À son apparente bonhommie, Jaasper allie une détermination à toute épreuve. Depuis 2019, le jeune rappeur des Yvelines expulse un rap fantaisiste à l’humour décalé, où il laisse libre court à son imagination débordante. Au fil des sorties, le rappeur sorti tout droit du « Dingomundo » affine son style hybride et a préféré ne pas choisir entre énergie rock et groove résolument électronique. C’est ce mélange d’influences jubilatoire qui fait tout le sel de son personnage et de sa trilogie d’EPs en cours, dite du «Pulse». En attendant la conclusion prochaine de ce chapitre, Jaasper revient sur la conception de son second volet, Pulse 8080, sortie fin 2021 et sur sa vision de l’industrie musicale.
BACKPACKERZ : Comment es-tu venu au rap, sachant que ce n’est pas ton univers de prédilection et comment as-tu monté ton propre label, Principe Actif ?
Jaasper : J’ai commencé à faire de la musique quand j’étais petit. J’ai commencé par faire de la trompette. Mais mon rêve c’était de faire de la batterie parce que je voulais taper très fort sur un instrument. J’en ai fait à partir de mes 10 ans parce qu’il n’y avait plus de places au Conservatoire là où je suis né, c’est-à-dire à côté du Havre. Quand j’ai déménagé et que je suis arrivé dans les Yvelines, j’en ai eu marre de la trompette. Alors j’ai dit à mes parents : “si je peux pas faire de la batterie, j’arrête la musique”. Mon père m’a forcé à continuer la musique, donc il m’a laissé faire de la batterie. J’étais surtout dans le rock et dans le métal, c’est la première culture qui m’a marqué.
Après j’en ai eu marre d’un truc : c’est d’être tout le temps dans le fond. En vrai, personne ne voit le batteur. En plus, c’est compliqué de diffuser vraiment des messages quand tu es à la batterie, parce que ça passe par le chanteur. J’en avais marre aussi de dépendre d’autres musiciens. J’ai toujours été le plus déter’ et je n’ai jamais rien fait de sérieux avec les groupes pour lesquels j’ai joué, parce qu’à chaque fois on était sur des longueurs d’ondes divergentes.
Qu’est-ce que tu aimais dans le rock ?
L’énergie ! C’est ce que je mets dans ma musique aujourd’hui aussi je pense, surtout sur des sons comme “Circus Bang Bang”, c’est le fait d’être soi-même et de s’en foutre. Le fait de s’assumer à 100% en fait. C’est ce que le rock m’a inspiré et c’est surtout le fait de ne pas avoir peur de l’anti-conformisme. J’écoutais déjà un peu de rap à cette époque : Sinik notamment donc plutôt rap conscient. J’ai d’abord découvert l’écriture quand j’ai commencé. J’écrivais des textes, je ne savais pas trop ce que c’était mais j’aimais bien la rime. J’étais au lycée avec Papy Bresom, mon ingé son avec qui j’ai fondé le label quand j’ai commencé à rapper. C’est la première personne qui m’a entendu rapper, ce qui donne encore plus de sens au truc. Je lui avais envoyé un truc dégueu enregistré avec mon iPod Touch à côtés des enceintes, et il m’a dit : “c’est lourd mec, continue”.
Donc j’ai continué après ça. Et puis ce qui me plaisait, je m’en suis rendu compte il y a pas si longtemps, c’est l’esprit de compétition. Moi je suis dans une compétition permanente. Je ne suis pas trop sportif mais dans l’état d’esprit je suis sport. Je veux tout le temps être le meilleur. Il y avait vraiment ce truc là avec les Rap Contenders qui me parlait à fond. Je faisais un peu d’open mic avant et les gens ne s’attendaient pas forcément à ce que je sois chaud en rap quand tu me vois. Je portais un bandana, j’avais pas trop une dégaine de rappeur et ça me plaisait de rentrer là-dedans, de défier et de déjouer les attentes.
Je faisais du rap mais ce n’était pas très sérieux, j’essayais de faire des sons tout seul chez moi, c’était pas ouf. Et puis un jour, je me suis dit que j’avais envie de me lancer là dedans sérieusement et surtout tout comprendre à l’écosystème musical. Le côté business et industrie.
Qu’est-ce qui te pousse à vouloir comprendre les rouages de l’industrie justement ?
C’est la volonté d’indépendance et de liberté surtout. C’est-à-dire que je veux tout maîtriser et qu’il n’y ait personne qui me dise quoi faire. C’est hyper important et si je n’ai pas ça, si je ne comprends pas tout, ça reste dans mon esprit et ça m’empêche d’avancer. Heureusement, je ne suis pas tout seul aujourd’hui. Mais je ne voulais pas dépendre de gens qui ne me connaissent pas personnellement. C’est pour ça que j’ai commencé avec Papy Bresom parce qu’on faisait déjà un peu de musique ensemble, lui il est plutôt dans la musique électronique. C’est là où on en arrive à la troisième culture qui m’a influencé : la musique électronique. C’est aussi venu des mes réalisateurs de clips (Ludovic Marquier, Henri Merle et Maxime Quartier) et qui sont à fond dans la synth wave. Ils m’ont fait découvrir Daft Punk, Ed Banger, etc. il y a deux ans, donc sur le tard et à partir de ce moment-là, je me suis dit que ça me correspondait à fond pour plusieurs raisons. Déjà parce que je pense que c’est la dernière grosse vague musicale française qui a vraiment influencé le monde entier. Je me suis grave reconnu dedans et je me suis dit : “avec le bagage musical que j’ai déjà : rock et rap, j’ai envie d’utiliser ça pour ma musique”. C’est quelque chose d’hyper énergique en plus, donc ça me correspond. Puis j’ai développé tout ce côté futuriste, technologique, science-fiction autour de ça.
L’aspect club de ta musique s’entend de plus en plus. Qu’est-ce qui t’attires dans ces genres électroniques comme la house et la techno ?
Déjà ce que je veux absolument c’est essayer de créer un truc nouveau. Pour moi un artiste c’est quelqu’un qui apporte quelque chose et qui ne fait pas de copier coller. Je trouvais ça singulier de mélanger musique électronique et rap, même si c’est quelque chose qui se fait pas mal aujourd’hui, j’essaye d’apporter le côté visuel hyper bossé et la partie live. Je veux choquer les gens, je veux les surprendre, je veux les prendre à contre pied, c’est hyper important pour moi. Quand je fais un concert, j’ai toujours cette image avant : les scènes du débarquement, où tous les soldats sont dans les bateaux et tu entends les balles qui ricochent sur les parois. Et bien moi c’est comme ça que je me prépare avant les concerts. La guerre c’est un motif qui est de plus en plus présent dans ma mentalité parce que c’est ça au final.
Il y a beaucoup de monde dans la musique, il faut être prêt et avoir conscience que c’est un peu la guerre. Moi ça me motive de penser comme ça. Aujourd’hui j’ai un projet qui correspond à 100% à ce que je suis, et ça c’est hyper lié au côté business parce que ça m’a permis de comprendre ce qu’il faut avoir et être pour être un artiste. Ça m’a aidé à comprendre que l’artiste il doit incarner quelque chose, tu dois choisir qui tu veux être, quelle place tu dois occuper. Le business m’a aidé dans ma créativité. Souvent, quand je parlais de ça avec des gens de l’industrie, ils me disaient que tu ne peux pas faire les deux, il faut choisir. Mais pour moi l’un ne va vraiment pas sans l’autre. Autre point intéressant : j’ai appris à ne pas créer mon art pour le vendre mais à créer mon art et ensuite apprendre à le vendre. Parce que sinon tu fais quelque chose qui n’est pas sincère et ça se voit.
De quelles manières travailles-tu avec tes réalisateurs et à quel point le rôle de l’image est-il important dans ta musique ?
Leur rôle est hyper important parce que quand tu parles de références, c’est surtout eux qui les ont et qui les apportent. Notamment dans le clip de “X-Vision”, Ludovic (Marquier) a caché des références de films que personne n’avait capté : “2001, l’odyssée de l’espace”, etc. Moi j’essaye de faire en sorte que chacun puisse s’amuser, c’est pour ça que j’ai créé un univers aussi riche. C’est vraiment une notion de travail collectif et – c’était le cas pour “Canal Pulse” et sur “Appaloosa” – je fais les sons, ensuite ils sont accessibles à toute l’équipe de Principe Actif et souvent Ludovic (Marquier, ndlr) et Maxime (Quartier, ndlr) me disent : “mec, ce son là j’ai une bête d’idée pour le clip”. Je pense que c’est la meilleure façon de faire, si c’est eux qui choisissent, ils vont être beaucoup plus créatifs. Je sais que quand ça part comme ça c’est gagné. Puis après on travaille la réal’ ensemble, parce que j’aime bien aussi m’y coller.
Tu as beaucoup d’autodérision et on t’as souvent associé à un rap “troll”, comment vois-tu l’image que tu peux renvoyer au public ?
Déjà l’humour et le second degré c’est hyper important pour moi. Je fais les choses très sérieusement mais je ne me prends pas au sérieux. J’aime bien jouer avec ces codes là et puis ça reflète ce que je suis, j’aime rigoler en permanence. Principe Actif c’est l’endroit le plus marrant de la Terre. Après ‘rap troll’ non parce que j’essaye toujours de mettre une double lecture dans ce que je fais. Ce que je veux faire c’est pouvoir faire sourire, voir faire rire les gens qui m’écoutent, mais quand tu réfléchis le concept de ‘X Vision’ c’est quelque chose de très sérieux. C’est un état d’esprit, c’est essayer de voir derrière ce que l’on nous propose, de voir derrière les apparences, de ne pas rester à la surface. Mais je le dis de manière décalée parce que j’ai envie que les gens puissent se marrer et écouter ça de façon légère. Après j’aime aussi troller, comme lorsque j’ai fait les 12 Coups de Midi, je m’en fiche, c’est juste pour la blague. Mais il n’y a pas que ça. Je trouve que les artistes, et surtout les rappeurs, se prennent trop aux sérieux et ça me fait chier. Je ne veux pas ressembler à ça.
Pour en venir à ton dernier EP, Pulse 8080, quelle a été ta démarche sur ce projet ?
On a pu découvrir le pulse dans Pulse 4040 qui est sorti en février 2021, cette molécule un peu mythique dont on pourrait croire que c’est une connerie, mais c’est juste une métaphore de la passion, c’est ce qui te motive à tout défoncer. Donc c’était la découverte du Pulse, et Pulse 8080 c’est l’utilisation de la technologie pour diffuser ce Pulse sur Terre. Ce qu’on découvre dans le clip de “Appaloosa” c’est qu’il était là depuis le début, en réalité je n’ai rien inventé. Il était là sous vos yeux. L’EP tourne autour de ça.
Ce que je kiffe c’est le contre pied. Il y a d’ailleurs le clip d’un morceau qui s’appelle “Multicolore” … Comme tous mes derniers clips sont très bossés esthétiquement, là on voulait faire un truc beaucoup plus brut et moins mis en scène. C’est le son le plus introspectif que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui. Le réalisateur, Maxime Quartier, a entendu ce morceau et il m’a dit qu’il avait une super idée. Il me dit : « envoie moi des photos et vidéos de toi quand tu étais petit”. Le son est hyper nostalgique alors Maxime a fait un montage avec tout ça, quelque chose de très brut. Juste après “Appaloosa”, les gens s’attendent à un truc de ouf, avec des costumes, des effets spéciaux. Au final, on a fait un clip sincère, nostalgique où on découvre une nouvelle facette de Jaasper. Une facette que je n’ai pas trop diffusée jusque-là parce que j’avais besoin de roder mon univers avec des sons légers. Histoire de ne pas raconter des conneries tout le temps.
As-tu peur de lasser ton public en adoptant le second degré en permanence ?
Forcément quand tu fais la même chose tout le temps, tu finis par lasser et puis tu finis par te lasser. Tu peux t’enfermer dans un personnage. Donc j’essaye de ne jamais être à 100% dans le gag, ou 100% dans le sérieux, comme j’ai pu être avant. C’est important pour moi de jongler entre ces différents trucs, pour créer vraiment un univers complet et nuancé. C’est plus complexe que ça. (rires)
Merci à Alison Moritz pour avoir organisé cet entretien
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