Avec l’album I Can’t Go Home, sorti en juin dernier, Jimi Tents aurait bien pu figurer dans notre sélection des meilleurs albums rap US de 2017, au premier semestre. Alors que les tracks de ce projet continue encore à squatter nos playlists, on n’a pas pu résister à l’envie de vous faire découvrir cet artiste à très fort potentiel sur TBPZ.
La première chose à bien comprendre pour décrypter le personnage est que Jimi Tents est originaire d’East New York, un des quartiers les plus pauvres de Brooklyn, en proie à une gentrification massive depuis des années. La géographie de ce quartier, situé à l’extrême Est de la péninsule de Brooklyn, juste au bord la Jamaica Bay, en fait une sorte de réceptacle des victimes de la gentrification en provenance des quartiers les plus à l’Ouest du borough le plus peuplé de New York. En quelques sorte un ghetto dans le ghetto.
Dès les premières tracks de I Can’t Go Home, on comprend que ce phénomène de gentrification et d’appauvrissement de son quartier sera le thème central du projet. Rapidement, le jeune rappeur plante et décor et on apprend que lui ainsi que sa famille ont été contraints de quitter récemment la maison dans laquelle ils ont vécus toute leur vie. Si cette situation, qui touche malheureusement de nombreux ménages afro-américains, est l’élément déclencheur de cet album, il permet à Jimi Tents de dérouler tout un schéma narratif autour de cet événement, l’amenant à aborder d’autres thèmes tels que la dépression (« Below The Surface », en featuring avec l’excellent Saba), son rapport ambigu à l’argent (« The Shining ») ou encore sa place de jeune afro-américain dans une société américaine en plein doute (« Set Me Free »).
Si cet album porte en lui la hargne d’un rappeur émergent prêt à en découdre, I Can’t Go Home compte également son lot de morceaux plus « légers ». Les deux meilleurs morceaux dans ce registre sont sûrement le tubesque « Rick Rubin » (retenu dans notre TBPZ Summer Playlist) qui rend un hommage appuyé au mogul visionnaire de Def Jam ; ou encore le club anthem « 2 Shots », sur une prod’ de génie signée par Crystal Caines, une rappeuse / productrice originaire d’Harlem qui a notamment déjà collaboré avec A$AP Ferg.
Au rayon des morceaux qui vous aideront à surmonter un réveil difficile, on notera également les excellents « The Shining » et « Should’ve Called. Pt 2 », qui, tout deux dans des registres bien différents, offrent une jolie démonstration de toute la technicité de flow dont le jeune rappeur new-yorkais est capable.
Cette polyvalence est d’ailleurs la vraie force de Jimi Tents qui semble tout aussi à l’aise pour produire des bijoux de storytelling lourd de sens à la manière d’un J. Cole ou Logic mais également sur de gros bangers aux prods sur-vitaminées. À cet égard, notre sujet du jour n’est pas sans rappeler un Mick Jenkins, avec qui il partage également un certain goût pour l’introspection, le tout sur des productions allant du jazz aux confins de la beat music.
Côté production d’ailleurs, une bonne partie de l’album est l’oeuvre d’un producteur officiant sous le nom de THE VAMP (ou #PRODUCEDBYTHEVAMP). Bien qu’on reconnaisse de temps à autre l’usage de sample, le producteur originaire du New Jersey réalise avant tout une véritable performance sur l’utilisation des drums et de la basse, qui donnent une dynamique diablement efficace à l’ensemble de l’album. A noter que THE VAMP était déjà à l’origine du single « Landslide », extrait du précédent projet de Jimi Tents : l’EP 5 O’Clock Shadow, qu’on vous inviter à explorer également.
En conclusion, on ne peut que vous recommander de prêter une oreille attentive à ce premier LP du très prometteur Jimi Tents. Si le rappeur originaire d’East New York n’a pas encore réussi à hisser un de ces clips au delà du fatidique million de vues, il bénéficie néanmoins d’une couverture médiatique plus que respectable outre-Atlantique (puisque The Fader et Pitchfork ont tous deux chroniqué son dernier projet). Alors que le roi Kendrick rappelait dans une interview au magazine Rolling Stone que les vrais rappeurs devaient avant tout savoir écrire des textes qui touchent leur public, personne ne pourra reprocher à Jimi Tents de revendiquer ce titre.
Cover photo : Pitchfork
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