En cette année sans pareille, les artistes RnB ont su réchauffer nos cœurs et apporter la dose de réconfort nécessaire. Le genre et ses nombreuses déclinaisons, allant des aspirations les plus mainstreams aux propositions expérimentales qui ne laissent pas indifférentes, se sont montrés une fois de plus particulièrement prolifiques et éclectiques. Il faudra donc repasser pour les quelques irréductibles qui déclarent encore que « le RnB est mort ». En revanche, comme chaque année, la sélection et le classement ont bel et bien été un casse-tête.
Alors avec son lot de révélations à suivre de près, de belles confirmations, de consécrations méritées mais aussi de grands absents dont on espère le retour cette année (Frank Ocean et SZA c’est de vous que l’on parle), la vivacité de cette scène qui n’est définitivement plus à prouver a ravi ses tendres auditeurs en 2020. Pour vous en convaincre, découvrez ou redécouvrez nos essentiels de cette année RnB et n’oubliez pas de vous abonner à notre playlist RnB Diamondz et ainsi vous accorder un peu de douceur dans votre vie.
Sortie :14 Août 2020
On vit une époque où il n’a jamais été aussi possible d’accéder au fameux quart d’heure de célébrité promis par Andy Warhol. De nos jours, la principale difficulté réside plus dans le fait de réussir à continuer de surfer sur la vague une fois l’heure venue de passer son tour. Et la rafraîchissante Kaash Paige est un bel exemple de la conduite à mener dans pareille situation tant elle a parfaitement su capitaliser la viralité TikTok de son titre “Love Songs” survenue en 2019. En restant fidèle à celle qui enregistrait ses chansons dans le placard de son père, et ce malgré le buzz grandissant, la texane était en effet parvenue à conquérir un large public avec son EP Parked Car Convos sorti en fin d’année dernière. Elle transforme maintenant l’essai sur un premier opus bluffant d’authenticité où l’on retrouve totalement l’ambiance intimiste des confidences en SUV du projet précédent. Sa douce voix, portée par une solide technique vocale et une réelle maîtrise rythmique, nous replonge en tout cas pleinement dans cette vibe au final particulièrement stellaire. Un véritable univers sonore propice au partage d’émotions. On en prend donc plein les oreilles, mais surtout plein le cœur. Ce qui n’est en même temps pas complètement surprenant pour quelqu’un qui a choisi de se surnommer Kaash, pour l’acronyme de Kill All Arrogance Stop Hatred. – Christophe Freitas
Morceau à conseiller : « Break Up Song » feat K Camp
Sortie :19 juin 2020
The Album … un titre qui en dit long sur l’ambition affichée de Teyana Taylor. Ce projet dense, composé de 23 titres, est une véritable déclaration d’amour au R&B contemporain d’hier à aujourd’hui et ce tant par ces sonorités que par ces visuels (du sample de Musiq Soulchild dans « Friends » en passant par la chorégraphie millimétrée du clip de « Bare with Me »). Néanmoins, des morceaux comme « Bad », aux influences plus reggae, ou encore les sonorités afrobeat de l’excellent « Killa » avec Davido, font offices d’ovnis dans le projet, et démontrent l’aisance de l’artiste. Sorti le 19 Juin 2020, date du Juneteenth aux Etats-Unis (symbolisant l’émancipation des esclaves aux Texas en 1865), The Album semble cristalliser une quête vers la liberté. Le projet est ancré dans la réalité de Teyana Taylor, en tant que femme, artiste, entrepreneure, épouse et mère afro-américaine aux Etats-Unis. Entre force de caractère et sensibilité, engagement (notamment dans le vibrant « Still », qui s’insurge contre les violences policières) et sensualité, cet opus dévoile des aspects intimes et complexes de l’artiste, avec pour point central sa famille. On peut d’ailleurs souligner les apparitions de sa fille sur « Come Back To Me » et de son époux, Iman Shumpert, dans « Wake up Love ». Sept ans après son premier projet VII, Teyana Taylor nous dévoile donc son projet le plus abouti, mais aussi le plus honnête. – Mandiou Tandjigora
Morceau à conseiller : « Boomin’ Featuring Missy Elliott & Future »
Sortie :31 juillet 2020
Son EP Hoopdreams sorti en 2018 l’avait déjà conduite à collaborer avec Earl Sweatshirt ou Piink Siifu. Cette année, Olivia Williams, alias Liv.e (à prononcer Liv sans prononcer le “e”), a sorti le grand jeu avec son premier album Couldn’t Wait to Tell You. Un début tonitruant avec une approche de l’écriture décomplexée qui fait forcément penser à Erykah Badu. Influencée entre autres par la musique gospel, le jazz et le R&B, Liv.e nous fait voyager dans sa bulle pendant près de 50 minutes. Écrit et enregistré en un mois, le projet est principalement produit par l’expert des boucles jazzy Mejiwahn et par le multi-instrumentaliste Daoud Anthony (qui a travaillé sur CARE FOR ME de Saba). La combinaison des voix et des instrumentales défie la conception de la structure d’une chanson et nous emmène dans les pensées de la jeune artiste. Sous forme de journal intime, on accède à différents moments/ressentis de sa vie. Hésitante, impatiente, parfois indécise, l’artiste explore ses propres dualités, les situations d’entre-deux et apprend à gérer ses émotions. Un projet expérimental et psychédélique exécuté avec une décontraction assumée et totalement maîtrisée. Souvent comparé à Endless de Frank Ocean ou à When I Get Home de Solange, Liv.e nous livre une musique apaisante, immersive et intemporelle. – Frédéric Dumeur
Morceau à conseiller : « I Been Livin”
Sortie :31 janvier 2020
Après avoir fait ses preuves en tant qu’auteure-compositrice plutôt pop à succès chez Roc Nation (notamment pour Christina Aguilera, Ariana Grande, Brandy, Beyoncé ou Kanye West …), l’auto-proclamée Granddaughter of Soul avait à cœur de pouvoir enfin exprimer pleinement son amour de la musique qui guérit les âmes sur son premier projet solo. L’occasion pour la demoiselle de proposer une véritable thérapie en 7 titres aux incroyables vertus purificatrices. Alternant douceur angélique (“Leon”, “Velvet”) et groove démoniaque (“Penny”, “We Don’t Funk”), KIRBY délivre nos consciences et éclabousse littéralement Sis. de toute sa classe. La native de Menphis pousse même la démonstration jusqu’à rapper quelques lignes sur “Don’t Leave Your Girl”, le dernier titre de l’opus. Il y a donc fort à parier que cet EP ne soit que les prémices d’une étincelante nouvelle carrière d’interprète … – Christophe Freitas
Morceau à conseiller : « Penny »
Sortie : 18 novembre 2020
“Il faut le faire sans crainte”, tel est le mantra qu’adopte Kali Uchi dès l’ouverture de son second album, le bien nommé Sin Miedo (Del Amor y Otros Demonios). L’ange américano-colombien y prend le pari de l’audace, et se fait pleinement confiance en rendant hommage à ses racines latino-américaines sur cet album bilingue, où l’espagnol prédomine quitte à dérouter son public. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette prise de risque lui réussit pleinement. Avec son esthétique rétro chic similaire à celle de son indémodable Isolation, Karly-Marina Loaiza se réapproprie les thèmes et les genres qui ont bercé sa jeunesse. Il y a d’abord ses vibrants hommages à quelques une de ses idoles avec l’ensorcelante introduction “La luna enamorada”, reprise du groupe cubain Los Zafiros, ou encore sur l’interlude “que te pedí //”, réinterprétation d’un standard de la reine de la soul latine La Lupe, que Kali reconnaît comme l’une de ses inspirations majeures pour cet opus. Puis il y a bien sûr sa vision personnelle du reggaeton et de la pop latine, qu’elle soit entourée de figures emblématiques du genre avec Jowell & Randy sur le perreo enflammé de “te pongo mal (prendelo)” ou d’un artiste phare actuel comme le Portoricain Jhay Cortez sur “La Luz” et son ambiance onirique divine. Au fil de ces treize titres d’empowerment à la narration cinématographique, Kali Uchis n’a que faire des attentes à son égard et c’est tant mieux. – Simon Da Silva
Morceau à conseiller : « telepatía »
Sortie :03 avril 2020
Comme pour marquer une étape de son émancipation, c’est le jour de ses 23 ans que Kiana Lédé a choisi de dévoiler KIKI, son premier album, produit par Mike Woods du duo Rice n’ Peas. Entourée d’invités prestigieux tels qu’Ari Lennox, 6lack, Col3trane, Arin Ray ou encore Lucky Daye, la native de l’Arizona profite de ce premier projet pour affirmer sa personnalité tout au long des titres. Au-delà de l’aspect très “girl power” de l’album, Kiana Lédé emmène ses auditeurs dans une balade à l’ère de l’amour façon millenials et partage ses émotions sans fioritures, telle un livre ouvert. Mariant à la fois les codes de l’ancienne et de la nouvelle école à l’image de “Mad At Me.” ou “Honest.”, la chanteuse parvient à s’inspirer de ses pairs et des grandes influences de la soul telles qu’India Arie ou Erykah Badu, sans jamais tomber dans le déjà vu. KIKI est le plat de résistance que tout le monde attendait après les 4 EP apéritifs précédents, un premier album puissant d’authenticité et d’affirmation malgré le jeune âge de Lédé. – Elodie Sophie
Morceau à conseiller : « Crazy.”
Sortie : 19 juin 2020 et 18 septembre 2020
SAULT, c’est un mystérieux groupe a priori composé de Cleo Sol, Melissa Young (aka Kid Sister), Inflo (producteur de Gray Area de Little Simz et For Ever de Jungle) et Kadeem Clarke (qui est crédité sur certains sons). Le groupe évite toute promotion et se veut volontairement discret comme pour dire que le message va bien au-delà des gens qui composent le groupe. Après deux projets sortis coup sur coup en 2019, le groupe revient avec la même formule en 2020. L’album Untitled (Black Is) est arrivé 25 jours après la mort de Georges Floyd et sonne comme un appel à l’action. Sur “Out the Lies” on entend “The revolution has come, still won’t put the guns down”, ce premier projet est une ode à la culture noire et représente le désir d’une révolution. L’album est une réponse directe au tragique événement comme le montre les titres “Don’t Shoot Guns Down”, “Black Is” ou “Bow” avec Michael Kiwanuka qui appellent la nouvelle génération à se lever. Le second opus, arrive 3 mois plus tard et se centre plus sur l’espoir ; ici la joie représente la force qui emmènera à la libération. Des titres comme ”Strong”, “Fearless” ou “Free’ illustrent parfaitement l’ambiance. Ces deux albums retracent musicalement 50 ans de musique noire. Sur le premier opus, on retrouve un mélange de R&B, de soul, de funk, d’afrobeat, de hip hop tandis que sur le second on se tourne plus vers des sonorités house, funk et disco. Deux œuvres indissociables qui illustrent la profondeur de la crise rencontrée par la communauté noire et qui font totalement écho au mouvement Black Lives Matter. Deux albums magiques pour un groupe dont la discrétion fait que l’on se concentre uniquement sur une chose, la musique et le message qu’on veut nous transmettre. Pour résumer en une phrase : “Add a little SAULT to your life”. — Fred Dumeur
Morceau à conseiller : “Miracles” est juste incroyable.
Sortie :21 août 2020
Totalement iconoclaste, le sémillant Duckwrth est définitivement du genre insaisissable. Jared Lee de son vrai nom revendique en effet depuis toujours une certaine propension au crossover musical. Mais pour son deuxième opus personnel, le rappeur californien semble avoir décidé de pousser le curseur encore un peu plus loin. Il faut dire qu’il fomentait visiblement son coup depuis 2013, attendant juste le bon moment pour être dans le mood adéquat à développer ce véritable feel good album. Le jeune homme y enchaîne en effet avec beaucoup de générosité pépites au groove langoureux (« Quick », « Did U Notice ? », « Super Bounce ») et hits R&B en puissance (« Money Dance », « Coming Closer »). On ne pourra s’empêcher de penser aux influences de Pharell Williams ou Timbaland. Le mélange est en tout cas tellement gourmand que SuperGood fait plus qu’honneur à son appellation. L’ambitieuse promesse vendue s’avère donc être largement tenue : SuperGood job !!! – Christophe Freitas
Morceau à conseiller : « Super Bounce » feat Earthgang
Sortie : 07 février 2020
Trois ans après le sublime Sonder Son, le crooner du Maryland continue de s’imposer comme l’un des plus brillants auteurs compositeurs de sa génération avec Fuck The World. Mais ne vous méprenez pas sur le titre de ce deuxième album solo : loin de lui l’idée de distiller des bad vibes, ce projet joue sur l’ambivalence et la nuance en assumant ses comportements loin du gendre idéal, les mêmes qui construisent ses frustrations. Fuck The World est l’histoire d’un monde dans lequel les vices sont un jeu sans aucune conséquence, une nonchalance qui n’est pas sans rappeler The Weeknd à l’époque de Trilogy. Brent Faiyaz, c’est un peu comme cet ex qui a l’audace de faire passer crème le fait qu’il vous quitte. Sa voix chaude empreinte des plus grandes influences de la neo soul nous fait presque oublier la toxicité des relations qu’il décrit. Si sa façon mi-prétentieuse mi-misogyne de dénigrer ses multiples conquêtes féminines dans ses paroles nous conduit inévitablement à nous interroger sur notre capacité à séparer l’homme de l’artiste, son talent d’écriture arrive néanmoins à rendre compte de sa tristesse sincère et à le rendre presque attachant malgré son côté antipathique. Et c’est sans doute parce que ce projet perturbe autant notre ressenti qu’il en est presque fascinant. – Elodie Sophie
Morceau à conseiller : « Let me know »
Sortie : 08 mai 2020
Observer la trajectoire que prend la carrière de Kehlani, projet après projet, est l’une des plus belles satisfactions qui soit arrivée ces dernières années dans la scène R&B. En l’espace de dix ans, la native d’Oakland s’est hissée de leadeuse d’un groupe de teen pop tout droit sorti d’un célèbre télé-crochet (America’s Got Talent 2011 en l’occurrence) pour emprunter le chemin d’un R&B authentique, tout ce qu’il y a de plus noble dans le genre. Après trois premiers projets alliant un sens aiguisé du storytelling, une intelligence émotionnelle rare et une orientation pop savamment maîtrisée (parfois trop calibrée), Kehlani s’est naturellement imposée comme l’une des auteures R&B les plus singulières de sa génération, au même titre que SZA et Solange chez ses homologues féminines.
Sur son second album, lancé prématurément lors du premier confinement et dédié à la mémoire de son amie, la rappeuse Lexii Alijai tragiquement décédée début 2020, la jeune femme de ving-cinq ans, désormais mère d’une petite fille, expose une collection brute et honnête d’états d’âme sur les hauts et les bas de sa vie sentimentale. Certes, c’est le fondement même du genre mais la plume de Kehlani, plus mature qu’auparavant, met en exergue ses émotions avec simplicité, aussi ambiguës et douloureuses soit-elles, rendant ces quinze titres profondément attachants. C’est l’impasse de sa relation néfaste et conflictuelle que l’on devine être celle avec YG sur l’ouverture “Toxic”, résumant à elle seule le tiraillement de l’artiste. C’est la surexposition médiatique de sa vie privée et sentimentale avec “Everybody Business” ou encore la prédiction de l’amour voué à l’échec sur l’intense “Bad News”. “Je n’ai jamais été une mauvaise amante” murmure-t-elle ardemment en introduction du déjà cité “Everybody Business”, et c’est bien là tout le point de cet album sans détour. Même si elle doit essuyer les coups causés par l’absence, les disputes ou la séparation, Kehlani ne s’excuse jamais d’avoir aimé avec passion, son dévouement est total. Porté par son ambiance feutré et ses grooves langoureux, It Was Good Until It Wasn’t est une plongée immersive dans les ramifications de la romance d’aujourd’hui et la confirmation que la place de Kehlani réside parmi les grands noms du R&B contemporain. — Simon Da Silva
Morceau à conseiller : « Hate The Club »
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6lack – 6pc Hot EP
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Giveon – When It’s All Said And Done
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