Kota The Friend ne cherche pas à le nier : la musique pour lui, c’est une émotion, une vibration, un vaisseau de pulsions positives qui le porte. Alors quand son tour vient de livrer sa prose, le MC de Brooklyn nous parle d’amours, d’amour, de respect et de positivisme. Le projet dans lequel il s’est lancé avec cet opus est un peu fou : parler de TOUT. Qu’est ce que « tout » ? Sa réponse est assez fine pour embrasser plusieurs univers et laisser à chacun la possibilité de dessiner le sien. Comme le Monsieur apprécie l’élégance, il a la classe de demander à ses invités ce que représente « TOUT » pour eux. Et à la manière dont l’avait fait un Saba aussi inspiré dans Bucket List Project, les réponses étoffent le projet et plongent l’auditeur dans l’univers artistique et intime des artistes. Sans voyeurisme forcené.
Le premier single issu de ce projet est « B.Q.E. », qui associe un Joey Bada$$ de plus en plus présent et Bas à Kota the Friend sur ce morceau dédié à New York, et notamment aux boroughs dont sont originaires les MC. Un morceau auquel les cuivres au tempo lent et les snares donnent une musicalité qui rappelle d’une certaine manière le jazz de New Orleans à l’énergie folle, des trompettes de mariachis qui annoncent que la dernière tequila est tombée au champ d’honneur, mais qui livre un résultat 100% brandé NYC et un morceau soyeux pour les oreilles.
Maintenant que le message est passé et que la vie peut aussi être amour et positivisme (et merci, vieux, on en a bien besoin), que vaut ce projet ? Objectivement, Kota a fait du Kota ; et, subjectivement, du bon boulot. Les amateurs de ce rap capable de se susurrer à l’oreille, d’éteindre les rancœurs et qui s’appréhende facilement, même pour les néophytes, auront peu à lui reprocher. Les productions sont propres, jazzy à souhait, soignées et Kota n’a pas à rougir de sa technique rappistique. L’opus est homogène et les invités de renom pour qui suit la scène new-yorkaise un peu arty et proprette. Le thème central du propos est même facile à embrasser. Tout va bien dans le meilleur des mondes et Kota aide à l’apprécier, indéniablement. Que l’on s’entende : il n’est nullement question de le taxer de naïveté ou d’angélisme, juste de souligner qu’il a opté pour un message à contrepied de la morosité ambiante.
Pourtant, reconnaissons que ses deux LPs sont assez similaires dans l’intention, la prose et la musicalité. Est-ce un défaut ? Pas forcément, et un Smino a déjà donné une idée de ce qu’on pourrait en tirer. Pourtant, peut-être qu’en concentrant deux longs projets dans un laps de temps si court (trois en ajoutant l’EP Lyrics to Go, Vol. 1 sorti en janvier 2020), Kota a eu peu de temps pour se réinventer et intégrer de nouvelles briques à son expression artistique. Est-ce nécessaire ? Dans un contexte musical et artistique ultra-concurrentiel où les dés de la Fortune sont plus capricieux que jamais, cela pourrait le devenir. A voir comment cet artiste souhaite évoluer. Souhaitons lui le meilleur, ce devrait indéniablement faire un grand bien à nos oreilles.
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