J Hus, prochain héritier de la couronne britannique
En 2020, J Hus revient avec son deuxième album, Big Conspiracy, qui confirme un talent éclatant dans la lignée de Common Sense sorti en 2017. Portrait d’un artiste qui tient la dragée haute à tous ceux de sa catégorie.
Des débuts fracassants
De son vrai nom Momodou Lamin Jallow, J Hus est connu de ses fans et de la scène UK sous de nombreux surnoms (Bouff Daddy, Juju J, Fisherman…) la liste est plutôt longue. À tout juste 23 ans, notre homme est la nouvelle coqueluche du Rap UK, avec seulement deux albums au compteur.
En 2017, il est nommé pour le Mercury Prize (prix qui récompense le meilleur album britannique chaque année) pour son album Common Sense. Il se mesure déjà à des adversaires de taille, dont Loyle Carner pour Yesterday’s Gone, Stormzy avec Gang Signs & Prayer et Sampha pour Process. Finalement, la mise reviendra à Sampha, mais cette nomination fut prometteuse pour notre poulain.
Roulement de tambour en 2020… une semaine après sa sortie officielle, Big Conspiracy est catapulté numéro 1 des ventes en Grande-Bretagne, là, où quelques années auparavant, Common Sense avait été propulsé à la sixième position en une semaine. C’est donc une nette ascension, qui symbolise un tournant dans la carrière de J Hus.
Le rappeur passe son enfance dans la banlieue Est de Londres, où sa mère l’élève, après avoir quitté la Gambie. A 11 ans, malgré son intérêt pour la littérature et le théâtre, il est victime de décrochage scolaire.
A l’époque, son rêve est de fouler les plateaux de cinéma, avec pour seul référentiel Will Smith dans Le Prince de Bel Air. Mais l’idée d’une carrière musicale fait son chemin. En proie au mal du pays, sa mère fréquente les soirées de quartier, dans lesquelles des communautés de femmes renouent avec la musique africaine. Une période importante qui aura des répercussions sur l’orientation musicale du jeune artiste. De jour, Momodou écoute de la grime avec ses copains, dont JAE5, qui deviendra son meilleur ami et producteur exécutif.
Un talent judiciarisé
Outre la musique, J Hus a une réputation de quartier qui lui précède. Car avant de flirter avec un semblant de notoriété, il a été impliqué dans des règlements de compte et porté responsable de plusieurs cas de violence en bandes organisées à Londres et Peterborough où il a grandi. Au total, entre 2011 et 2016, J Hus cumule alors 6 condamnations pour une dizaine d’infractions.
En 2015, il est lui-même victime d’une tentative d’homicide au couteau et en 2018, il sera incarcéré pour détention d’arme blanche. Un passage à vide qui n’est pas sans compromettre ses projets musicaux, car il passera près de 8 mois entre les barreaux. Ce coup de frein sévère porté à sa carrière n’empêche pas la juge Sandy Canavan, qui prononça sa peine, de parler de J Hus en ces termes : « He is a role model for many ».
Loin d’être un pur produit de la délinquance, J Hus a aussi été victime de discriminations raciales policières, comme bon nombre d’artistes de la scène Drill. Un genre musical qui inspire de la défiance et du mépris chez les autorités policières. Mais pour autant, et après ce bref passage à vide, J Hus sortit de prison avec la volonté d’en découdre avec les injustices et stéréotypes de classe. La musique devient une catharsis.
Fan de 50 Cent
Ado, J Hus écoute Outkast, R.Kelly, Michael Jackson, mais nourrit une passion sans égale pour 50 Cent et tombe amoureux transi de l’album Get Rich Or Die Tryin’ sorti en 2003. A l’occasion des 15 ans de l’album, célébrés en 2018, il réalisa une cover du titre « 21 Questions » pour BBC 1. 50 Cent est une source d’inspiration et permet aussi à J Hus de faire communier des influences américaines avec son orientation British.
Sur sa première mixtape The 15th Day en 2015, J Hus donnait déjà un aperçu de son style, flottant entre afroswing, drill et dance-hall. Des influences qui se retrouvent incarnées sur le titre « Forget A Hater » (feat. NSG) sur cette même mixtape.
Pères et frères spirituels
En 2014, au commencement de sa carrière, certains MCs le comparent déjà à Stormzy. Les deux comparses se rapprochent et Stormzy devient coutumier des dédicaces en faveur du jeune Momodou, comme dans son freestyle « 4pm in London » où il fait référence au titre « Friendly » de J Hus.
Quelques années plus tard, J Hus est invité sur le titre « Bad boys » qui figure sur l’album Gang Signs and Prayer (2017), en featuring avec Ghetts. Puis plus récemment, il collabora de nouveau avec Stormzy sur le titre « Handsome », présent sur l’album Heavy Is The Head, sorti en décembre 2019.
Le talent de J Hus est aussi reconnu et certifié par d’autres artistes internationaux. A l’image de la star canadienne Drake, qui l’invita sur scène lors d’une tournée à Londres. A cette occasion, le jeune MC interpréta son titre « Did You See » dans une O2 Arena pleine à craquer.
Enfin, Bouff Daddy a aussi ses frères d’armes. C’est le cas notamment du rappeur britannique, Dave, avec lequel il a collaboré sur le titre « Samantha ». Un morceau sorti en 2017 et qui avait déjà été très chaudement salué par la critique. Suite à ce featuring, les médias avaient fait couler beaucoup d’encre quant au potentiel énorme de ces deux rappeurs.
Vieux de la vieille, MoStack est aussi un grand ami de Momodou. Ils se retrouvent à 100% sur un créneau, à mi-chemin entre grime et afrobeats. Tous les deux sont déjà à la tête de plusieurs pépites, à l’image du titre « Liar Liar » ou le moins agressif « Fisherman ».
Deux projets remarquables
C’est lors de la sortie de son premier album, Common Sense en 2017 que J Hus s’impose définitivement comme une figure de la diaspora africaine. Dans son ensemble, le projet est une parfaite allégorie du métissage culturelle, où cohabitent du créole, de l’argot typique de l’Est de Londres (le cockney) et enfin du pidgin english, langue très populaire en Afrique de l’Ouest, chérie par des artistes rap britanniques, comme Stefflon Don ou encore Kojo Funds. Sur ce même projet, il glorifie son style de vie et se dépeint comme une tête brûlée des quartiers sensibles.
A contrario, dans deuxième album, Big Conspiracy, J Hus semble s’être assagit, voire même plus affirmé, comme l’en atteste ces quelques paroles, extraites du titre « Big Conspiracy » : « Look deep in your soul if you’re lookin’ for guidance » ou encore ces nombreuses références au karma.
Entre méditation et introspection, l’artiste bringuebale son public d’une galaxie à l’autre, dans une harmonie musicale déconcertante. Du piano, comme sur le titre « Deeper Than Rap » aux percussions sur « Fortune Teller », les univers musicaux sont éclectiques.
Le style, quant à lui, ne varie pas d’un iota, puisque l’artiste navigue toujours entre R&B, dancehall et grime, sans aucune discontinuité. Mais le projet est teinté d’une forme de sobriété, comme s’il attestait d’une vraie maturité.
Plus africanisé, le projet l’est surtout par la présence d’artistes vacillants entre afrofusion et reggae. C’est le cas notamment sur le titre « Play Play » en featuring avec le compositeur et chanteur nigérian Burna Boy ou encore la collaboration avec la jeune Koffee sur « Repeat ». Dans les deux cas, J Hus convole avec des artistes solaires, au zénith de leur carrière, notamment lorsque l’on sait que Koffee a été sacrée grande gagnante du Grammy du meilleur album reggae (2020).
Pas encore mégastar, J Hus pourrait être propulsé à la tête du royaume UK grime dès demain, volant la couronne à Stormzy ou à d’autres confrères. Avec seulement deux projets à son actif, sa maturité et son éclectisme pourraient bien changer la donne et bousculer une scène actuellement en recomposition. Alors un conseil, gardez un œil sur ce talent, qui est loin d’avoir dit son dernier mot.