Lancée entre autres par Suge Knight et Dr. Dre alors même que ce dernier était encore signé sur le label Ruthless Records d’Eazy-E, la naissance de Death Row s’est faite dans un climat particulier pour libérer à tout prix le producteur de Compton de sa situation contractuelle… Si 1991 est une année de rodage pour le nouveau label qui cherche surtout des fonds pour se structurer et commencer leurs premiers enregistrements, c’est véritablement en 1992 que la machine Death Row se met en marche avec enfin un deal de distribution, sur Interscope Records, et la sortie dans la foulée de The Chronic.
La suite vous la connaissez avec cette période de domination sur le rap game téléguidée par du G-Funk à n’en plus finir, le phénomène Snoop Doggy Dogg, l’arrivée en grande pompe de 2Pac et cette guerre médiatique et incontrôlable entre la west coast et la east coast. Ensuite, avec le départ inévitable de Dr. Dre en 1996 suivi quelques mois plus tard par l’assassinat de Shakur, le label entame un déclin et Suge Knight finit même en prison l’année suivante… Un succès fulgurant, mais aussi éphémère de « seulement » quatre années au top, qui laisse donc un label dévasté de l’intérieur et dont l’actualité ne se résumera plus ensuite qu’à des sorties posthumes de Pac.
A travers notre sélection, nous avons essayé de regrouper quelques posse cuts importants de cette structure musicale en choisissant la plupart du temps des collaborations regroupant au moins trois artistes du label, ou affiliés, extraites donc de projets sortis uniquement sur le label Death Row. Un voyage dont notre point de départ se situe en 1992 avec l’inévitable The Chronic pour se conclure avec l’album Still I Rise du groupe Outlawz paru juste quelques jours avant le passage à l’an 2000.
Album : The Chronic (15 décembre 1992)
Quoi de plus logique que d’ouvrir cette sélection par ce posse cut « Stranded on Death Row » à l’intitulé explicite. Introduit et conclu par Bushwick Bill des Geto Boys, ce morceau présente au monde entier un line up féroce de MC’s affamés avec par ordre d’apparition : Kurupt, RBX, The Lady of Rage et Snoop Doggy Dogg. L’un des rares titres de The Chronic sans la moindre apparition de Dr. Dre au micro, comme pour mieux laisser une liberté totale à ses invités sur cette production des plus musclée aux samples et arrangements dont l’utilisation tutoie des sommets d’efficacité.
Album : Doggystyle (23 novembre 1993)
Dans le même registre que le titre précédent, cette collaboration « Serial Killa » est un autre marqueur important de la force de frappe du label Death Row. Au refrain, le malchanceux The D.O.C. qui doit se contenter d’une petite apparition avec sa voix endommagée, suite à un grave accident de voiture survenu en 1989 et qui a stoppé net sa carrière. Pour le reste, c’est du grand classique et surtout du grand gangsta rap !
Album : Above The Rim – The Soundtrack (22 mars 1994)
Sur la bande originale du film Above The Rim, il est vraiment difficile de passer à côté de cette collaboration, impossible même ! « Regulate » est une véritable arme de destruction massive et l’un des plus grands morceaux G-Funk de cette ère de domination de la scène west coast. Les performances de Warren G et Nate Dogg sont devenues culte avec des passages tout simplement légendaires : “I’m tweaking into a whole new era / G-funk, step to this, I dare ya / Funk on a whole new level / The rhythm is the bass and the bass is the treble / Chords, strings, we brings melody / G-funk, where rhythm is life and life is rhythm”. La reprise magnifique d’une partie du somptueux « I Keep Forgettin’ (Every Time You’re Near) » de Michael McDonald n’a jamais été aussi bien exploitée.
Album : Murder Was The Case – The Soundtrack (15 octobre 1994)
Tout comme Above The Rim, la soundtrack du court métrage Murder Was The Case devient rapidement un succès et confirme une nouvelle fois le potentiel de l’écurie Death Row pour ce type de projet beaucoup plus facile à sortir qu’un album d’artiste. Avec « Who Got Some Gangsta Shit? », on assiste à une nouvelle balade de quelques Gz du label sur ce beat de Soopafly qui ne peut que convenir aux fans du genre. Aux côtés de Snoop Doggy Dogg et du duo Tha Dogg Pound, on retrouve donc Lil’ C-Style (du trio LBC Crew) et Swoop G pour quelques truanderies de toutes sortes débitées avec une insouciances fascinantes.
Album : Dogg Food (31 octobre 1995)
Second single tiré du premier album du Dogg Pound, ce morceau peut compter sur les renforts vocaux de deux des artistes Death Row les plus talentueux du label quand il s’agit de chanter. Michel’le, secondée par Nate Dogg, laisse parler sa magie pour nous enivrer avec un titre de Kurupt et Daz qui revisite à sa façon certaines interactions homme/femme dirons-nous…
Album : All Eyez On Me (13 février 1996)
On reste plus ou moins dans la même thématique avec ce « All About U » de 2Pac placé en seconde position sur le premier disque de son double album All Eyez On Me. Une sortie importante de 1996 qui met une nouvelle fois en évidence l’alchimie entre Shakur et son producteur préféré Johnny J. Ce morceau fait partie de ces grandes collaborations entre les deux artistes avec en soutien Nate Dogg, Hussein Fatal et Yaki Kadafi. De leurs côtés, Dru Drown et Snoop Doggy Dogg se contentent de contextualiser ce titre avec une apparition dans l’intro pour le premier et en toute fin de track pour le second.
Album : The Don Killuminati: The 7 Day Theory (5 novembre 1996)
2Pac encore avec un extrait de son premier album posthume enregistrer juste avant sa mort. Contrairement au précédent, très peu de featuring en dehors de son groupe Outlawz, avec finalement comme invité surprise un jeune Bad Azz qui ne pouvait rêver meilleure exposition pour ses grands débuts. Décédé en 2019, le membre du LBC Crew saisit sa chance avec un couplet solide qui résonne différemment aujourd’hui avec la disparition de ces deux artistes : “This life is like a vicious cycle called fightin’ to live / No matter how hard you try, it’s in death, you gotta die / A lot of my peers didn’t make it to the years to come / Did life do ’em right or did life leave ’em dumb?”.
Album : Tha Doggfather (12 novembre 1996)
Orphelin de Dr. Dre qui a quitté Death Row au début de l’année 1996, c’est sans le producteur star que se réalise ce second album de Snoop Doggy Dogg. Déjà très présent dans la conception de The Chronic et Doggystyle, Daz se retrouve donc aux commandes de ce projet aux côtés notamment de DJ Pooh, Soopafly, L.T. Hutton, Arkim & Flair et Sam Sneed. C’est d’ailleurs ce dernier à qui l’on doit ce « Blueberry » entrainant qui regroupe le duo Tha Dogg Pound et deux des membres du LBC Crew avec Bad Azz et Techniec. De son côté, Snoop se contente juste de l’outro.
Album : Christmas on Death Row (3 décembre 1996)
Si aujourd’hui les morceaux sur le thème de Noël ne sont plus vraiment nombreux dans le rap game lorsque cette période approche, dans les années 1980 et 1990 c’était une véritable tradition. Un passage obligé donc pour Death Row avec une compilation spéciale, Christmas on Death Row, pour conclure l’année 1996. Et même si les rappeurs du label n’ont pas forcément été les plus sages lors de cette période, ils ont toutefois le droit de demander quelques cadeaux au Black Santa Claus parmi lesquels on retrouve des Super Nintendo et Sega Genesis. Toute une époque ! Studio manager chez Death Row, c’est Kevyn Lewis qui s’occupe de la réalisation et la production de ce projet avec comme premier morceau de cette compil’ ce « Santa Claus Goes Straight to the Ghetto » co-produit également par Snoop.
Album : Gridlock’d – The Soundtrack (28 janvier 1997)
Prévu initialement pour l’album Tha Doggfather, c’est finalement sur la soundtrack du film Gridlock’d qu’atterrit ce titre avec une version légèrement différente dans laquelle Snoop Doggy Dogg n’a plus de couplet mais reste présent au refrain. Les autres invités se nomment, par ordre d’apparition : Bad Azz, Soopafly, Techniec, Tray Dee et 2Pac pour conclure. Un morceau qui groove du début à la fin avec un hook efficace qui peut rester dans la tête encore de nombreuses heures après la dernière écoute.
Album : Necessary Roughness (24 juin 1997)
Sorti plus de deux ans après sa date initiale, ce premier album Necessary Roughness arrive finalement dans une période où Death Row a perdu pas mal de sa splendeur. Un retard dommageable pour Lady of Rage qui avec son titre « Afro Puffs », présent sur la soundtrack Above The Rim, avait mis une claque à tout le monde. Si ce projet contient quelques pépites et démontre une nouvelle fois tout le talent de la MC au micro, ce LP a du mal à tenir la comparaison avec les parutions précédentes du label… Très peu de featuring d’artistes Death Row sur cette sortie, si ce n’est quelques petites apparitions de 2Pac sur l’excellent « Big Bad Lady » et les présences de Daz et Snoop sur ce « Rough Rugged & Raw » produit par Reg Flair.
Album : Gang Related – The Soundtrack (7 octobre 1997)
Dernière bande original réalisée par le label dans ces années 1990, cette soundtrack est un double album complet de quasiment 2h. L’un des derniers projets du label regroupant ses têtes d’affiche mais aussi les trois membres de la Westside Connection (Ice Cube, WC et Mack 10) sur des titres séparés, Tech N9ne ou encore la rappeuse Bahamadia notamment. Parmi les autres invités, J-Flexx qui a écrit pour pas mal d’artistes du label et un petit nouveau en la personne de Tenkamenin. Ce dernier, qui ensuite se fera appeler Tha Realest, se démarque par un style et surtout une voix calquée sur celle du regretté 2Pac. Une ressemblance aussi bluffante que gênante qui sera bien évidemment exploiter sans scrupules par un Suge Knight alors en prison… Le morceau « Free’em All », produit par QDIII (fils de Quincy Jones) et regroupant donc Flexx et Tenkamenin, est une solide collaboration entre les deux artistes et reste l’un des souvenirs les plus plaisants de cette soundtrack.
Album : Retaliation, Revenge and Get Back (31 mars 1998)
Après les départs de Dr. Dre, Snoop Dogg, Nate Dogg et Kurupt, l’assassinat de 2Pac et l’emprisonnement de Suge, l’autre moitié du Dogg Pound se retrouve donc complètement isolé sur un label en pleine peridtion. Daz profite finalement de cette période compliquer pour enregistrer et sortir sur Death Row son premier album solo à l’intitulé explicite. Un projet qui s’ouvre par une introduction de deux minutes suivie par ce morceau « Gang Bangin’ Ass Criminal » qui regroupe donc six couplets enragés de Kurupt, Tray Dee, Daz, Soopafly, Bad Azz et Techniec. Tout simplement Gangsta !!!
Album : G-Funk Classics Vol. 1 & 2 (21 juillet 1998)
Après Snoop Dogg en 1993, Warren G en 1994 et le Dogg Pound en 1995, le premier projet de Nate Dogg devait lui sortir en 1996 avec comme single inaugural ce magnifique « Never Leave Me Alone ». Malheureusement pour le crooner, lorsque la promo de son album débute, le climat est délétère sur Death Row et de nombreux artistes, lui y compris, réclament toujours à Suge Knight des sommes non-perçues… Le début de la fin pour le label et un projet qui reste finalement dans les cartons jusqu’en 1998 avec une sortie loin de la sulfureuse structure musicale sous forme de double album. Pour revenir à ce premier single, produit par un certain Kurupt, Nate nous livre l’un de ses titres les plus touchants avec un couplet de Snoop à la hauteur de l’événement.
Album : Still I Rise (21 décembre 1999)
Pour conclure cette sélection, un extrait du premier album officiel du groupe Outlawz (fondé par 2Pac lors de sa sortie de prison en 1995). Un projet posthume donc pour le rappeur assassiné en 1996 avec des morceaux enregistrés et bouclés pour la plupart avant son décès. Sans surprise, Johnny J, le producteur favoris de Pac, est de la partie pour nous offrir notamment cet excellent « Secretz of War ». Un morceau important pour le groupe qui va même inspirer le titre de leur projet suivant en reprenant une partie de ce célèbre refrain : « You either ride wit’ us or collide wit’ us / It’s as simple as that for me and my niggas”.
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