Limsa d’Aulnay n’en est pas à son galop d’essai, il est présent dans le milieu depuis de nombreuses années mais comme il s’accorde lui-même à le dire, il n’a pas été jusqu’alors très productif. Depuis la Grünt qui lui a été consacrée en début d’année, le rappeur du 9-3 semble vouloir passer la seconde et occuper la place qui lui revient logiquement : celle d’un rappeur technique, certes, mais avec également (et surtout?) une palette artistique bien plus large et complexe. La partie 1 de Logique sortie durant les beaux jours avait reçu un excellent accueil de ses fans de la première heure mais également d’un public rap plus large, découvrant l’univers de l’artiste.
Même si Logique n’est pas son premier projet, Limsa préfère pour autant se dire que si, prétextant comme il nous l’expliquait en interview que Les Fleurs de Limsa « comportent un certain nombre de morceaux un peu obsolètes ». Il a donc souhaité repartir d’une feuille blanche pour ces deux volets, prenant le temps de se présenter à son public, ne nous épargnant aucun détail de sa personnalité, de ses défauts et travers. Mais Limsa maîtrise les mots et l’humour comme personne et arrive toujours à nous arracher un sourire au détour d’une rime, si sombre soit le propos.
Car ce qui transpirait déjà dans la première partie se vérifie dans la seconde : même si Limsa aime faire rire avec des phases toutes mieux amenées les unes que les autres, il souhaite avant tout évoquer des choses sérieuses lui tenant à coeur. En premier lieu, il réalise au sein de ces deux volets un travail d’introspection énorme, qui prend encore plus forme dans cette partie 2. Le projet s’ouvre sur « Seul Two » et se referme sur « Le Petit Limsa », titre puissant, portant un regard à la fois tendre et acide sur son enfance, sans tomber dans le piège du pathos si commun à ce genre d’exercice. La guitare de Waxx collant parfaitement à l’ambiance de cette co-prod aux côtés de Nolan, le titre arrachera surement une petite larme à tous les plus de 30 ans qui commencent à regarder leur enfance d’une manière quelque peu nostalgique.
Un autre détail frappe l’auditeur à l’écoute des textes de Limsa. Toujours sous couvert d’introspection ou lorsqu’il dresse avec beaucoup de justesse le portrait des quartiers, le rappeur remet souvent à sa place l’homme dans son rapport à la gente féminine, brisant ainsi certains clichés à la peau dure dans le rap ou du moins les questionnant, comme dans « Seul Two »: « Avec ma mère ça a toujours été froid, alors avec les meufs gros j’ai pas toujours été droit / c’était sois belle et tais-toi / j’les fais sucer j’les té-doi / puis j’ai compris que le problème c’était que la pute c’était moi », dans l’ode à sa ville « ASB »: « J’ai un côté macho ma Alicia Keys je lui tiens la main à la cité » ou encore dans le remarquable featuring aux côtés d’Isha (qui livre une prestation une nouvelle fois bluffante): « On a des principes vieux du 15ème siècle, notre vision de la femme vient de la même époque ».
Une nouvelle fois, le travail d’écriture de Limsa détonne et nous prouve qu’il n’est pas simplement un rappeur de freestyle (exercice qu’il maîtrise parfaitement par ailleurs) mais bien un artiste entier, en nous livrant des messages forts entre deux rimes riches dont lui seul a le secret.
Si Limsa ne semble pas s’imposer de limite dans les thèmes abordés, il en est visiblement de même quant aux producteurs avec qui il a travaillé cette partie deux. Du piano toujours aussi efficace de Mani Deïz sur « Starting Block » à la guitare de Waxx sur « Le Petit Limsa » en passant par les synthés langoureux de Lucci sur « ASB », Limsa met vraiment la musique au service de son texte et de ses humeurs, poussant même la chanson dans son texte hommage à sa ville qui l’a vu grandir: « T’es belle comme une voiture de keufs qui lé-bru, comme une algérienne qui s’excuse ».
Cette connexion avec le producteur lillois est d’ailleurs une belle histoire née lors du projet Deuxième Souffle qui vit se réunir pour une journée promo les deux artistes lors d’une émission de radio.
Un projet court, intense par ses thèmes, qui laisse cependant une nouvelle fois l’auditeur sur sa faim par son format trop court. Une construction des tracks répliquant d’ailleurs celle de la part 1 avec 4 titres que l’on qualifierait de sérieux et un cinquième plus léger, comme pour laisser un peu d’air à l’auditeur et pour ne pas faire oublier que Salim est aussi un grand déconneur. Là où « Attiré par la Night » remplissait cette fonction dans le premier opus, c’est le titre « Ca m’arrange » en featuring avec son ami JeanJass (déjà présent sur Les Fleurs de Limsa) qui fait office de soupape. Un titre efficace, au refrain entêtant, reprenant une des expressions favorites du rappeur, symbole d’optimisme en toute situation.
Au final, cette part 2 compète de la meilleure des manières le premier opus, en affichant encore plus clairement ce dont Limsa est capable. Un projet vibrant, sincère et touchant qui permet de mettre un peu plus encore la lumière sur celui qui évolue depuis tant d’années au sein d’un des plus importants collectifs de rap francais, Limsa résumant d’ailleurs bien la force de la 7-5 dans le titre « Seul Two »: « 75- sess’, on est une équipe, on est une époque, on est une école, on est une famille on n’est plus des potes ».
Joyeux anniversaire Salim et merci pour le cadeau.
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