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June, The Boy : l’école est finie

Quel est le profil de June, The Boy ?

Je m’appelle Julien Malleret, j’habite à Angers, j’ai 25 ans. June, The Boy, c’est la chaîne YouTube où je publie les instrumentales que je compose, deux fois par semaine. Ensuite, tout est automatisé avec un système de liens : les gens qui sont intéressés pour faire des chansons avec les prods que je compose ont la possibilité d’acheter une licence d’utilisation et de créer leur morceau. Ils peuvent, ou non, me contacter. Je préfère quand ils me contactent, car ça me permet de discuter avec eux et souvent d’écouter leur son. Donc, pour l’instant, c’est ça le concept. Mais je travaille actuellement sur des pistes qui me permettront d’aller plus loin avec des artistes « confirmés ».

Pour parler de ton parcours, comment as-tu commencé la musique ?

Je fais de la musique depuis que je suis tout petit, j’ai toujours aimé la musique. J’ai joué de plusieurs instruments : neuf ans de batterie, quelques cours de guitare et aussi du piano tout seul à côté, en autodidacte.

Donc tu as débuté avec les instruments…

Ça à débuté par l’écoute, puis les instruments à l’époque du collège et du lycée. Puis en 2017, un ami à moi (avec qui je faisais de la guitare) me dit « viens à la maison, j’ai trouvé un logiciel ». Je vais chez lui et il me fait découvrir le logiciel FL Studio, que j’utilise toujours aujourd’hui. En rentrant chez moi, j’ai installé la version de démo, qui est gratuite, puis j’ai commencé à faire des sons ! C’était pas terribles, mais à l’époque j’étais super content de ce que je pouvais faire. Et du coup, à ce moment-là, j’ai créé une chaîne YouTube qui s’appelait « Animo J », qui existe toujours, où je postais tous mes morceaux. Ce n’était pas des instrumentales, mais ce n’était pas non plus des chansons, il n’y avait pas de parole. À ce moment-là, je me suis bien entraîné sur le logiciel, j’ai regardé beaucoup de tutoriels. J’ai fait ça pendant deux ou trois ans et quand je suis devenu enseignant, j’ai eu beaucoup de travail et j’ai un peu laissé tomber la musique. J’ai vraiment abandonné ça pendant une année, puis je m’y suis remis. Et, avec le trou que ça avait laissé, j’ai fait un peu d’autres styles de musique qui se rapprochaient un peu plus d’instrumentales, faites pour chanter dessus. Et donc à ce moment-là, j’ai voulu continuer à poster sur YouTube, mais comme ce n’était pas le même style, j’ai créé une autre chaîne. En juillet 2019, j’ai donc créé la chaîne Prod. by June, devenue June, The Boy et j’ai commencé à poster des instrumentales. Au début, ce n’était pas régulier, puis j’ai pris des rythmes et je me suis imposé des délais. Aujourd’hui, on est en juillet 2022, et ma chaîne compte environ 230 instrumentales.

Tu expliques que tu as commencé en réalisant des musiques, le virage vers la conception de prods s’est fait naturellement ?

Ouais ! Comme je te le disais, quand j’ai recommencé à faire de la musique – après ne pas en avoir fait pendant des mois – je me suis rendu compte du changement. Je me suis dit « tiens ça ne ressemble pas à ce que je faisais avant, c’est plus un truc sur lequel on pourrait chanter ou rapper ». C’est là que je me suis dit que j’aimais beaucoup faire ça, en plus il y avait tout un truc autour des beatmakers, qui étaient un peu plus mis en avant. Du coup même sur YouTube, il y avait des gars qui apparaissent à ce moment-là, genre comme Ysos qui commençait à faire plein de tutos et c’était super pratique car j’ai appris beaucoup grâce à lui. Donc les choses se sont en effet faites naturellement.

Au vue de ton parcours et de ce que tu me racontes, j’en déduis que tu es autodidacte ?

Oui pour le coup, autodidacte à 100%. Mais en soit, les formations sont gratuites sur YouTube ! Après, la musique, tu la connais ou tu ne la connais pas. Si tu n’entends pas si ça sonne faux, tu ne peux pas le faire… Ou alors il faut être ultra théorique mais du coup ça n’a plus d’intérêt je trouve.

Pour parler maintenant de ta chaîne, si j’ai bien compris tu as un concept qui consiste à créer une prod autour d’un univers artistique ?

Non..

Non ! D’accord… [rire]

Non mais tu n’es pas trop loin ! En fait, ce n’est pas dans ce sens-là que je travaille. Je fais de la musique avec un clavier qui est branché à mon ordinateur, je choisis un instrument, je pianote et dès que j’ai une mélodie qui me vient, je l’enregistre. Et de là, je commence à faire une prod en ajoutant les batteries, les percussions, d’autres instruments… Et à la fin quand j’écoute le produit fini, je me dis « à qui ça ressemble ? ». Parce que c’est comme ça que ça fonctionne sur YouTube, parce que les gens vont se dire « j’ai adoré Dinos, je veux faire un peu comme lui, donc je vais chercher des Dinos Type Beat ». Ça permet d’être mieux référencé sur YouTube, c’est tout ! Mais rien n’oblige à trouver un artiste à qui ça irait.

Oui, donc en fait, dans ton processus de création, tu ne pars pas d’un artiste ou d’un univers !

Dès fois ça m’arrive, mais rarement ! Parfois, quand un morceau m’a trop plu, ou un album, je me dis que je vais ça, je vais faire un truc vraiment dans le même style. Typiquement, je pense à Laylow, car c’est quand même des prods assez typiques et une fois ça m’est arrivé de me dire « je vais faire un truc comme ça ». Pour le coup, c’était vraiment « je fais un truc à la Laylow » et pas « je fais et on verra à la fin » . Mais ça reste assez rare.

Si on regarde tes prods, c’est très largement orienté hip-hop et rap français, c’est une de tes influences. As-tu d’autres influences ?

Oui et non. Sans le vouloir c’est sûr que oui. Déjà, je reste beaucoup dans le français, je n’écoute pas beaucoup de morceaux étrangers sauf à la radio, mais dans mon téléphone il n’y a quasiment que du français. Et par contre, je suis influencé à fond par tout ce que j’écoutais quand j’étais plus petit, qui était de la variété française, genre Florent Pagny, Calogero, des choses comme ça, tous ceux qui étaient dans Les Enfoirés en fait ! Du coup, ça se ressent dans ce que je fais : la plupart de mes prods ont 4 accords et sont mélodieuses, ce sont des prods sur lesquelles on peut aussi bien chanter que rapper.

Pour revenir sur ton processus de création, est-ce que tu prends toujours en compte la possibilité que ta prod soit utilisée ?

Il y a toujours une structure dans la prod, donc la plupart sont pensées en mode : intro, couplet 1, refrain, couplet 2, refrain… Il y a toujours une structure, mais ce n’est pas toujours la même. On peut très bien mettre le refrain en premier et le couplet après, ou faire deux refrains de suite, enfin il y a un milliard de combinaisons. Mais par contre la structure est toujours pensée, il faut qu’il y ait une structure sinon ça a moins de sens.

J’ai vu que tu faisais des prods sur-mesure, comment ça se passe avec un artiste qui vient te voir pour ce service ?

J’ai mis au point un formulaire. Si un artiste veut une prod composée sur mesure, il répond au formulaire. J’ai des questions comme, justement, le type de structure, le tempo, les instruments acoustiques ou synthé… Enfin les trucs de bases ! Je demande aussi 2/3 morceaux influences que je vais écouter ensuite pour m’inspirer, puis je commence la prod. Souvent, je ne vais pas jusqu’au bout de la prod, je commence, je propose à l’artiste, puis si ça lui convient je finis et on revoit les détails ensemble. Maintenant, je travaille aussi beaucoup en présentiel avec les artistes.

Au niveau de la diffusion, tu n’utilises que YouTube ?

YouTube, c’est la vitrine de mon magasin car tout le monde connaît et tout le monde est dessus. Et comme je te disais au début : le gars va trouver ma prod sur YouTube, s’il l’aime bien, il peut connaître les tarifs avec les liens sous la vidéo. C’est pareil pour l’acheter, c’est sur un site qui s’appelle BeatStars qui est un site américain très connu, beaucoup de beatmakers l’utilisent pour vendre leurs prods, parce que c’est fait pour ça. Donc le gars qui aime bien une instru en « vitrine » sur YouTube, il peut « rentrer dans le magasin » en cliquant sur le lien, il met l’instru dans son panier, il l’achète et il la reçoit en même temps que son contrat. Et en fait, c’est pour ça que je dis que c’est automatique, dans le sens où les gens ne sont même pas obligés de passer par moi. Au début c’était le cas, mais plus maintenant depuis que j’ai mis ça en place. C’est très pratique mais pas forcément le plus cool car j’aime bien quand on échange avec les artistes !

Tu préfères quand il y a un échange et une construction commune ?

Oui, puis j’aime bien quand on me fait écouter le morceau. Mais il y en a qui ne le font pas et tant pis. Ça ne me dérange pas de ne pas pouvoir tout écouter, c’est déjà très respectueux d’acheter la prod.

Tu m’expliquais au début que tu as commencé par loisir, avec des potes, est-ce que tu as eu un déclic où tu t’es dit « ok maintenant c’est sérieux » ?

Oui. Parce qu’en juillet 2019, j’ai commencé à faire ça et en octobre ou novembre, pour la première fois, quelqu’un m’a acheté une prod. Mais il n’y avait rien de tout ce que je viens de t’expliquer, ça s’est fait par Lydia et envoi des fichiers par mail. C’était une histoire de confiance et j’avais fabriqué un contrat moi-même avec des trucs trouvés sur internet et ça s’est fait comme ça. Et là déjà, je me dis « wow, il y a un mec qui vient de dépenser 25 euros pour ce que je viens de faire » et ça c’était quand même quelque chose, c’était assez fou pour moi. Et dans le même mois, un autre gars m’a payé 40 euros pour avoir les pistes séparées de la prod. Six mois après, c’était le premier confinement. Pendant ce confinement (mars 2020), je faisais mon travail d’enseignant chez moi mais ça ne me prenait pas toute la journée et j’ai pu me mettre à fond sur la musique. J’ai payé la formation d’un beatmaker pro (Handy y Kap’z) qui expliquait des astuces, et le truc le plus important que j’ai appris, c’est la façon de faire de la pub sur YouTube. Et donc je commence à le faire, je produis beaucoup plus car j’ai le temps. On le voit dans les courbes, ça monte beaucoup plus vite, les abonnés, les vues sur mes vidéos : ça commence à bien prendre ! Et c’est au mois de mai suivant que j’ai fait mon plus gros salaire lié seulement à la musique. C’est à ce moment que je me rends compte que c’est possible d’en vivre. Donc après, ça me trotte dans la tête, ça me motive et du coup je continue. Ça dure pendant une année où ça commence à marcher, je dégage des salaires qui ne sont pas suffisants pour en vivre mais qui sont réguliers. Donc je décide de me lancer à fond et d’aller plus loin, et je demande l’année de disponibilité, qui me permet de m’investir à 100% dans la musique !

Ça explique aussi la cohérence dans tes visuels aujourd’hui ?

Oui, j’aime que ce soit bien fait. Le visuel n’est pas figé, il a changé plusieurs fois sur les trois ans de la chaîne. J’ai changé 2/3 fois de visuel principal mais j’essaye à chaque fois de garder toute la chaîne pareille, je change toutes les miniatures. Mais ça commence à devenir long car je commence à avoir beaucoup de vidéos, donc je ne le fais pas toutes les deux semaines ! Puis c’est hyper important d’être reconnaissable, ça fidélise énormément. Le gars qui traîne sur YouTube et qui voit ma miniature, il sait que c’est moi sans rien faire, donc ça n’a pas d’intérêt pour moi de tout changer régulièrement. Et pour la première fois, depuis septembre 2021, c’est ma tête en photo de profil, ça permet à la chaîne d’être un peu plus reconnaissable. C’est un peu ma manière d’officialiser que ce soit mon métier maintenant.

Comment tu arrives à évoluer et à t’améliorer ?

Je ne sais pas si ça répond à ta question, mais par exemple, j’investis. J’achète régulièrement des instruments sur le logiciel pour essayer d’avoir un meilleur son, un meilleur feeling. Puis ça me donne beaucoup d’inspiration ! Quand j’achète de nouveaux VSTs, je peux produire jusqu’à ce que j’en ai marre du nouvel instrument. Et du coup ça me permet de me renouveler. Après ça peut revenir aussi, dans le sens où ça m’arrive de revenir à des instruments que j’utilisais il y 3 ans ou 4 ans.

Selon, toi, quelles sont les compétences nécessaires pour un beatmaker ?

Comme ce que je disais tout à l’heure, il faut savoir écouter de la musique. Ce n’est pas une compétence mais il faut être passionné, il faut vraiment kiffer la musique : l’écouter et en faire. Et puis, il faut être attentif à ce qui sort. Aussi, il y a tout le côté où il faut savoir faire du design, sans forcément être un pro du graphisme, mais savoir faire quelque chose de propre. Ce n’est pas forcément dur mais il faut le faire. Ça peut être chiant, il y a plein d’étapes, mais il faut le faire sinon ça rapporte 0€. Pour vendre ma prod, il faut 1. que je la fasse, 2. que je l’exporte, 3. que j’exporte toutes les pistes, ensuite il faut 4. faire le film pour YouTube : ce n’est pas dur mais ça demande de savoir le faire, puis il faut 5. la mettre sur YouTube et 6. mettre le fichier sur BeatStars, toutes les pistes… En fait ça prend beaucoup de temps, ce sont des étapes laborieuses mais si je ne fais pas tout ça, c’est 0€. Donc pour vivre de ça, ou au moins gagner de l’argent, il faut faire tout ça, qui prend généralement plus de temps que de faire la musique en elle-même. Donc il faut avoir pleins de petites compétences à droite, à gauche. Puis en dernier lieu, il faut savoir parler avec les gens, il faut être sympa !

Tout à l’heure on parlait de la reconnaissance des beatmakers qui était en train d’évoluer. On voit récemment un intérêt pour ce travail de l’ombre avec la volonté d’identifier les prods, tu me parlais des visuels, il y a aussi les tags en début de prod, etc, qu’est-ce que tu penses de tout ça ?

C’est cool ! Mais des fois, on entend des plaintes, comme quoi les beatmakers ne sont pas reconnus, mais ça ne change pas forcément grand-chose, ça a toujours été comme ça. Beatmakers ou musiciens, on ne les connait pas : si tu vas au concert de Jean-Jacques Goldman, tu ne connais pas tous les musiciens qui sont derrière, sauf si tu es vraiment passionné et c’est la même chose pour le beatmaking. Personnellement, je connais beaucoup de beatmakers, donc je sais qui a fait la prod de tel artiste mais le commun des mortels ne le sait pas, et s’en fout. Donc ça a toujours été le cas et même si maintenant on commence à voir des beatmakers qui se mettent plus en avant, ce ne sont pas eux les stars. Et ce n’est pas un truc qui m’intéresse.

Quelles sont tes ambitions pour l’avenir ?

En terme d’ambition, j’aimerai bien continuer la chaîne YouTube, la faire grossir encore, et aussi être sur des projets plus sérieux. J’aimerai bien travailler avec des artistes que j’aime, ce serait génial, j’ai déjà quelques pistes donc c’est cool ! D’ailleurs, j’ai composé la prod du morceau « strAnge » de Sonbest, sorti en mars, en collaboration avec Guapo du Soleil.

____

Merci à Julien pour cet échange, c’est toujours un plaisir de discuter avec des personnes poursuivant leur rêve. 

Manon Virsolvy

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