À travers 6 albums et bon nombre de mixtapes, Mac laisse derrière lui un héritage musical conséquent reflétant le vaste esprit créatif qui l’animait. Raphaël Da Cruz pour Mouv a rédigé à ce sujet un article retraçant son chemin de croix artistique, chose que nous faisions également dans nos colonnes à l’occasion de la sortie de The Divine Feminine. Malcom James McCormick a donc construit une solide discographie que l’on pensait tragiquement achevée après Swimming, avant que la merveilleuse nouvelle d’un ultime album nous parvienne. Circles bouclait une boucle qu’on aurait préféré infinie. Avec ce dernier opus, l’artiste de Pittsburgh se présentait sous une nouvelle facette, plus instrumentale et pop, délaissant l’aspect rap avec lequel on l’avait découvert sur Blue Slide Park. Au delà du plaisir pris à redécouvrir un chanteur que l’on choyait tant, la frustration que l’aventure s’arrête là fut grande.
Si les plus familiers de l’art de Mac Miller connaissent ses multiples alter égos, beaucoup ignorent les nombreux personnages qu’il incarnait ponctuellement le temps d’un single ou d’un projet. À l’occasion du troisième anniversaire de sa disparition et pour toujours plus faire briller un artiste que l’on adorait tant, on vous propose de découvrir les recoins de sa discographie. Plongez dans l’univers de 3 de ses projets encore aujourd’hui trop méconnus du grand public.
Le titre quelque peu racoleur de l’article ne reflète pas vraiment l’exposition de ce projet. Projet oublié ? Le mot est fort. Mésestimé et méconnu ? C’est certain. Pour cause, cette mixtape de 24 titres qui a suivi la sortie de Watching Movies With the Sound Off n’est pas disponible sur les plateformes de streaming. Si elle le fut partiellement pendant un temps, elle a récemment disparu de Spotify, et il ne reste que 10 des titres sur Apple Music.
Entièrement produite par Mac Miller lui même sous le pseudonyme Larry Fisherman qu’il avait adopté au moment de travailler avec Vince Staples, la mixtape prolonge et amplifie l’ambiance pesante instaurée par WMWTSO. La production du projet est très chargée, les basses y sont écrasantes et les instruments plus torturés les uns que les autres. Mac est alors à l’apogée de sa carrière de beatmaker, maitrisant l’art du sample de main de maître, piochant dans ses infinies références, symbole de son extrême mélomanie. Pour l’accompagner, on retrouve un casting de luxe avec notamment son ami Schoolboy Q, le talentueux Earl Sweatshirt avec qui il avait déjà collaboré sur Doris, Thundercat et Vinces Staples se démarquent aussi par leur apparition remarquée.
Par son flow plus appuyé, plus lourd et précis qu’auparavant, Mac raconte la gravité de ses traumas à travers des textes emprunts d’un dramatisme inquiétant. Le jeune artiste plein d’insouciance est mort et s’est vu être remplacé par un homme aux démons rongeant sa santé mentale. La mort, l’addiction et l’expression d’un mal être profond constituent les piliers du message qu’il véhicule à travers Faces. En point d’orgue de sa détresse, cette phrase glaçante sur le titre « Malibu »: « I’m the only suicidal motherfucker with a smile on ».
Il vous était présenté au dessus, l’alter-ego beatmaker de Mac Miller, Larry Fisherman, rencontrez maintenant la version sous acide du rappeur : Delusional Thomas. Rongée jusqu’aux os par la consommation massives de drogues, ce personnage fait sa première apparition sur WMWTSO dans l’outro du morceau d’ouverture « The Star Room« . On y découvre un homme à la voix nasillarde, presque déplaisante. Une voix qui ronge notre cerveau, pleine d’un fatalisme assumé et accepté, une voix qu’on rêverait de taire, à tendance auto-destructrice. C’est un versant quasi Slim Shady-esque de l’esprit de Mac qui nous est introduit, représentant toute la nocivité qui l’habite. Le désespoir de Faces paraît presque inoffensif face au paysage chaotique et apocalyptique qu’il dépeint à travers les 10 titres qui composent cette mixtape.
La production est une nouvelle fois assurée par son alter égo Larry Fisherman. Les percussions y sont toujours plus écrasantes et les instruments torturés, pour créer une ambiance incolore où le noir dévore le blanc. Les textes sont plus cartoonesques et reflètent la folie qui siège dans son esprit. L’exemple le plus flagrant se trouve dans « Halo » où il écrit: « went to my girlfriend’s house and set the dog on fire ». Le néfaste est accueilli à bras ouverts, Mac se dit parcouru de frissons de plaisir à l’idée de son suicide. Pour la première et unique fois de sa discographie, les psychotropes ne sont pas présentés comme libérateurs d’un mal, mais comme une activité récréative le plongeant dans des ténèbres dans lesquels il s’épanouit pleinement.
Sur la mixtape, on retrouve étrangement Delusional Thomas en featuring avec Mac Miller sur « Grandpa Used To Carry A Flask ». Ce titre permet de prendre pleinement considération du gouffre mental qui sépare les deux personnages. Quand l’un attise le feu « I snort glue and shoot ether », l’autre tente de l’éteindre et fait appel à Dieu pour le sauver « Mr. Jesus can you save my life ? »
Après la tumultueuse rencontre avec Delusional Thomas, et pour finir sur une touche de délicatesse et de douceur, prenez place pour rencontrer Larry Lovestein. Alter égo plus solaire de Mac Miller, il se présente en amoureux transit, dans une ambiance jazz chaude et suave. Après Macadelic, on le retrouve sous un nouveau pseudonyme, tranchant considérablement avec l’univers de ses précédentes oeuvres.
Les 5 titres nous offrent une vision du chanteur plus instrumentale et légère, loin de ses démons, habité d’une candeur amoureuse. Avec cet EP, il s’affirme bien au delà de la simple définition de rappeur. C’est un artiste et musicien accompli que nous prenons plaisir à découvrir le temps de 5 ballades passionnelles. À ce moment au début de sa carrière, on s’émerveille de voir un artiste curieux de prendre des risques, d’explorer des horizons différents. Sans le savoir, ce projet aura été précurseur de ses 3 derniers albums, bien plus instrumentaux. Si l’on connaissait son appétence pour l’instrumentale live, lui qui jouait souvent de la guitare sur scène, il y plonge ici pleinement et renouvelle sa proposition artistique. Après l’image du rappeur lycéen insouciant qu’on avait rencontré sur Blue Slide Park, Mac nous transporte dans un monde plein de maturité. Il y démontre une aisance à chanter déroutante et nous enrobe de douceur par ses mélodies melliflues.
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