Le Festival Hip Hop Is Red a toujours su panacher sa programmation avec des valeurs sûres et beaucoup de jeunes pousses promises à une forte croissance. Mais on doit bien admettre qu’on a du mal à classer JeanJass : beaucoup d’heures de route dans les jambes, des apparitions de plus en plus fréquentes et pourtant un potentiel qui ne demande encore qu’à éclairer les deux faces du monde.
Au New Morning ce soir, JeanJass et son DJ Eskondo mettent le point final à un Goldman Tour bien chargé, qui tire son nom du 8 titres sorti fin 2014. Tous deux ont sillonné la Belgique, de Charleroi à Mons, Liège, Roubaix, Charleroi, son fief, de nouveau, et la France, avec Caballero et La Smala, leur collectif Exodarap ou en solo. « Les projets de Caba, La Smala et moi ont été sortis dans un laps de temps de 5 mois, ce qui nous a permis d’avoir plus de salles », remarque JeanJass. « Ça faisait un petit plateau belge, en plus » ajoute Eskondo. Même quand il n’est pas en tournée, JeanJass se fait entendre dans les productions qu’il fait pour Fixpen Sill ou Lomepal : les représentants belges et français d’une même génération de rappeurs créent souvent ensemble, et leur dialogue remonte au moins à l’épisode 8 des freestyles Grünt…
« Aujourd’hui tu te rends compte qu’il y a des gens qui habitent à 2000 km de chez toi qui font une musique qui est beaucoup plus proche que ceux qui habitent dans ton propre quartier. Avec Internet, tout est plus facile. C’est pareil avec les Suisses d’ailleurs, comme Di-Meh par exemple. On l’a croisé en 2011, il avait 15 piges. En vrai, tu vois un peu les gens évoluer dans chaque coin, mais on se connaît assez bien », explique JeanJass. Avec son acolyte à la production, Le Seize, et Carlos du groupe de Caballero, Les Corbeaux, JeanJass tient le studio Blackared, à Bruxelles, « où on a fait tous les projets de Lomepal, Caba, les miens, le mix et le master de la mixtape Mind Breaks d’Eskondo,un morceau d’Alpha Wann [« Barcelone »]… On enregistre pas mal de gens là-bas, et on cherche à le développer. » Et quand tous ces potos se retrouvent ensemble, il y a des étincelles, car « toute la clique est festive ».
Eskondo et JeanJass viennent tous deux de Charleroi, « qui ressemble aux villes du Nord de la France, ça devient un peu hype comme toutes ces villes postindustrielles. Culturellement tu as beaucoup de choses, pas spécialement en rap mais ça bouge pas mal. » Avec La Smala, sans doute le groupe le plus accessible de ce mouvement, et d’autres, JeanJass et Eskondo s’appliquent à redonner à la Belgique sa place méritée sur la carte du hip-hop. Le pays a longtemps souffert d’avoir donné naissance à un des plus grands succès commercial du rap à l’orée des années 1990, et les carrières des rappeurs y furent longtemps encore plus chaotiques que celles de leurs collègues français. La mixtape très boom-bap sortie par Eskondo il y a quelques mois, Mind Breaks, avec 35 rappeurs invités, remet d’ailleurs en avant des activistes du mouvement. Dan-t, notamment, « de Bruxelles, qui rappe depuis des années, S.Kaa, un de nos anciens, lui aussi de Bruxelles » mais aussi « des petits jeunes, uniquement de Belgique. Il y a d’ailleurs pas mal de rappeurs qui ont fait qu’un son et qui n’en feront parfois pas plus, ils avaient un morceau et j’en avais un », précise Eskondo.
Tutoyer le succès en comptant uniquement sur la Belgique reste difficile, avec une moitié d’auditeurs potentiels néerlandophones, mais tout vient à point… « À mon avis les grosses têtes d’affiche commerciales vont arriver, Hamza par exemple, je ne dirais pas que c’est commercial mais c’est quelque chose qui est plus ouvert. Je suis vraiment fan de ce qu’il fait, c’est plus club, mais j’aimerais bien que ça pète, de toute façon il y a un peu de tout chez nous. » Ces inspirations multiples, même si une admiration appuyée pour 90s persiste (« ma première influence, c’est le rap new-yorkais, les Illmatic ou Infamous »), se reflètent dans cette scène franco-belge qui touche autant à l’électronique qu’à la soul ou au funk : « Je sais bien que je ne fais pas du tout la même chose que Smala, et même avec Caba ou Lomepal, on est proche mais ils ont une écriture assez différente de la mienne. Si tu prends ne serait-ce que l’album de Nekfeu, tu as du boom-bap, des trucs un peu plus actuels, des trucs plus chantés, tu as même un peu d’auto-tune sur le morceau avec Nemir. En 2016, tu peux faire tout ce que tu veux. » Et tant mieux.
Tellement de possibilités, mais JeanJass l’admet : « Je suis quelqu’un de peu, voire pas assez stressé. » L’échalas chevelu nonchalant reste malgré tout productif, sous l’influence de Caballero et Le Seize, avec lequel ils se sont partagés Pont de la Reine, le premier album du Chevalier : « Pour Pont de la Reine, on voulait une couleur, ce côté New York, même si 2 ou 3 morceaux en sortent comme “Relax” ou “Mérité” parce qu’elles sont plus lentes, tout le reste est très new-yorkais. On a travaillé avec une direction », explique JeanJass. Au studio Blackared, le duo formé avec Le Seize s’applique à tous les niveaux, sur tous les morceaux : « Tout ce côté réalisation, composer plus que de l’enregistrement et du mix, nous pousse à essayer d’embellir le morceau qu’on nous emmène. Si on trouve que la basse craint on va en refaire une, par exemple », précise JeanJass.
De nouveau avec Cabellero, il sortira bientôt l’EP Double Hélice. « J’ai produit 2 ou 3 titres mais il y en a une dizaine, on est allé chercher d’autres sonorités », explique JeanJass, « je préfère écrire sur les prods des autres, c’est pas toujours facile sur ta propre prod, quand t’as déjà passé du temps dessus. En 6 mois, j’avais enregistré et mixé Goldman, et j’ai même fait les voix en un mois. Et puis c’est rare que je fasse un morceau en 3 16 par exemple. Moi je trouve qu’en 2 16 tu as tout dit, mais ça c’est une question de goût. » Écrire et produire vite et bien, c’est ce que fait cette génération de producteurs « laptop » chaque matin. Je fais beaucoup de prods au studio, quand il y a du matos je teste, mais c’est sympa d’avoir ton MacBook dans le train, c’est aussi une forme de confort. »
Cette vague de rappeurs n’est pas le seul élan créatif qu’a suscité le hip-hop en Belgique, puisqu’il influence également le cinéma : Adil El Arbi et Bilall Fallah, deux Belgo-Marocains néerlandophones de Gans, ont réalisé Black, un des premiers films « ghetto » belge. « Il ne faut pas y voir un reflet de quelque chose, parce que c’est très romancé, c’est une relecture actuelle de Roméo et Juliette entre un Marocain qui vient de Molenbeek et une renoi qui vient des quartiers nord d’Ixelles [commune rattachée à Bruxelles-Capitale], Matonge. Mais visuellement ça me parle, c’est bien réalisé. »
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