonjour, chers scientifiques ! » ? « Personne », me direz-vous.
Qui n’a jamais rêvé de voir ce même professeur faire un mouvement de b-boy quand vous donnez la bonne réponse à la question posée ? « Personne », me direz-vous.
Et enfin, qui n’a jamais rêvé d’entendre du rap en fond sonore pendant que vous effectuez une expérience sur la photosynthèse ? « Pers…. », j’ai compris !
Et pourtant…
Si vous avez répondu « oui, moi ! » à ces trois questions, Martin Luther King serait fier de vous. Si vous avez répondu « non, pas moi ! » à ces trois questions, laissez-moi vous présenter cet homme et ses recherches, vous changerez peut-être d’avis, qui sait ?
Tout au long de son ouvrage, Christopher Emdin va tenter de démontrer plusieurs points :
Pour prouver ce qu’il avance, l’auteur va multiplier les genres d’écriture, passant de récits autobiographiques à des informations sur la culture hip-hop. Le lecteur va donc à la fois être plongé au cœur du Bronx où la pauvreté n’a nul besoin d’être observée au microscope pour être vue, et rencontré des jeunes dont l’unique ambition est de réussir et dont la passion pour le hip-hop est quasi-innée.
Christopher Emdin va également explorer des théories, les comparant avec ses statistiques obtenues lors de ses recherches en thèse, reliant le tout avec des témoignages d’élèves recueillis lors de ses observations faites dans différentes écoles. Le lecteur découvre alors des élèves avides d’apprendre mais incompris du professeur qu’ils décident donc d’ignorer ou de provoquer.
Ainsi, en bon scientifique qui se respecte, Christopher Emdin va essayer de rester le plus objectif possible et faire la lumière sur les raisons du décrochage scolaire d’une jeunesse urbaine issue d’un milieu social défavorisé avec un héritage hip-hop à exploiter. Au cours de son voyage académique et professionnel, Christopher Emdin prendra la mesure du lien intrinsèque entre l’enseignement des sciences et la culture hip-hop. Il lui semblera alors indispensable de mettre au point une pédagogie qui répond à cette synergie. Par conséquent, le lecteur se verra offert des outils pédagogiques essentiels afin de mettre en place des stratégies d’apprentissage qui permettront à la classe d’agir et de communiquer ensemble. Christopher Emdin intitule cette méthode la « pédagogie de la réalité » qu’il résume en cinq termes-clé:
– Cogenerative dialogue (rituels qui engendrent un dialogue structuré dans la classe et qui vont permettre de se familiariser avec la culture hip-hop)
– Coteaching (le professeur accepte d’apprendre des élèves et observe comment les élèves travaillent entre eux pour mieux comprendre leur façon d’apprendre et ainsi leur apporter un enseignement qui leur correspond)
– Cosmopolitanism (la diversité des élèves est une force)
– Context (faire entrer leur monde réel dans le monde de l’école)
– Content (contenu des programmes scolaires)
Si l’on reste dans le contexte de l’enseignement des sciences via le hip-hop, les plus réfractaires à cette méthode clameraient haut et fort que les contes de fées n’existent pas ! Certains élèves ne sont pas prédisposés à avoir la fibre scientifique, et seraient donc condamnés à un échec relatif peu importe la méthode. D’autres pourraient renchérir en disant que tous les professeurs ne sont pas au fait sur le hip-hop et que la volonté de préserver cette culture urbaine est par conséquent de l’ordre de l’utopie ! Cependant, Christopher Emdin effectue une piqûre de rappel en présentant la communication comme clé de voûte à tout problème pour chaque membre de la communauté (ici, éducative). S’en suit alors une prescription de verbes évidents à première vue mais souvent négligés : s’écouter, se connaître, se questionner, observer, ou encore agir. Ces termes sont la pierre angulaire dans n’importe quel domaine, que ce soit commercial, bureaucratique ou encore éducatif.
Pour ce qui est des points négatifs de cet ouvrage, je dirais que la rédaction en anglais peut poser problème, même pour des bilingues confirmés. En effet, certains passages demeurent compliqués à comprendre car ils relèvent des domaines de la sociologie et des sciences de l’éducation, ce livre étant aussi adressé à des chercheurs. En d’autres termes, on y trouvera des références précises comme Bourdieu par exemple mais aussi des théories dont les enjeux sont difficilement évidents et discutables sans prérequis. Le lecteur est alors livré à lui-même et à son bon vouloir de « digger » à ce sujet. En outre, même si Christopher Emdin nous en expose les grandes lignes de façon structurée, une connaissance du système éducatif américain et de l’Histoire des Etats-Unis est de rigueur afin de comprendre les problèmes que l’auteur soulève. En effet, le public auquel Christopher Emdin s’intéresse est d’origine Afro-Américaine, c’est pourquoi les dimensions historiques et culturelles doivent être comprises au préalable par le lecteur.
Je préfère terminer par une note positive de Christopher Emdin à la fin de son ouvrage, et quelle note !
De manière générale, nous savons tous que chaque type de mouvement est associé à une phrase choc. Pour le mouvement d’éducation via le hip-hop, Christopher Emdin a choisi : « keep it real », expliquant que la culture hip-hop est ancrée dans l’idée d’être fidèle à soi-même. Ainsi, il nous rappelle le fondement du hip-hop et par extension, une qualité humaine primordiale. Il poursuit avec les valeurs du hip-hop basées sur l’assimilation de différentes cultures, le rassemblement de personnes venues de tout horizon, et que ces personnes, même débutantes, seront acceptées tant qu’elles auront la volonté d’apprendre des autres, de les connaître, mais aussi de partager ses propres expériences. Par conséquent, il rappelle aux professeurs que devenir un « pédagogue de la réalité » contribuera à l’épanouissement de chacun, y compris d’eux-mêmes, et que seuls le travail et l’envie permettront d’atteindre les objectifs fixés.
Martin Luther King n’était pas le seul à avoir des rêves et vouloir que ces rêves deviennent réalité. Christopher Emdin aussi. I have a dream, too. Teenagers have a dream, too. You have a dream, too. La question est : allez-vous rester assis et protester ou allez-vous mettre vos rêves en marche ?
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