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Christopher Emdin – Urban Science Education for the Hip-Hop Generation

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Je parie qu’à la fin de cet article, vous ne verrez plus vos anciens ou futurs cours de physique-chimie sous le même angle et vous vous direz : si seulement on avait le clone de Christopher Emdin en France ?! Le clone de QUI ?

Il a un CV à en faire pâlir la Maison Blanche, et pourtant dans son tout premier livre, il ne se la raconte pas, il raconte, expose, explique avec toute la passion qu’il a pour son métier et pour le hip-hop, comment il a réussi à faire cours autrement, et que cette pédagogie est possible, mais surtout accessible à tout professeur enclin à faire évoluer l’enseignement des sciences, inspirer les élèves, et d’une façon plus générale, le système éducatif.

Qui n’a jamais rêvé d’entendre un professeur de physique-chimie commencer son cours par « bonjour, chers scientifiques ! » ? « Personne », me direz-vous.

Qui n’a jamais rêvé de voir ce même professeur faire un mouvement de b-boy quand vous donnez la bonne réponse à la question posée ? « Personne », me direz-vous.

Et enfin, qui n’a jamais rêvé d’entendre du rap en fond sonore pendant que vous effectuez une expérience sur la photosynthèse ? « Pers…. », j’ai compris !

Et pourtant…

Si vous avez répondu « oui, moi ! » à ces trois questions, Martin Luther King serait fier de vous. Si vous avez répondu « non, pas moi ! » à ces trois questions, laissez-moi vous présenter cet homme et ses recherches, vous changerez peut-être d’avis, qui sait ? 

Christopher Emdin : un prisme à lui tout seul

  1. Ses diplômes : il est titulaire d’une licence en Anthropologie Physique, Biologie et Chimie, de deux masters (sciences naturelles et administration d’éducation) et d’un doctorat sur l’Education en milieu urbain avec un intérêt particulier pour les mathématiques, sciences et technologie.
  2. Ses statuts professionnels : il est professeur Agrégé au département de mathématiques, sciences et technologie à l’Université de Columbia (NYC) où il dirige également le département de sciences de l’éducation. Il est aussi membre de l’Institut WEB DuBois à l’université d’Harvard (Boston) où il conduit des recherches et constitue des archives sur l’Histoire du hip-hop. Enfin, il est conseiller pour de nombreuses organisations internationales, des écoles où il prononce des discours et anime des ateliers pour un public varié (étudiants, professeurs, responsables politiques) dans les secteurs privé et public
  3. Ses publications : il est chroniqueur pour le Huffington Post où il a publié une série d’articles intitulée « Emdin 5 » au sujet de problèmes sociaux actuels ; Dr. Emdin est aussi un critique social reconnu, fervent défenseur de l’égalité des chances, de l’éducation, de la culture à travers des articles parus dans des douzaines de périodiques hautement influents tels que le New York Times, le Wall Street Journal ou encore le Washington Post.
  4. Ses actions : co-créateur du mouvement #HipHopEd sur Twitter où les personnes sont invitées à débattre sur des sujets divers et variés autour de l’éducation via le hip-hop tels que la politique éducative, la phobie scolaire, l’apprentissage des sciences, etc ; créateur du programme « Sciences Genius » (celui dans lequel était intervenu GZA au TEDx)
  5. Ses récompenses : son premier livre qui s’intitule Urban Science Education for the Hip-Hop Generation (un 2ème ouvrage est en cours d’écriture, STEM With No Root Bears no Fruit (Science Technology, Engineering and Mathematics), qui constitue le prolongement de ses recherches sur une nouvelle forme d’éducation). Elu en 2014 par la Maison Blanche « Champion du Changement » dans la catégorie éducation pour ses recherches et mises en pratique au sujet de l’apprentissage des sciences via le hip-hop adressé à la communauté afro-américaine (collégiens, lycéens, étudiants)

Critique de son livre Urban Science Education for the Hip-Hop Generation

Publié en février 2010, ce livre présente des idées innovantes et originales sur l’enseignement des sciences via le hip-hop. Christopher Emdin fait appel aux éducateurs (professeurs, animateurs, etc) pour relever un défi dans un système éducatif où les failles demeurent bien réelles.

Tout au long de son ouvrage, Christopher Emdin va tenter de démontrer plusieurs points :

  1. que la synergie entre l’enseignement des sciences et l’utilisation du hip-hop fonctionne,
  2. que le hip-hop et la génération qui l’accompagne possèdent un potentiel inestimable qu’il convient de développer de toute urgence,
  3. mais que cette génération demeure incomprise et tend alors à se rebeller,
  4. que les enseignements sont trop éloignés du vécu et des attentes des élèves,
  5. mais que si l’ensemble de la communauté éducative est volontaire pour faire avancer les choses, alors les jeunes d’aujourd’hui deviendront les élèves brillants et les citoyens de demain.

Pour prouver ce qu’il avance, l’auteur va multiplier les genres d’écriture, passant de récits autobiographiques à des informations sur la culture hip-hop. Le lecteur va donc à la fois être plongé au cœur du Bronx où la pauvreté n’a nul besoin d’être observée au microscope pour être vue, et rencontré des jeunes dont l’unique ambition est de réussir et dont la passion pour le hip-hop est quasi-innée.

Christopher Emdin va également explorer des théories, les comparant avec ses statistiques obtenues lors de ses recherches en thèse, reliant le tout avec des témoignages d’élèves recueillis lors de ses observations faites dans différentes écoles. Le lecteur découvre alors des élèves avides d’apprendre mais incompris du professeur qu’ils décident donc d’ignorer ou de provoquer.

Ainsi, en bon scientifique qui se respecte, Christopher Emdin va essayer de rester le plus objectif possible et faire la lumière sur les raisons du décrochage scolaire d’une jeunesse urbaine issue d’un milieu social défavorisé avec un héritage hip-hop à exploiter. Au cours de son voyage académique et professionnel, Christopher Emdin prendra la mesure du lien intrinsèque entre l’enseignement des sciences et la culture hip-hop. Il lui semblera alors indispensable de mettre au point une pédagogie qui répond à cette synergie. Par conséquent, le lecteur se verra offert des outils pédagogiques essentiels afin de mettre en place des stratégies d’apprentissage qui permettront à la classe d’agir et de communiquer ensemble. Christopher Emdin intitule cette méthode la « pédagogie de la réalité » qu’il résume en cinq termes-clé:

–  Cogenerative dialogue (rituels qui engendrent un dialogue structuré dans la classe et qui vont permettre de se familiariser avec la culture hip-hop)

–  Coteaching (le professeur accepte d’apprendre des élèves et observe comment les élèves travaillent entre eux pour mieux comprendre leur façon d’apprendre et ainsi leur apporter un enseignement qui leur correspond)

–  Cosmopolitanism (la diversité des élèves est une force)

–  Context (faire entrer leur monde réel dans le monde de l’école)

–  Content (contenu des programmes scolaires)

Si l’on reste dans le contexte de l’enseignement des sciences via le hip-hop, les plus réfractaires à cette méthode clameraient haut et fort que les contes de fées n’existent pas ! Certains élèves ne sont pas prédisposés à avoir la fibre scientifique, et seraient donc condamnés à un échec relatif peu importe la méthode. D’autres pourraient renchérir en disant que tous les professeurs ne sont pas au fait sur le hip-hop et que la volonté de préserver cette culture urbaine est par conséquent de l’ordre de l’utopie ! Cependant, Christopher Emdin effectue une piqûre de rappel en présentant la communication comme clé de voûte à tout problème pour chaque membre de la communauté (ici, éducative). S’en suit alors une prescription de verbes évidents à première vue mais souvent négligés : s’écouter, se connaître, se questionner, observer, ou encore agir. Ces termes sont la pierre angulaire dans n’importe quel domaine, que ce soit commercial, bureaucratique ou encore éducatif.

Pour ce qui est des points négatifs de cet ouvrage, je dirais que la rédaction en anglais peut poser problème, même pour des bilingues confirmés. En effet, certains passages demeurent compliqués à comprendre car ils relèvent des domaines de la sociologie et des sciences de l’éducation, ce livre étant aussi adressé à des chercheurs. En d’autres termes, on y trouvera des références précises comme Bourdieu par exemple mais aussi des théories dont les enjeux sont difficilement évidents et discutables sans prérequis. Le lecteur est alors livré à lui-même et à son bon vouloir de « digger » à ce sujet. En outre, même si Christopher Emdin nous en expose les grandes lignes de façon structurée, une connaissance du système éducatif américain et de l’Histoire des Etats-Unis est de rigueur afin de comprendre les problèmes que l’auteur soulève. En effet, le public auquel Christopher Emdin s’intéresse est d’origine Afro-Américaine, c’est pourquoi les dimensions historiques et culturelles doivent être comprises au préalable par le lecteur.

Je préfère terminer par une note positive de Christopher Emdin à la fin de son ouvrage, et quelle note !

De manière générale, nous savons tous que chaque type de mouvement est associé à une phrase choc. Pour le mouvement d’éducation via le hip-hop, Christopher Emdin a choisi : « keep it real », expliquant que la culture hip-hop est ancrée dans l’idée d’être fidèle à soi-même. Ainsi, il nous rappelle le fondement du hip-hop et par extension, une qualité humaine primordiale. Il poursuit avec les valeurs du hip-hop basées sur l’assimilation de différentes cultures, le rassemblement de personnes venues de tout horizon, et que ces personnes, même débutantes, seront acceptées tant qu’elles auront la volonté d’apprendre des autres, de les connaître, mais aussi de partager ses propres expériences. Par conséquent, il rappelle aux professeurs que devenir un « pédagogue de la réalité » contribuera à l’épanouissement de chacun, y compris d’eux-mêmes, et que seuls le travail et l’envie permettront d’atteindre les objectifs fixés.

Martin Luther King n’était pas le seul à avoir des rêves et vouloir que ces rêves deviennent réalité. Christopher Emdin aussi. I have a dream, too. Teenagers have a dream, too. You have a dream, too. La question est : allez-vous rester assis et protester ou allez-vous mettre vos rêves en marche ?

agnes

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