La tête de gondole de la Three 6 Mafia est revenue en 2020 avec un sixième album studio, The Hustle Continues. Rappeur qu’on ne présente plus, Juicy J ne s’efface pas avec le temps et prouve une fois de plus sa légitimité en tant que roi de Memphis.
Stay Trippy, sortie en 2013, fut l’un des albums les plus influents de l’ère trap des années 2010. Avec des bangers tels que “Bands a make her dance” ou “So much Money”, Juicy marquait à tout jamais le rap américain. 7 ans plus tard, c’est sur ses grillz que le rappeur incite encore à rester trippant. La couverture de The Hustle Continues montre en effet le visage du rappeur portant des lunettes, semblable à un scientifique fou. En montrant ce visage possédé, Juicy J allégorise parfaitement l’énergie de son album : un concentré de folie. Fulgurant par sa musicalité, ce projet peut aussi être interprété comme un rappel. Celui de l’impact majeur de la Three 6 Mafia sur le rap américain depuis les années 90. Une forme d’hommage donc pour le rappeur de 45 ans.
Explosif, comme toujours
A l’aide de producteurs tels que Lex Luger ou 6ix, Juicy J propose une nouvelle fois une esthétique propice aux clubs du Dirty South. Avec sa marque de fabrique a.k.a “Shut the fuck up”, l’artiste lance son projet de façon à énergiser le moindre auditeur. On ressent toujours cette agressivité probante dans la voix du rappeur à travers des morceaux comme“BEST GROUP” ou “PO UP”.
Les refrains saccadés, s’accordant parfaitement aux 808, mènent l’écoute de l’album vers un joyeux bordel. Ce n’est donc pas dans l’introspection que Juicy s’inscrit comme à son habitude. Le réel point fort de cet album vient surtout dans sa production et de ses flows, toujours plus poussés. On ressent une ambiance oppressante avec “Load It Up” ou “Shawty Bad”, reprenant des samples de la Three-6-mafia couplés à des basses incessantes. Le piano, inquiétant et froid, qui a fait la légende du groupe est également présent sur “MEMPHIS TO LA” et “DATZ WHAT IT IZ”. L’album se déguste aussi par ses prods plus douce tels que “1995”, morceau produit par l’architecte de Logic a.k.a 6ix. On regrettera la facilité sur certaines instrumentales trop “copié-collé” de ce que l’on voit habituellement dans la trap comme “Spend It” avec Lil Baby. L’âme du projet se complète finalement dans son ode à Memphis avec un passage de flambeau à la nouvelle génération en bonus.
Des hommages en tous genres
Les titres des tracks tels que “MEMPHIS TO LA” ou “BEST GROUP » l’annoncent parfaitement. The Hustle Continues est un total hommage au rap de la ville du Mississippi.
De nombreux morceaux reprennent ainsi des samples la Three 6 Mafia. On peut citer des extraits de “Bitch Smackin’ Killa” de Project Pat sur “KILLA”, un sample de “Chickenhead” sur “1995” du même artiste ainsi qu’un échantillon de “2-Way Freak” de la Three 6 Mafia sur “Shawty Bad”.
Juicy J invite également la crème de la nouvelle génération de Memphis. On voit donc le déjà expérimenté Young Dolph parcourir le mic ainsi que les rookies NLE Choppa et Key Glock. Tout cet équipage embarque alors dans des florilèges d’égo-trips et d’odes à Memphis. Sur “LOAD IT UP”, l’association de deux générations entre Juicy J et NLE Choppa montre un passage de flambeau. De plus, le morceau s’imprègne de backs répétitif lançant des « North Memphis », créant une véritable ambiance sudiste.
Une page se tourne également pour Juicy. Si ce dernier s’engage toujours dans des paroles élogieuses envers la drogue, la conscience de ses dangers est évoquée dans “PO UP”. L’artiste en est presque à nous émouvoir, chose rare de sa part. En énumérant les rappeurs décédés sur les dernières années comme Mac Miller, Lil Peep ou Juice WRLD, Juicy montre un visage mature. Il n’oublie pas ses confrères Lord Infamous et Koopsta Knicca, rappelant l’ère dirty south avec nostalgie.
Logic et Juicy, une relation qui dure
Surprenante aux premiers abords, la collaboration entre Logic et Juicy sur The Hustle Continues est en réalité tout à fait justifiable. Les deux rappeurs comptaient en effet trois featurings avant l’album comme “Twisted” ou “Ink Blot”. Sur The Hustle Continues, la présence de Logic se ressent d’abord par ses reprises du fameux “Shut the fuck up”. En lançant les introductions de Juicy, Logic se montre plus détendu que jamais. Une aisance qui renvoie à son ultime album No Pressure, dans lequel l’artiste ne cache pas sa fascination pour le rap sudiste.
La complémentarité des deux hommes est donc un facteur important de l’album. Sur “1995”, c’est Logic qui embarque Juicy dans son univers. Morceau nostalgique à l’ambiance new-yorkaise, “1995” installe Juicy sur un terrain qu’il arpente rarement. Le son étant à l’origine réservé pour son album No Pressure, Logic réussit son pari en invitant Juicy à la manœuvre. Leur deuxième collaboration est ensuite une alchimie classique. C’est Juicy qui invite cette fois Logic dans son univers avec à la clé basse sudiste et ôde au strip-tease. Moins alléchant que “1995”, ce morceau reste tout de même un bon banger à savourer en soirée. Une collaboration entre l’élève et le maitre qui nous rapelle une fois de plus l’importance de Juicy J au sein du rap américain.
Le rappeur de Memphis livre donc un énième album de qualité sans toutefois prendre le pas sur la concurrence actuelle. The Hustle Continues est attrayant, agréable et met en avant la nouvelle génération avec une volonté de propager l’héritage de la Three-6-Mafia. On retiendra la longévité de Juicy, légitime père de la trap actuelle. Même si plus rien n’est à prouver dans le cas de ce dernier, un projet de Juicy n’est pas à nier. Une fois de plus, les basses oppressantes de Memphis ont tiré dans le mille pour notre plus grand plaisir.