Aux côtés du déhanché de Shakira et du pied droit de Radamel Falcao, la voix suave de Kali Uchis fait assurément partie des joyaux que compte la Colombie. Cela fait déjà quelques temps qu’on guette l’éclosion de l’Américano-colombienne, depuis ces premières apparitions d’abord aux côtés de Snoop Dogg puis et surtout chez Tyler the Creator, son mentor (avec ses contributions remarquées sur Cherry Bomb et Flower Boy).
Celle qui s’est immiscée rapidement comme une valeur sûre au sein de la scène californienne avec son look désuet, confirme tout le bien qu’on pensait d’elle avec Isolation. Justement, d’isolement et de solitude, il en est beaucoup question dans ce premier album que livre Karly-Marina Loaiza, de son vrai nom. Disséminée en filigrane tout au long du projet et maquillée sous la forme d’une pop hybride irrésistible; on ressent à l’écoute sa forte envie d’en découdre avec le passé et de trouver les ressources pour aller de l’avant. De ses propres mots ça donne ça :
“Life is like sex, sometimes you have to change your position. This album is dedicated to the people who feel trapped in their position, in hopes that the music will enable you to change it.”
En alliant l’esthétique et le charme suranné des chanteuses doo-woop avec une sensualité débridée bien plus contemporaine, elle trouve le dosage parfait entre le vintage et l’avant garde. Cela se manifeste également par un grand brassage musical, on passe d’une introduction envoûtante teintée de tropicalisme psyché brésilien (qui invoque une de ses icônes, la diva Astrud Gilberto) à des titres plus bouncy qui dépoussièrent comme il faut la soul et le funk (« Just A Stanger » avec l’indispensable Steve Lacy ou bien encore « Your Teeth In My Neck » et son hook qui est franchement le nec plus ultra). Qu’en est-il alors de « Nuestra Planeta » ? Hymne reggaetón qui nous réconcilie avec ce genre suite à l’overdose provoqué par l’infernal « Despacito »; où Kali brille en espagnol accompagnée de la star colombienne Reykon.
Éclectisme, c’est sans aucun doute le maitre mot de cet opus. Cette grande diversité de style, la native de Virginie l’utilise pour explorer sous toutes les coutures le thème de l’empowerment tout au long du projet. En effet, qu’elle adopte un ton revanchard sur « Dead To Me » ou la forme d’un speech de motivation sur « After The Storm », elle nous partage ses expériences qui l’ont amenées à prendre son courage à deux mains et nous invite à faire de même. Ce qui est peu surprenant lorsqu’on sait que l’album s’est pendant longtemps appelé Fool’s Paradise. Grâce à un storytelling acerbe mais toujours élégant, Kali élève ce lot de pop songs bien huilé vers un niveau d’excellence suffisamment rare pour être encensé.
La sud américaine nous démontre également ses qualités de chef d’orchestre en conviant une pléiade d’invités prestigieux. En effet, elle s’est attachée les services de producteurs stars tels que Sounwave, Thundercat, Kevin Parker ou bien encore Damon Albarn.
Cependant, elle ne perd pas son cap, parvient à piocher le meilleur de ses influences pour l’incorporer à cette douceur acidulée qu’est Isolation. Même si ce premier effort est affolant de maitrise, tantôt sarcastique, tantôt sensuel, on peut néanmoins émettre une réserve. Effectivement, on peut regretter le manque de diversité dans les performances vocales mais ça s’appelle chipoter étant donné l’amélioration de la pin-up latina dans le domaine depuis ces premières apparitions. Enfin et pour conclure, réussir à égaler ou encore mieux dépasser ce qu’elle vient de nous offrir, c’est bien entendu tout le mal qu’on souhaite à Kali Uchis. Au vu de son jeune âge et de son potentiel, l’avenir s’annonce aussi radieux que le regard de braise qu’elle nous adresse sur la pochette.