Les Derniers Parisiens, le premier film d’Hamé et Ekoué de La Rumeur

Les Derniers Parisiens, le premier film d’Hamé et Ekoué de La Rumeur

On connaît Hamé et Ekoué comme étant membres du groupe La Rumeur. On en sait un peu moins sur leur inclinaison pour le 7e art. Et pourtant, Hamé a suivi des études de cinéma dans une prestigieuse école américaine et ensemble, les deux MC ont déjà mis un pied dans ce monde avec De l’encre, une fiction qu’ils avaient signé ensemble pour Canal+ sur le milieu du rap (on reconnaissait très bien certains des protagonistes même si les noms avaient changé) et un court-métrage, Ce chemin devant moi, projeté en compétition officielle à Cannes.

Aujourd’hui, Hamé et Ekoué présentent leur premier long métrage, Les Derniers Parisiens avec au casting Reda Kateb, Mélanie Laurent et Slimane Dazi. Dans leur musique, La Rumeur a souvent fait référence au 18e arrondissement de Paris. L’action des Derniers Parisiens se situe donc presque logiquement à cet endroit, précisément à Pigalle, comme un hommage, mais aussi et surtout comme un constat de changement très rapide d’un quartier qui perd son âme malgré un brassage de populations aussi différentes les unes des autres qui y cohabitent dans un certaine harmonie. Car derrière un pitch presque simple, le film d’Hamé et Ekoué est beaucoup plus complexe qu’on ne veut bien le croire.

Pigalle comme thème central

Tout juste sorti de prison, Nas revient dans son quartier, Pigalle, où il retrouve ses amis et son grand frère Arezki, patron du bar Le Prestige. Le jeune homme est décidé à se refaire et Le Prestige pourrait bien lui servir de tremplin. Derrière ces quelques phrases se cachent beaucoup de choses. Evidemment, la première grille de lecture du film suit les pas de Nas, ancien trafiquant qui veut se faire un nom dans le monde de la nuit.

A Pigalle, tout est possible surtout que la nuit y brille plus qu’ailleurs. Son frère Arezki tient un troquet, comme un phare de réalité au milieu des néons et des lumières qui éclaboussent le quartier. Il accueille des habitués, des « vrais » habitants de Pigalle qui ne sont ni intéressés par les boîtes de nuit ni par les sex-shops. Des résistants qui vivent là où les autres font la fête. Car Les Derniers Parisiens, derrière la quête et la soif de réussite de Nas, c’est aussi un film qui offre une profonde réflexion sur un quartier en pleine mutation, historiquement un des fiefs de La Rumeur, qui n’échappe pas à la gentrification et où les bouleversements sont peut-être plus palpables qu’ailleurs.

Interlope et populaire, Pigalle se « boboïse » sous l’effet de l’argent et de sa situation privilégiée en plein cœur de Paris, recherchée par les grandes enseignes et ses habitants les plus aisés. Résultat, ce qui faisait de Pigalle un quartier populaire est en passe de disparaître. Cette évolution est particulièrement mise en valeur par pérégrinations d’un clochard ou d’un vendeur ambulant qui montrent un Pigalle plus sombre, plus glauque, plus authentique aussi certainement, qui n’attire pas les touristes.

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Reda Kateb et Mélanie Laurent

La force de l’humain

Les Derniers Parisiens, ce n’est pas que l’histoire d’un quartier ou d’une société en mutation, même si La Rumeur n’a jamais fait semblant lorsqu’il s’agit de dresser un constat de la réalité. Derrière tout cela, il y a aussi une vraie belle histoire de sentiments humains, remplis d’humour, d’amitié, mais aussi de violence et de haine qui, si elles restent suggérées, n’en sont pas moins bien présentes. C’est aussi une histoire sociale forte dans laquelle chacun se débrouille avec ses moyens, se débattant avec ses rêves et ses envies, dans une réalité compliquée où l’argent reste une préoccupation permanente dans un monde où l’économique prime sur le reste, autre constat amer dressé par le film. Car c’est bien l’humain qu’ont choisi de montrer Hamé et Ekoué en suivant les relations entre deux frères ou celles entre Nas et ses amis.

Alors que le rap de La Rumeur a toujours été très politisé et très orienté, le film se pose plus comme un observateur d’une situation en constante évolution dans laquelle les enfants de la rue ont déjà perdu. Qu’on se rassure, les préoccupations sociales d’Hamé et d’Ekoué sont toujours là. Simplement, elles sont moins frontales, presque plus romantiques. Les deux rappeurs ont su adapter leurs discours pour le transposer au cinéma sans pourtant renier leurs idées. Si le fond et la forme ne le sont pas au sens strict du terme, l’ensemble fait pourtant des Derniers Parisiens, une film totalement hip-hop dans son essence. La Rumeur n’a jamais déçu, il était inconcevable qu’Hamé et Ekoué commence maintenant…

Les Derniers Parisiens, en salle le 22 février.