On pourrait davantage croire au destin en découvrant le parcours de vie de Kobo. Parti du Congo pour la Belgique pour étudier, le rappeur à croiser le chemin d’artistes accomplis comme Damso et de producteurs certifiés comme Ponko et Ikaz Boi. La musique était ainsi voué à Kobo dès son arrivée en Europe et l’artiste à su tenter sa chance.
Période d’essai, son premier projet sorti en 2019 avait ébloui la critique avec son approche très perfectionniste. Le projet avait tout. Une tracklist cohérente, des clips méticuleux et des singles phares comme “Baltimore” ou “Nostalgie”. Kobo lançait sa carrière d’une façon admirable et une fanbase conséquente s’était formée autour de lui.
Le monde attendait alors Kobo au tournant peu après la sortie du projet. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Les aléas de la crise sanitaire ont brisé les ambitions de l’artiste et le doute s’est installé dans sa création musicale. Trois ans sont finalement passés pour voir apparaître Anagenèse, le second projet de Kobo qui prend le pari de ne pas ressembler à son prédécesseur.
Pourrais-tu résumer ton parcours de vie avant la sortie de Anagenèse ?
Avant de sortir Période d’essai j’étais quelqu’un de lambda. Je suis né en Belgique mais j’ai vécu une majeure partie de ma vie à Kinshasa au Congo. En 2010 je suis revenue à Bruxelles pour faire mes études et j’avais comme projet de repartir au Congo une fois ce diplôme en poche. Mais entretemps je me suis fait des amis sur place dont Damso et d’autres musiciens. J’ai commencé à les accompagner en studio et j’ai fini par aimer tout cet univers. Progressivement j’ai vu que cela devenait sérieux pour eux et j’ai donc voulu me lancer. A partir de 2016 j’ai publié mon premier puis mon deuxième clip. Directement j’ai eu des propositions de contrat et j’ai donc décidé d’arrêter les études.
Tu as bien fait puisque quelques années ensuite tu as sorti Période D’essai ton premier projet. Quel recul prends- tu sur son succès et en retire tu quelques frustrations ?
Pas spécialement. Je viens de Belgique donc je suis de base un profil atypique pour mon label. Au moment où le projet sort je n’ai pas encore un public attitré donc je ne m’attendais pas à un succès grandissime. Je n’avais même pas 10K followers donc j’ai été réaliste et je me suis concentré sur les avis positifs. Il y a eu de super retours de la part des médias et des morceaux ont même atteint le million de vues comme “Nostalgie” et “Baltimore”. Ce projet à été un tremplin nécessaire pour arriver à je suis maintenant.
Trois ans après tu reviens avec Anagenèse. Pourquoi autant d’attente avant de sortir l’album ?
Après la sortie de Période d’essai, j’ai enchaîné beaucoup de concerts à travers la France. Ce n’est qu’au début de 2020 que j’ai commencé la création de mon deuxième projet. Mais comme tu l’imagines le Covid a freiné toutes mes ambitions et j’ai du prendre mon mal en patience. Cette période m’a finalement permise de remettre en question ma musique et d’en apprendre plus sur le business de la musique. J’ai eu le temps de me structurer et de préparer ma nouvelle signature de façon sérieuse.
Qu’est-ce que tu as remis en question dans ta musique durant cette période ?
J’ai enregistré énormément de morceaux après avoir repris la création de mon album. Ce qui fait qu’en 2020 j’avais déjà un projet fini qui n’a absolument rien à voir avec Anagenèse. Je pense que je n’étais pas assez mûr à cette période pour arriver à un résultat satisfaisant. Donc avec du recul même si c’est une période qui m’a beaucoup frustré, c’était nécessaire de douter et de se remettre en question. Aujourd’hui en comparant la version finale avec celle de 2020 je suis très content de mon évolution.
Pourquoi as tu fait le choix de revenir avec « fucked up », un titre qui casse totalement avec tes anciennes propositions ?
C’est simplement par liberté artistique. J’ai toujours ce besoin d’explorer d’autres horizons. Je pense qu’à chaque projet il est nécessaire de sortir de sa zone de confort pour se faire redécouvrir par le public. Tu ne vas pas sortir un album ou tu présente les mêmes thèmes et les mêmes mélodies. Je pense qu’après avoir réussi quelque chose il faut tirer un trait dessus. Il faut peut-être garder son essence pour ne pas dénaturer non plus ta musique mais il est capital de proposer quelque chose de différent. Les gens sont très attentifs à tout cela. Si tu ne sais pas innover c’est que tu n’est pas un artiste accompli.
D’autant plus que cela peut t’apporter une nouvelle fanbase.
Tout à fait et je trouve cela magnifique. C’est important de toucher un maximum de personnes par ta musique. Le summum est d’arriver à plaire à des gens qui ne sont pas spécialement intéressés par le rap à l’origine.
Tu es sur l’année de tes 30 ans. Est-ce que atteindre cette âge t’a fait prendre un recul important sur ta vie et est ce que cela à influencer la création de l’album ?
30 ans est pour moi l’âge ou l’on peut faire un premier bilan de sa vie. Tu te rends compte que tu es presque à la moitié de ta vie et tu te poses des questions sur tout ce que tu as fait de bien et de mal et ce que tu dois changer. Durant la création du projet je me disais “Ok c’est bien je suis dans la musique mais ou j’en suis dans la vie ?”. Je pense que cette idée se retrouve dans certains morceaux dans le projet. Tu peux ressentir une profonde introspection sur moi-même. Je ne suis plus dans le délire d’aligner les punchlines et de vouloir prouver que je suis le meilleur. J’ai quitté l’idée de la performance pour aller vers quelque chose de thérapeutique.
C’est vrai que contrairement à Période d’essai ou l’on pouvait trouver des morceaux très égo-trip comme “Charbon” tu t’es dirigé vers quelque chose de plus introspectif.
Période d’essai était un projet dans lequel je me suis mis dans la peau de mon alter ego. C’est-à-dire que je représentais un Kobo masqué qui à un ego et qui est très street. Dans Anagenèse c’est tout l’inverse. J’enlève mon masque et je montre que derrière cette assurance il y a juste un être humain qui a des peurs et des doutes comme tout le monde et qui veut se construire. Il y a une dimension plus intime et humaine dans ce projet.
La couverture du projet est comme à ton habitude mystérieuse, quel sens peux tu y donner ?
C’est une couverture qui représente mon évolution. Il y a moi, adulte au centre entouré d’un voile me représentant lorsque j’étais un bambin. Cette disposition vise à montrer la dualité entre la naissance et l’évolution mais aussi que je suis toujours le même depuis le berceau. Sur le voile également tu peux apercevoir que je porte un casque audio et un walkman. J’ai ainsi voulu montrer que la musique m’a toujours guidé au fil de ma vie. Pour le nom de l’album, Anagenèse à trois définitions qui sont aussi les trois thèmes du projet. La renaissance, la transformation et la régénération.
Tu es un proche de Damso que tu fréquentes depuis des années. Que représente le fait de travailler avec lui pour toi ?
D’un point de vue professionnel, c’est une opportunité exceptionnelle. Damso est quelqu’un qui sait comment gérer sa carrière et avoir un bon relationnel. Sur le point personnel c’est une suite logique dans notre amitié. J’ai la chance de côtoyer Damso depuis des années et j’ai beaucoup échangé avec lui par rapport à ses ambitions dans la musique. Avant qu’il fonde sa structure, il m’a dit qu’il voulait que je le rejoigne une fois que tout serait concret. Cela fait donc très longtemps que j’étais sûr de rejoindre le label The Vie.
Y a t il une pression à signer sur ce label dans le cas ou tu es le premier rappeur à y entrer ?
C’est quelque chose avant tout de symbolique au vu de mon amitié avec Damso. La pression est là, c’est sûr, car c’est le label d’un artiste qui a tout réussi. Cela me motive à être à la hauteur et à me dépasser. C’est aussi une grande responsabilité pour moi. Aujourd’hui si je fais quelque chose de travers, ça peut entacher la réputation de Damso et du label. Je ne ressens pas spécialement cette pression car je me suis préparé pour cela. Je m’attendais à signer sur The Vie et c’est aussi pour cela que j’ai pris du temps à faire mon album. Pour être à mon top artistiquement lors de ma signature.
Peux-tu nous parler de ta collaboration avec Béesau qui est l’un des producteurs en vogue ces derniers temps ?
Béesau m’a contacté après la sortie de Période d’essai sur Instagram. Il m’a proposé de travailler avec moi sur mon prochain projet et lorsque je me suis mis à la création de Anna Genèse j’ai décidé de le recontacter. À l’origine le morceau mama aider seulement composé par Junior alaprod mais j’ai senti qu’il manque quelque chose dans le titre j’ai voulu rajouter des trompettes similaires à la rumba congolaise ainsi qu’une ambiance un peu plus de jazz et je savais que Béesau pouvait me gérer ça parfaitement.
As-tu eu une profonde prise de conscience pour faire le morceau Mama, car parler de sa mère n’est jamais évident ?
Je n’ai pas vraiment réalisé un travail de fond car c’était instinctif. La vraie difficulté dans la confection de ce morceau est que je l’ai interprété dans deux langues différentes. Il fallait donc vraiment ressentir des émotions à travers le lingala, qui est ma langue maternelle. C’était un défi car je n’avais jamais enregistré dans cette langue. Au niveau de l’écriture je n’ai pas eu à me prendre la tête car on sait tout dire à sa mère qu’on l’aime
Dans le titre « Movie », tu abordes le résumé de ta vie que tu vois comme un film, est ce difficile de garder les pieds sur terre quand on est rappeur ?
Ce n’est pas toujours facile car tout va trop vite dans la musique. Lorsque tu sors un projet et que tu fais beaucoup de sortie médiatique on peut avoir tendance à t’aduler facilement et à te complimenter. C’est donc parfois difficile de gérer tout ça, surtout si tu n’as pas une forte personnalité. Je pense qu’il est important de profiter du moment présent mais il faut aussi accepter que tout ce qui arrive très vite peut aussi partir à la même vitesse. Je sais toujours que rien est acquis et que les gens ne m’aimeront pas toujours éternellement, je n’oublie pas aussi qu’au début je n’avais rien. Je pense qu’on reconnaît quelqu’un de fidèle à lui-même lorsqu’il ne change pas lorsqu’il a tout.
Angenèse alterne souvent entre des passages agressifs et des moments plus doux, est ce que cela symbolise un peu tes émotions du quotidien ?
Tout le long du projet, il y a une opposition entre moi et mes sentiments profonds et mon alter ego de Période D »essai. Ce dernier représente tous les aspects négatifs de ma personnalité dans la vie. Dans la réalité, j’essaie d’être doux, de vivre en harmonie avec moi-même. Mon alter ego, c’est tout l’aspect négatif de l’humain avec l’appât du gain, les s*****, la rue et l’argent. Mais à la fin du projet j’arrive finalement à me séparer de cette part de moi. Je parviens à trouver un équilibre entre mon alter ego et moi-même. Ces montagnes russes que tu peux voir dans le projet sont le symbole de cette lutte avec moi-même que je mène au quotidien.
On peut te voir en concert prochainement ?
Pour l’instant il est prévu que je fasse une date aux Ardentes en Belgique. Je serai aussi à la botanique en octobre en Belgique et j’ai une autre date française de prévu sur cette même période. Vous pourrez aussi me voir en première partie de Damso durant le QALF Tour.
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