Pour la troisième année consécutive, Jay Prince sort de son hibernation et livre aux premiers beaux jours un opus (court) taillé pour la saison estivale. Avec CHERISH, il ne déroge pas à la règle et il est toujours plaisant de se plonger dans sa discographie. Cependant, malgré sa qualité, confessons que cet opus a tout de même un goût de déjà-vu. Analyse.
L’Amour. Toujours.
Jay Prince est un MC et un beatmaker, il n’y a rien de nouveau là dedans. Assurément un amoureux de musique et, on dirait, de voyages et de rencontres aussi. Si même le titre de CHERISH évoque l’amour et l’attention aux choses importantes, il n’y a qu’à défiler la tracklist pour s’apercevoir que le thème est décliné plus qu’à son tour dans l’opus. Même si certains titres sont des trompe-l’oeil (« Love Is » où il est d’ailleurs accompagné par Kojey Radical), Jay Prince explore dans CHERISH un large panel des sentiments qu’entraîne l’Amour (joie, espoir, peine, incertitude, …) et y trouve un puits d’inspiration intarissable. En somme, un joli voyage à travers une contrée dans laquelle on ne s’ennuie jamais.
La production, péché mignon
Jay Prince a la mélodie à l’âme. Le voir crédité sur un morceau est presque l’assurance qu’on aura affaire à un track dont les lignes harmoniques ont été savamment travaillées. Son inspiration n’a pas de frontière et ses projets parlent pour lui. Il a d’ailleurs une approche très inclusive dans sa démarche de composition. Même si sa musique est résolument moderne et intègre un boom-bap au tempo apaisé dont les racines sont plus vastes que le jazz ou la soul de la Golden Era, il invoque ses origines caribéennes dans certaines de ses productions les plus emballantes.
Pour le reste, on y retrouve une touche de jazz mâtiné de soul, des rythmiques funky à souhait et une alternance de rythmes tantôt chill tantôt bouncy qui offrent un corpus plus dynamique au projet et soulignent qu’amour rime autant avec euphorie que réflexion. Aucune fausse note à déplorer. Le monsieur connaît son affaire. Peut-être un peu trop justement.
Un renouvellement et une audace artistiques nécessaires
Le rappeur londonien maîtrise sa partition. Ses lyrics sont propres et son style impeccable. Alors quel est le problème? La réponse contient une forte dose de subjectivité mais, pour qui suit cet artiste depuis quelques années, difficile de soutenir que cet opus se démarque des autres par son originalité. Chaque artiste est censé proposer la musique qu’il aime. Et idéalement, trouver un savant mélange entre ses nouvelles inspirations et ce qu’il sait plaire à son public. D’un point de vue mercantile, chacun sa stratégie et de nombreux exemples viennent étayer leur validité. Jay Prince a choisi la continuité. Bon. On en a suffisamment parlé, c’est un sceau de qualité. Mais dans un genre musical en pleine effervescence, à une époque où il est possible d’écouter des centaines de morceaux par semaine, c’est prendre un risque à ne pas négliger.
Au final, Jay Prince a fait du Jay Prince avec la qualité qu’on lui connait. Les morceaux sont réussis, les lyrics bien lancés et la thématique de cet opus toujours agréable, surtout en cette saison. Mais une fois l’écoute de cet album terminée, il faut convenir que la petite bise estivale à laquelle il nous avait habitué a une douceur de déjà-vu. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que ce projet a été au final peu commenté et c’est dommage pour un artiste de ce talent et de cette sensibilité. Les prochaines releases seront à suivre de près, en espérant que le rappeur londonien assumera plus de risques.