Les 10 meilleurs albums rap US de 2020
Après notre sélection des meilleurs albums rap français, découvrez cette fois notre classement des meilleurs albums rap US de 2020. Un classement, évidemment subjectif, qui compile les albums qui ont marqué la rédaction BACKPACKERZ en cette bien curieuse année 2020…
Avec une annulation de quasiment tous les concerts avant la fin du premier trimestre, l’industrie musicale a subi de plein fouet le contrecoup d’une pandémie mondiale sans précédent. Un coup économique brutal qui, par ricochet, a également impacté bon nombre de sorties d’albums. On ne compte plus les projets d’artistes bankables repoussés (Kendrick Lamar et Drake en tête) pour tout simplement attendre « un retour à la normal », et notamment la possibilité de reprise pour des tournées extrêmement lucratives et donc essentielles dans l’équation commerciale d’un album.
A l’opposé, pour certains, l’indépendance artistique et la créativité ont été stimulées donnant lieu à des projets qui n’étaient pas forcément prévus et qui ont finalement vu le jour dans un contexte de confinement généralisé. Une année atypique au cours de laquelle la musique a joué plus que jamais son rôle rassembleur et apaisant pour nous aider à traverser les épreuves.
Comme chaque année, notre sélection essaye de faire la part belle à un rap éclectique et en perpétuel mutation à travers une sélection de quelques albums qui resteront, selon nous, emblématiques de cette année 2020. Au programme : des associations, comme celles de Freddie Gibbs & The Alchemist ou Denzel Curry & Kenny Beats, qui ont tenu toutes leurs promesses. Des grands vainqueurs, comme Hit-Boy, omniprésent cette année et cités par deux fois dans ce classement avec Benny The Butcher et Nas. Une confirmation, celle de REASON, qui a réussi son examen de passage. Tandis qu’Aminé tutoie les sommets avec son dernier opus. Enfin, les regrettés Mac Miller et Pop Smoke continuent de briller, avec un album posthume bouleversant pour le premier et un dernier projet charismatique de son vivant pour le second.
Les 10 meilleurs albums rap US de 2020
10. Kid Cudi – Man On The Moon III : The Chosen
Sortie : 11 décembre 2020
Dix ans que j’attends que Kid Cudi ressorte un bon album. Que dis-je, plus de dix ans. À quelques jours du solstice d’hiver, le miracle s’est produit. En pleine messe de minuit, est né sur les plateformes Man On The Moon, troisième du nom. Le fils prodigue est revenu, tout de trap vêtu, fredonner la parole divine. L’album Kids See Ghosts avec Kanye West était donc le prémisse de son retour. Kudi de Nazareth n’a rien perdu de sa superbe. Son style psychédélique n’a fait que se moderniser. La sincérité et la mélancolie sont là, intactes. La densité de la tracklist eût voulu que le disque soit moins digeste qu’un festin de Noël. Il n’en est rien. Cudder est bel et bien l’élu, j’ai retrouvé la foi. – Florian Perraudin-Houssard
Morceau à écouter d’urgence : « She Know This »
9. Pop Smoke – Meet The Woo 2
Sortie : 7 février 2020
Oubliez l’album posthume. Rien de ce qu’il contient n’égale le second volet de Meet The Woo, la série avortée de mixtapes qui a mis la lumière sur Pop Smoke. Pur concentré de sa formule, l’opus combine la voix graveleuse de l’artiste avec des prods drill à se tordre le cou. Une drill nerveuse et brute, revisitée à la sauce Brooklyn. Puis magnifiée par sa science exacte des mélodies. L’héritage direct de 50 Cent, dont la musique et la carrière ont servi d’exemple à l’artiste. Sortie quelques jours avant sa mort, la mixtape compte, avec les assourdissants « Dior » et « Shake The Room », qui ont ensuite inondé les ondes. Une seule chose à en retenir : Pop Smoke était une étoile bien avant de les viser. – Florian Perraudin-Houssard
Morceau à écouter d’urgence : « Dior »
8. Run The Jewels – RTJ4
Sortie : 3 juin 2020
Il aura fallu un peu plus de temps que d’habitude au duo Run The Jewels pour nous offrir la suite de leurs aventures. Repoussé pour cause de crise sanitaire, cet album sort finalement en pleine affaire George Floyd. Dans une Amérique bousculée et face à ses pires démons, les prises de parole précieuses de Killer Mike et El-P apportent au mouvement Black Lives Matter des représentants de choix. Sur ce 4ème volume du duo, la contestation et la revendication occupent une nouvelle fois une place centrale à travers des titres marquants comme « pulling the pin », « goonies vs. E.T. » et « JU$T ». Contemporain et rétro à la fois, RTJ4 reste l’alliance parfaite de ce que l’on avait besoin d’entendre musicalement et politiquement en cette période troublée. – Thomas Trochaud (matic)
Morceau à écouter d’urgence : « walking in the snow »
7. Benny The Butcher – Burden Of Proof
Sortie : 16 octobre 2020
Quand deux prodiges sachant allier quantité et qualité se rencontrent, cela peut donner un album référence comme Burden of Proof. Dans sa folle année en mode MVP, le super-producteur californien Hit-Boy a pris le temps de confectionner un album entier pour le rappeur de l’écurie Griselda Benny The Butcher, lui aussi visiblement dans son prime. Sur des productions plutôt maximalistes (une fois n’est pas coutume) mixées et masterisées par Young Guru (à signaler au passage, quand même), la plume toujours affûtée du Boucher de Buffalo se régale, évoquant à la fois ses cicatrices du passé, mais aussi les joies de sa nouvelle vie marquée par l’opulence et le luxe, résultat mérité d’un charbon intense réalisé depuis plus d’une décennie, en compagnie de sa Griselda clique. Cerise sur le gâteau, dans cette ambiance yacht-club, les invités de marque tels que Rick Ross, Dom Kennedy, Freddie Gibbs ou encore Lil Wayne ne viennent en rien gâcher la fête, ce qui était prévisible. – Hugo Ferrandis
Morceau à écouter d’urgence : « One Way Flight (ft. Freddie Gibbs) »
6. Mac Miller – Circles
Sortie : 17 janvier 2020
Artiste aussi talentueux qu’attachant, Mac Miller nous invite avec Circles dans une ultime valse à ses côtés. Une danse aérienne et légère de 12 titres où chaque pas s’accompagne d’une confession sentimentale qu’il nous chuchote au creux de l’oreille. Là est tout l’objectif de ce dernier album, « intimiser » encore plus sa musique et nous inviter à s’approprier la houle de sentiments qui le submerge. Les contours de cet album ont été dessinés, comme les deux précédents, par son éternelle muse, Ariana Grande. À travers des vers fragiles et délicats, Mac s’adresse directement à elle et tente de la rassurer, de lui promettre que tout ira bien, même lorsqu’il ne sera plus là. Car oui, Circles s’avère être une lettre d’adieu dans laquelle le chanteur de Pittsburgh semblait prêt à embrasser son destin tragique. Avec ses 12 balades aux influences pop, il nous conte la fin de sa vie, accueillie avec soulagement et libération. Ne s’entourant que de Jon Brion pour la production de l’album, Mac intensifie cette sensation de proximité et de travail intimiste. Il avait à coeur, avec cet opus, de faire une ode à son idole de toujours: John Lennon. Les influences du célèbre chanteur des Beatles sont indéniables et saisissantes de justesse. La boucle ne sera tristement jamais bouclée et cet album accroît notre frustration de ne jamais savoir jusqu’où il aurait été capable d’amener sa musique. Profitons de la marque indélébile qu’il aura laissé, réjouissons nous d’avoir pu être invités dans son monde et faisons perdurer l’émerveillement qu’il nous a procuré. — Théo Hauquin
Morceau à écouter d’urgence : « Surf »
5. REASON – New Beginnings
Sortie : 9 octobre 2020
Si lors de cette fin d’année tous les regards étaient plutôt braqués sur un éventuel nouvel album de Kendrick Lamar, c’est finalement REASON qui a obtenu le feu vert de TDE. Présenté comme son premier ‘vrai’ projet sur le label (après un There You Have It enregistré finalement avant sa signature et ressorti pour l’occasion en 2018) cet opus est marqué également par une rencontre importante avec un producteur. Impliqué dans 8 des 14 morceaux, Kal Banx est le véritable fil rouge sonore de ce nouveau récit du rappeur de Carson. Les storytelling haletants s’enchaînent avec un artiste qui y décrit sans concessions ses ambitions personnelles et ses craintes notamment dans une industrie musicale qu’il sait déjà impitoyable (« Fall », « Gossip », « Windows Cry »). Dans cette tracklist, on passe d’une émotion à une autre avec toujours de la part de son auteur ce souci du détail dans la description des événements. Les invités prestigieux (ScHoolboy Q, Rapsody, Vince Staples) apportent également un renfort de choix à l’image de cette excellente collaboration « Extinct » avec Isaiah Rashad et JID ou encore ce « Flick It Up » avec le toujours trop discret Ab-Soul. – Thomas Trochaud (matic)
Morceau à écouter d’urgence : « Stories I Forgot »
4. Nas – King’s Disease
Sortie : 21 août 2020
Alors qu’on attendait un album produit par Swizz Beatz ou RZA, c’est finalement avec le californien Hit-Boy que Nas signait cet été son 13ème album studio, King’s Disease. Dans cet opus de 13 titres, l’ex-roi de New York semble étonnamment plus inspiré par les basses ronflantes du californien que sur les fonds de tiroirs de Kanye du projet Nasir de 2018. On retrouve ainsi le rappeur du Queensbridge bien plus en jambe que d’habitude et prêt à assumer pleinement son rôle de vieil oncle du rap américain, qui, assis au bout de la table familiale, distille de plus ou moins bons conseils aux plus jeunes, en sirotant un vieux whisky. Le flow est, comme toujours, au dessus du lot. L’écriture, sophistiquée et hautement immersive ; pourvu que l’auditeur parvienne à reconstituer le puzzle de références new-yorkaises qui a fait la marque de fabrique du N.A.S . A l’inverse de ses dernières sorties, Nas adresse enfin, avec cet album, des sujets sur lesquels on attend son talent : la cause raciale (Ultra Black), la politique et les médias américains (The Definition) ou encore le rôle de la femme dans la communauté afro-américaine (Til The War Is Won…). Tel un roi qui prépare son propre requiem, Nas offre sur King’s Disease une version authentique et assumée de lui même : celle d’un mec pétri de talent qui, à bientôt 50 ans, tente de trouver la paix intérieur entre la nostalgie de ses succès passés et les échecs de sa vie sentimentale et familiale. — Antoine Bosque
Morceau à écouter d’urgence : « Blue Benz »
3. Denzel Curry & Kenny Beats – UNLOCKED
Sortie : 7 février 2020
Débloqué par surprise un matin de février, le duo Kenny Beats x Denzel Curry arrive à mes oreilles après une nuit blanche en bus de nuit, quelques heures à peine après sa sortie officielle. Une pochette complètement hors du temps (pour ne pas dire hors de mode) qui convoque subtilement l’esprit street art d’une pochette d’Organized Konfusion, époque dorée des duos et crews de rappeurs à la prestance super-héroïque. En plus de cet hommage, les deux larrons s’approprient surtout une imagerie entérinée par la saga Avengers d’un fantasme de destruction urbaine, qui ne semble jamais se soucier des civils réduits à de la figuration. Ces civils, ils m’apparaissent dans le métro que je prends ce matin de février, première heure. A cet instant de la journée, les deux héros de mon projet, au volume maximal des écouteurs, viennent casser la monotonie d’un autre genre de héros réduits au SMIC horaire. Le fantôme de Dilla apparaît, les samples filtrés de RZA, le groove chaud de Q-Tip… Qui peut se targuer d’être un tel caméléon à l’heure actuelle? Kenny Beats est un monstre, de ceux dont la digestion vous surprend encore malgré les références ingurgitées. Denzel saute lui sur chaque occasion pour libérer une énergie débordante qui, malgré le foutoir apparent du projet, m’a vite fait prendre conscience, après une seule écoute, que rien cette année ne me donnerait autant le sourire. — Benjamin Boyer
Morceau à écouter d’urgence : « Cosmic’ .m4a »
2. Freddie Gibbs & The Alchemist – Alfredo
Sortie : 29 mai 2020
Après deux projets avec Madlib, le rappeur de l’Indiana retrouve cette fois-ci une autre référence à la production, The Alchemist. Sans grande surprise, cette association est une réussite avec un Freddie Gibbs qui consolide encore plus sa réputation, avec dorénavant une place assurée dans le Hall of Fame du rap game. Aussi cohérent que concis, cet album se retrouve également rattrapé par une triste actualité dont le constat fait par Gibbs sur le morceau « Scottie Beam » est une symbolique du mouvement Black Lives Matter : “The revolution is the genocide / look, your execution will be televised”. Si l’assurance et la présence au micro de Freddie ont atteint un charisme manifeste, l’autre grande attraction de cet opus est menée par un infatigable ALC au service de son MC. Les différentes productions installent une ambiance lancinante dans un décor mafioso inspiré par les plus grands films du genre. Aussi bien en solo, avec des titres comme « 1985 », « Baby $hit » et « Skinny Suge », qu’accompagné (Benny The Butcher, Tyler The Creator, Rick Ross et Conway The Machine), Gibbs reste intouchable dans son environnement où la criminalité est aussi banale que séduisante. – Thomas Trochaud (matic)
Morceau à écouter d’urgence : « Something to Rap About »
1. Aminé – Limbo
Sortie : 7 août 2020
Totalement inclassable, le sophomore album d’Aminé est une véritable invitation à l’ouverture d’esprit. L’artiste protéiforme y fait en effet littéralement fi de toutes frontières musicales. Boom Bap, Trap ou R&B, rien ne résiste au swag et à l’énergie communicative du natif de Portland. La liste des featurings présents sur le projet en dit d’ailleurs assez long sur l’éclectisme assumé du monsieur : Charlie Wilson, Injury Reserve, J.I.D, slowthai, Summer Walker, Vince Staples ou encore Young Thug … Mais il n’en oublie pas pour autant ses classiques, en multipliant les références rapologiques qui devraient aussi plaire aux puristes. L’opus réussit donc brillamment à mettre la lumière sur les diverses qualités du rappeur le plus versatile du game US, tout en restant solide, cohérent et accessible. Un prodigieux tour de force qui porte la marque des plus grands. — Christophe Freitas
Morceau à écouter d’urgence : « Woodlawn »
On a aussi aimé : Mt. Marci de Roc Marciano, Black Habits de D. Smoke, SAVAGE MODE II de 21 Savage & Metro Boomin, As God Intended d’Apollo Brown & Che Noir, Pray 4 Paris de Westside Gunn, Heaven or Hell de Don Toliver, The Allegory de Royce da 5’9 ou encore Everything is Beautiful / Everything Sucks de Princess Nokia.
Pour retrouver les éditions des années précédentes :