JPEGMAFIA – I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU (DIRECTOR’S CUT)

3/02/25

JPEGMAFIA

I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU (DIRECTOR'S CUT)

Note :

Sorti en plein été 2024, JPEGMAFIA décide de rafraîchir la mémoire du rap game en sortant la version deluxe d’un album déjà bien riche musicalement. Est-ce la touche artistique de plus ou celle de trop ? Réponse dans cette chronique.

Souvent loin des projecteurs de l’industrie mais toujours proche des lumières d’un studio, JPEGMAFIA (Barrington Hendricks dans la vie) est certainement l’un des acteurs les plus fascinants de la scène musicale américaine. À son actif, ce ne sont pas moins de six albums studios en neuf ans, tous couronnés d’un très grand succès d’estime. 

Le dernier en date, SCARING THE HOES, sorti en 2023, a été composé à quatre mains avec l’OVNI de Détroit, Danny Brown. Là où l’ambition d’un projet commun peut sembler périlleuse à la lumière de la pertinence artistique, il en découle ici une excellente réunion de leurs deux univers si complémentaires. Petit point bonus pour l’originalité des productions intégralement réalisées par un JPEGMAFIA en roue libre, capable de sampler des publicités et des openings japonais tout en restant cohérent. 

L’autre prouesse de ce disque ? Faire passer Danny pour le garde-fou du duo, et rien que pour ça, l’écoute en vaut la peine. En tout cas, c’est ce que notre rédaction ainsi que d’autres médias spécialisés ont suggéré en incluant l’album dans les fameuses listes annuelles des “meilleurs projets”. De quoi rassasier notre ami Peggy ? Eh non ! Bien qu’il veuille à tout prix échapper au mainstream, on a quand même pu le retrouver en début d’année 2024 sur l’album de… Kanye West et Ty Dolla $ign. Rien que ça. 

Certes, on ne parle pas de petits artistes émergents mais JPEGMAFIA a fait ce qu’il sait faire de mieux : agir dans l’ombre. Autant dire que sa contribution a été appréciée puisqu’il est aux manettes de quelques morceaux marquants d’un disque en demi-teinte (“FUK SMN”, “BEG FORGIVENESS”…). L’histoire aurait pu s’arrêter ici avec quelques albums et une collaboration avec son idole de Chicago, le tout, à l’acmé de sa carrière. Néanmoins, notre Peggy est un homme d’honneur et a toujours œuvré avec une mission en tête : faire avancer le hip-hop tout en ne restant pas bloqué dans une case. 

C’est dans cette perspective progressiste qu’il a décidé de poursuivre son objectif avec I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU en août 2024. Pour l’aider dans sa quête, quelques acolytes de longue date ont répondu à l’appel de la culture : on y retrouve une partie du gratin du rap avec Vince Staples et Denzel Curry ainsi que la chanteuse Buzzy Lee

Côté production, ce n’est pas mal non plus puisque Kenny Beats, Flume et Alex Goldblatt sont venus apporter leur créativité au projet. Cependant, notre ami est perfectionniste et c’est ce jusqu’au boutisme qui nous mène aujourd’hui à analyser la version 2.0 nommée I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU (DIRECTOR’S CUT) sortie en février.

Au programme, ce sont quatorze nouveaux titres intégrés à la tracklist originelle qui ont la lourde tâche d’apporter une plus-value à un album désormais familier aux oreilles de sa fanbase. 

Mission accomplie ? C’est ce qu’on va voir tout de suite.

Édition deluxe ou de plus ?

Lors de l’annonce de cette édition augmentée, nous n’avions qu’une chose en tête : une énième version deluxe. Nous, auditeur·ices, sommes accoutumé·es au fameux poncif qui consiste à effectuer un enrobage commercial sous couvert de quelques arguments artistiques pour vendre la déclinaison d’un même album. Les variantes musicales sont devenues incontournables sur le marché mais peu d’entre elles se démarquent véritablement.

ScHoolboy Q déclarait ceci lors d’une éventuelle réédition de son album BLUE LIPS : “Les labels et les artistes tuent le modèle de l’édition deluxe. C’est une arnaque, je ne vais pas ajouter trois ou quatre chansons maintenant alors que mon album n’est sorti que la semaine dernière. J’ai travaillé trop dur pour faire ce projet et n’ajouter que deux mille ventes supplémentaires à celles déjà écoulées. Tout le monde s’en moque” (Source: Compte X de ScHoolboy Q).

Une remarque qui a le mérite d’être claire bien que sa collègue SZA n’ait pas hésité à garnir son opus SOS de dix-neuf nouveaux titres qui ont su conquérir le cœur des fans… jusqu’à les écoeurer tant l’ajout est conséquent. À noter que les deux artistes en question proviennent du label TDE, ce qui renforce le paradoxe entre leurs visions respectives.

De ce fait, jusqu’où la réédition peut-elle devenir pertinente en croisant la qualité artistique et commerciale? Récemment certains artistes tentent d’apporter une réponse à cette question, dont JPEGMAFIA.

Au mois de novembre 2024, son ami Denzel Curry lui avait emboîté le pas avec la réédition de son très bon album KING OF THE MISCHIEVOUS SOUTH. Sa revisite consistait à ajouter des morceaux dans la tracklist plutôt que de les isoler. La tactique du rappeur floridien s’est avérée payante puisque son opus a gagné en qualité même si, au passage, sa volonté d’en faire une mixtape s’est envolée avec une architecture bien plus polie et moins “crade” de son projet.

Tel un cow-boy de l’industrie, Peggy flingue les préjugés et nous livre un discours somme toute sincère. Pour lui, cette itération illustre sa vision originelle avant d’y faire les ajustements nécessaires car la première version de l’opus n’était finalement qu’une version plus digeste pour les oreilles. Par cette déclaration, on constate qu’il a peut-être sacrifié le potentiel brut de l’album à l’autel du public en premier lieu afin d’analyser leurs retours. Le projet étant très copieux d’un point de vue musical, cette stratégie semble tout bonnement efficace pour permettre à sa fanbase de plonger davantage dans la genèse de son ambition. 

Pour ce faire, de nouveaux titres (“I.S.231”, “PROTECT THE CROSS”, “Jordan Rules”…) s’imbriquent dans la tracklist de base et offrent une “première écoute” rafraîchissante du disque et cela, grâce à un séquençage habile mettant en lumière certains morceaux déjà présents (“SIN MIEDO”, “vulgar display of power”…). À travers la sempiternelle séparation en deux disques, nous retrouvons les classiques morceaux bonus, qui, pour la plupart renforcent la qualité du projet (“What the hell Hip-Hop is this?”, “Come and get me”, “Bloodline Freestyle”…) même si certains autres sont plutôt anecdotiques (“HATE”, “TAKE AN”). Pour autant, ces quelques taches ne gâchent pas la toile de l’artiste qui a effectué un travail colossal correspondant à plus d’une heure d’écoute. 

Sans pour autant en avoir la prétention, ce disque sert de repère afin que d’autres artistes puissent emprunter un chemin similaire et proposer une expérience musicale de luxe et non deluxe. Cette notion de richesse se traduit également par un panorama d’influences diverses et variées qui accentuent la qualité de la version élargie de cet opus.

Une évolution artistique naturelle

À travers ce projet, l’ex-militaire conserve l’essence abrasive de sa musique tout en y ajoutant certaines touches empruntées au rock via l’utilisation plus exacerbée des guitares ici et là dans le disque. Tout comme Don Toliver qui en a fait une inspiration principale pour son dernier album HARDSTONE PSYCHO, JPEGMAFIA est parvenu à mieux maîtriser cet aspect en respectant la direction artistique du rap mêlé au rock sans le laisser à l’état maladroit de brouillon. Le hip-hop a le droit à quelques hommages sympathiques comme celui à DMX (It’s dark and hell it’s hot, premier album du rappeur), “Exmilitary” (nom d’une mixtape de Death Grips) mais aussi dans la manière de composer certaines productions. Dans “CULT STATUS”, il mentionne Bobby Digital, l’alter ego de l’éminent RZA, tête pensante du Wu-Tang Clan

“Now look, it’s critical, I flip the sample like Bobby Digital”

Forcé de constater qu’au-delà de la simple comparaison, il emprunte le chemin du producteur légendaire.

En effet, revenons sur “Exmilitary”. Dans ce titre, nous pouvons reconnaître la patte RZA dans la façon dont il joue habilement avec la boucle mélodique pour la rendre hypnotisante. Ça tombe bien, puisque le sample utilisé est celui de “Tearz”, morceau du… Wu-Tang Clan. L’affiliation continue dans “Vulgar display of power” avec un sample de Bring The Pain interprété par Method Man. La boucle est bouclée. Notons tout de même que le morceau susnommé partage le même nom qu’un album du groupe Pantera. Les idées ne s’arrêtent pas là ! 

En dehors des cadres attendus, Peggy puise un peu partout afin de créer un patchwork d’idées artistiques bien digérées. Nous retrouvons ici la folie de Flume et le spectre de SOPHIE (“New Black History” / “CULT STATUS”), la verve d’Arca et de Sega Bodega (It’s dark and hell it’s hot), la vision de Rick Rubin (“vulgar display of power”), la délicatesse de BADBADNOTGOOD, d’Inflo et de Kenny Beats (“JPEGULTRA!”), la magie de Björk et de Flying Lotus (“loop it or leave it”), la mélancolie de Radiohead (“don’t rely on other men” / “i recovered from this”) ou encore l’énergie de LSDXOXO couplée au génie de Burial (“Boy You Should Know!”). Son plus gros coup d’éclat reste sans doute le sample de “Turn on the lights” en intelligence artificielle sur “either on or off drugs”. Exit Future, place à une reprise soul montée de toutes pièces qui, sur le papier peut alimenter des débats, mais qui reste tout de même extrêmement bien exécutée de par son audace. 

Et les invités dans tout ça ? Peu nombreux et triés sur le volet, chacun a su exprimer son talent sans être noyé dans un océan de featurings. La virtuosité de Denzel Curry (il est temps de faire un projet commun…), croise le tranchant de Vince Staples et la douceur de Buzzy Lee pour apporter plus d’épaisseur à un projet consistant. 

Tous ces éléments, qu’ils soient liés à la qualité des compositions, des prestations ou aux nouveaux morceaux, viennent renforcer les messages principaux de l’album. Bien que ces derniers paraissaient légèrement abstraits dans la première version, ils gagnent désormais en clarté grâce à la nouvelle configuration de la tracklist. Tant mieux pour nous, on peut maintenant les apprécier à leur juste valeur.

Ironie, cynisme et égotrip : le format JPEG

Que les fans inconditionnels de MF DOOM soient rassurés : son héritage est entre de bonnes mains grâce à JPEGMAFIA (entre autres) qui s’illustre parmi ses plus grands ambassadeurs. Il n’a peut-être pas dédié un album entier à la nourriture comme son homologue masqué (on laisse également cela à Young Nudy) mais en ce qui concerne l’humour incisif, nous avons ici un très bon client.

En effet, puisque les armes sont légion aux USA, Peggy va apprendre à utiliser la sienne, à savoir celle de l’humour relevé d’ironie avec un soupçon de cynisme, de satire et une pincée d’autodérision à la sauce forum d’Internet. Un menu que DOOM aurait certainement consommé sans modération !

Les références sont quant à elles toutes droit sorties de la pop culture, du sport ou de la politique. À ce sujet, le principal intéressé en a touché quelques mots au détour d’une interview croisée avec la chanteuse Raveena : « Comme tout le monde, j’avais l’habitude d’utiliser Internet pour chercher des informations, trouver des trucs cools. Internet était comme un endroit sûr pour tous les geeks qui y allaient. Plus tu navigues dans les eaux sombres du net, plus tu remarques sa profondeur. Je ne parle même pas du dark web, simplement certains comptes Tumblr et autres sites / blogs à l’image des envies de chacun. (…) Là-bas, j’y exprimais beaucoup mon humour en postant des memes etc… » (Source: Interview Magazine)

Cette expérience derrière les écrans font de lui le poil à gratter idéal voire l’antagoniste parfait d’une industrie parfois trop aseptisée. Si certaines personnes entendent cela d’une mauvaise oreille, il faut assurément passer par une redéfinition partielle de certains codes du rap afin que celui-ci puisse évoluer sereinement. Ça tombe bien, notre ami ne se fait pas prier sur cet album.

Dans le morceau “I scream this in the mirror before I interact with anyone”, il emploie la comparaison sportive en évoquant le basketteur Dillon Brooks. Ce dernier n’est peut-être pas le plus grand virtuose sur le parquet mais en ce qui concerne la gymnastique de son verbe, il tutoie les sommets. N’en déplaise à Lebron James :

If I was an NBA player, I’d be Dillon Brooks but worse”

Ces propos seront à nouveau mentionnés dans “Jordan Rules”. Cette fois-ci, l’artiste se permet de recycler sa punchline précédente pour la rendre plus percutante, comme s’il était engagé dans le secret d’une conversation avec son·sa auditeur·ice :

“I was wrong when I said Dillon Brooks / I’m a Billy Laimbeer kind of man / Hoe square up when you step in my lane”

Puis les infantiliser et leur montrer que pour le faire plier, il va falloir être un Super Saiyan :

“The underground filled with my Gohans”

Enfin, sur “I’ll be right there”, il joue avec le célèbre gimmick de Playboi Carti tout en prouvant qu’il est aussi incontournable que le crack dans l’ère Reagan des années 80 :

I just told that bitch « Seeyuh, » she think Carti back / I put creativity back on the map / I be spittin’ that dope like it’s eighties crack”

Toutefois, il serait malhonnête de cantonner JPEGMAFIA au simple rôle du comique borderline. Dans la même interview mentionnée plus haut, il s’est notamment confié sur son agacement vis-à-vis de cette étiquette superficielle : « J’ai commencé à remarquer que plus je faisais les choses en plaisantant, plus les gens commençaient non seulement à se méprendre sur mon compte, mais aussi à m’appliquer ces malentendus comme s’il s’agissait de ma personnalité et de ce que je suis. » (Source: Interview Magazine)

À vrai dire, il est impossible d’aller à l’encontre de ses propos. Le réduire à des punchlines moqueuses serait un manque de discernement puisqu’il s’agit d’une simple clé de compréhension qui ne représente pas l’entièreté de son trousseau. Pour cela, il convient de quitter la surface afin d’écouter ce qu’il y a dans les profondeurs de son cœur. 

You think you know me?

Tout au long de sa carrière, Peggy a souvent évoqué son expérience militaire effectuée à contre-coeur qu’il justifie par son manque de perspective d’avenir durant sa jeunesse ainsi que la pauvreté dans laquelle il évoluait. Cette parenthèse belliqueuse lui a permis de voir du pays, débuter sa passion musicale même si cette histoire s’est soldée par une libération honorable. Que reste-il de tout ça ?

Ce sont surtout des stigmates qui demeurent encore très vifs, au point de hanter le nom de son deuxième album Veteran. À cela s’ajoutent les échecs relationnels et les interrogations sur ses propres mœurs destructeurs qui sont également abordés dans certains morceaux de cet opus. D’abord, le morceau “Exmilitary” joue ingénieusement sur la double thématique sentimentale et militaire pour appuyer un sentiment d’abandon de la part de son pays tout comme de ses ex-partenaires :

“I heard you got dirt on me, my country encouraged me / My famo discourage me, my exes threw dirt on me”

On laisse l’aspect conquérant de côté, ici le vague à l’âme s’étend sur “I lay down my life for you” et “I recovered from this”. Pour agrémenter son verre de spleen, il y ajoute de légères doses de drogues, bien qu’il estime mener un combat contre ce cocktail addictif tel qu’il est suggéré dans “either on or off the drugs” :

“’Cause either on or off the drugs, my energy is Tony powderin’ his nose / And either on or off the drugs, my energy is Don Magic with the hoes / ‘Cause I been boxin’ with the drugs, I got a good chin like James Toney”

Qu’est-ce qui peut lui redonner le sourire ? Certainement pas la politique puisqu’il invective les femmes d’avoir participé à l’élection de Trump au détriment de Kamala Harris dans “PROTECT THE CROSS”. Est-ce le rap ? Encore moins ! Sur “What the hell Hip-Hop is this?”, il confesse son dégoût envers l’approche superficielle de certains de ses collègues qui préfèrent écouter le chant des sirènes de l’industrie plutôt que de respecter l’intégrité de ce genre musical.

Alors que lui reste-t-il ? La religion ? Au cours d’une interview, il confessait ne pas être très spirituel dans l’âme: « J’ai plutôt été élevé dans la religion mais je ne me définirais pas comme étant religieux. Je pense que beaucoup de personnes noires ont été élevées dans des foyers religieux, qu’ils le veuillent ou non » (Source: Highsnobiety)

Pas très pieux selon ses dires mais nous ne pouvons nier les références religieuses qui ont jonché son parcours artistique. Pêle-mêle, quelques chansons nous viennent à l’esprit comme “Jesus Forgive Me I am a Thot” (sur l’album All my heroes are cornballs) ou alors “God Loves You” (présent dans SCARING THE HOES) marqué par le découpage d’un sample gospel tout au long du titre. Fidèle à son paradoxe, il va une fois de plus intégrer la religion à son travail en mettant une croix en évidence sur la pochette de son projet. Le regard baissé et l’air solennel, Peggy semble apaisé face à la tempête émotionnelle qu’il traverse dans son for intérieur. 

Le titre éponyme I lay down my life for you fait certes état d’une rupture sentimentale mais celui-ci possède une seconde lecture que l’on peut aisément lier à un vers de l’Évangile selon Jean (10:17-18).

S’il a donné son cœur a des ex-partenaires, alors qu’en est-il de son salut ? C’est à cette question que notre protagoniste va tenter de répondre en cherchant dans la religion une alternative saine à son bien-être mental. Tout au long de l’album, il glisse des allusions à la prière, à l’instar du morceau “ALLAH”. Jusqu’ici, ses références gravitaient autour de la religion catholique mais avec ce titre, il démontre de façon subtile que la spiritualité n’est qu’une question d’interprétation propre à la sensibilité de chaque individu, pour peu qu’il y trouve la paix :

“And you know that I pray, everyday, Lord, I feel so exhausted / Put my hands in my face, pray I’m safe, pray I grow and accomplish / On my knees when I pray, otherwise it don’t count in my conscious / Put my hands to the sky, I can’t see Him, but You still my accomplice”

Ceci dit, il constate amèrement sur “Don’t put anything in the Bible” le caractère malhonnête de certaines personnes qui plongent uniquement à corps perdu dans la religion pour laver leurs pêchés. Cette critique est loin d’être inédite puisqu’il s’était déjà permis de singer la dichotomie de l’américain puritain sur la pochette de SCARING THE HOES en se représentant un gun à la main et la Bible dans l’autre sur fond d’esthétique Blaxploitation. 

Cette prise de position n’est pas sans rappeler la période JESUS IS KING de Kanye West, qui, en 2019 a décidé de faire de sa foi une nouvelle direction artistique illustrée par des Sunday Service et autres concerts à Coachella. On ne lui enlèvera pas le mérite de “Jesus Walks”, son hit surprise de 2004. En revanche, la démarche semblait plus authentique sur cette chanson que sur tout un album qui mettait davantage l’accent sur le côté performatif de la religion (messes centrées autour de lui-même…) que sur une démarche sincère. L’histoire nous a récemment confirmé l’ambivalence du personnage…

Pour conclure cette analyse, nous pouvons voir tout au long de l’oeuvre que JPEGMAFIA bataille avec ses pensées. Ce dernier reste conscient de ses erreurs et n’hésite pas à les exposer tout en mettant en lumière sa marge de progression à travers son rapport à la foi. De plus, il parvient à mettre le doigt sur certaines failles d’une société remplie de paradoxes à laquelle il participe activement, sans jouer au moralisateur. La proposition d’un tel opus relève de l’audace ainsi que d’un tour de force exceptionnel puisqu’il marie la qualité thématique et sonore, sans renier son crédo initial : récompenser sa fanbase.