Pas facile de dresser le portrait du hip-hop français. A peine 30 ans et déjà plusieurs vies, des succès, des échecs, des galères, des moments de gloire, de la musique, de la danse, du graff, bref un univers en mutation constante et rapide. Thomas Blondeau, journaliste issu du mouvement a pourtant parfaitement su le faire.
Hip-Hop, une histoire française est le livre d’une histoire mais aussi un livre d’histoires. Partant du principe que ce sont aussi les petites histoires qui construisent la grande, Thomas Blondeau revient sur 30 ans de hip-hop en France dans un livre, que dis-je dans une somme, aussi passionnant qu’instructif. Comme dirait Tandem, « C’est pour ceux qui savent » parce qu’ils vont y revivre une partie de leur vie, mais c’est aussi pour ceux qui ne savent pas parce qu’ils vont apprendre qu’il y a plusieurs années, un ovni a débarqué en France, s’y est installé, s’y est adapté pour devenir une identité propre et forte de nos sociétés contemporaines. Ce travail monumental raconte le hip-hop français de manière chronologique parce que c’est en connaissant parfaitement son passé qu’on comprend son présent. Mais plus qu’un recueil de faits entre deux dates fortes, Thomas Blondeau revient sur une épopée faite de soubresauts, de ruptures, de succès, d’échecs, autant de choses qui ont construit le hip-hop français et en ont fait ce que l’on connaît aujourd’hui.
Quand on raconte une histoire aussi dense et aussi compliquée parfois, il convient de poser convenablement les bases, celles qui constituent les fondations du mouvement hip-hop dans l’Hexagone. Thomas est donc revenu sur les premiers pas du hip-hop en France, l’époque « des premières heures du terrain vague de la Chapelle. A l’époque, les héros s’appelaient Aktuel, Lucien, Dee Nasty, Te-Col et Meo » comme le rappait si bien NTM dans le titre « Tout n’est pas si facile » à un moment où le hip-hop français faisait face à un enjeu majeur qui définira son évolution future : il fallait se « franciser » et s’affranchir ainsi des codes américains qui étaient encore la norme pour créer quelque chose s’adaptant parfaitement aux us et coutumes de notre pays, et faire du hip-hop hexagonal une entité propre et pas l’obscur rejeton du monstre américain.
La force du récit, sa précision sont enrichies par deux choses remarquables et indispensables. D’une part Thomas a donné la parole aux acteurs majeurs du mouvement, mais a aussi laissé une très large place aux archives visuelles d’une qualité rare, ce qui fait du bouquin, une œuvre remarquable. Car si NTM rappe le terrain vague de la Chapelle, si Thomas l’écrit, si Dee Nasty le raconte, les témoignages photographiques apportent une force supplémentaire incroyable avec des photos rares et précieuses d’un milieu et d’une jeunesse en pleine effervescence. Certains clichés de futures stars du rap notamment, déchaînées dans un public, dans un battle ou défonçant un mur, sont à eux seuls une part d’histoire et un devoir de mémoire à l’heure où l’image tend à se banaliser. Surtout, tout autant que le texte, les photos en disent long sur ce qu’est le hip-hop à cette période : une révolution, dans la façon de penser ou de s’habiller. Le hip-hop est d’entrée de jeu un véritable mode de vie qui casse les codes d’une époque rigide.
A travers des événements phares, des albums incontournables, des témoins précieux, Thomas Blondeau retrace l’émergence d’un mouvement qui grandit vite, très vite. Rapidement, ce sont les premiers disques, les premiers contrats, tout une industrie qui se crée, se professionnalise, l’évolution est palpable car parfaitement rendue, le hip-hop français est une matière vivante en évolution rapide : le biz, l’argent, les médias, les jalousies, les premiers clashs… « Tout n’est pas si facile », NTM l’a dit. L’analyse de cette croissance stratosphérique est bluffante, montrant le passage de l’amateurisme total au professionnalisme à tout crin. Forcément, tout cela ne se fait pas sans heurts, ni sans échecs.
Thomas Blondeau n’élude rien, le hip-hop français a parfois grandit dans la douleur. Mais c’est aussi dans ce type de moments qu’il s’est montré le plus créatif, trouvant les moyens de s’exprimer hors des circuits habituels, montrant ainsi qu’une autre voie était possible pour toutes ces composantes, que ce soit le rap, la danse ou le graff. Tous contribuent à la vivacité d’un mouvement protéiforme qui se réinvente en permanence.
La force de Hip-Hop, une histoire française outre une documentation visuelle impressionnante, réside justement dans la capacité de l’auteur, journaliste spécialisé et « hip-hoper » forcené, de n’avoir pas figé son récit. Au contraire, il a su parfaitement rendre le foisonnement, le bouillonnement du hip-hop français depuis une trentaine d’année jusqu’à aujourd’hui. Résultat, son livre est aussi vivant que le mouvement auquel il contribue de fort belle manière.
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PS : Si jamais vous ne savez pas quoi offrir à un fan de hip-hop à Noël, vous pouvez y aller les yeux fermé.
« Hip-Hop, une histoire française » de Thomas Blondeau, 35€, 192 pages, Tana Editions.
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