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J. Cole – KOD

Comment attaquer cette chronique ? Peut-être en rappelant à qui l’aurait oublié que J. Cole est l’un des tous meilleurs rappeurs de sa génération. Un rappeur dont on a finalement peu entendu parler ces derniers temps, suite à son LP 4 Your Eyez Only. Le boss de Dreamville Records avait donc beaucoup de choses à nous raconter. Faites donc place à KOD, son cinquième album.

Kids On Drugs

2014 Forest Hills Drive était sorti avec pour seule promo un trailer donnant un aperçu du processus de création d’un album aujourd’hui considéré comme son plus bel effort. Deux années plus tard, 4 Your Eyez Only sortait suite à la diffusion quelques jours plus tôt du très immersif documentaire Eyez. Succès une nouvelle fois au rendez-vous, il fut magnifié par la sortie l’année dernière d’un autre documentaire : 4 Your Eyez Only – A Dreamville Film, qui donnait la parole aux populations Afro-Américaines du sud des Etats-Unis.
Puis, ce mardi 17 avril 2018, par un simple post Twitter, le natif de Francfort annonce la sortie imminente de KOD, son album numéro cinq et déchaîne par la même occasion la toile. Parce que personne ne l’a vu venir.

Enregistré pendant deux semaines, ayant des accointances marquées avec ses prédécesseurs, cet album tend à ancrer encore un peu plus le « style » J. Cole. Peu de titres (douze), pas de featurings (KiLL Edward est un alias du rappeur), une production autarcique, une absence totale de promo, et une intégrité artistique préservée.
Quelques semaines, c’est le temps qu’il nous a fallu pour poser un avis sur cet album. Car des choses à dire, sur KOD, son auteur, et même sur « ATM », superbe clip sorti en même temps que le disque, il y en a.

King OverDosed

KOD a plusieurs significations. King OverDosed, Kids On Drugs et Kill Our Demons. En y regardant de plus près, on observe que la pochette (oeuvre de Sixmau) offre une remarquable grille de lecture des thèmes majeurs de ce disque. On y retrouve un J. Cole peint en roi déboussolé, entouré d’enfants sous l’emprise de substances prohibées, eux-mêmes suivis de près par une entité destructrice qui semble vouloir les plonger dans les abysses de ce monde. On commence à en avoir l’habitude avec le bonhomme, mais une nouvelle fois, la gaieté ne sera pas de mise.

« This album is in no way intended to glorify addiction »

Néanmoins, celui qui a fait ses armes à Fayeteville (en Caroline du Nord) reste un maître incontesté du storytelling. Cette faculté à faire plonger ses auditeurs dans sa musique est distillée à travers les douze morceaux qui composent cet album. Sur « KOD », titre éponyme, il revient sur quelques moments de sa jeunesse marqués par l’art de la pression de ses pairs, notamment lorsqu’il fut confronté pour la première fois à la tentation de la drogue. « Photograph » propose quant à lui une réflexion sur le devenir des histoires amoureuses à l’ère du digital et des réseaux sociaux.

« ATM » (pour Addicted To Money) et « Motiv8 » sont deux morceaux qui nous offrent deux points de vue différents, avec un même thème central : l’argent. Le rappeur met d’abord en abîme son rapport à la richesse dans le premier nommé, sans oublier de mesurer l’impact que son statut peut avoir sur sa communauté. Le clip montrant un Jermaine couronné sur un trône, suivi de près par des kids drogués en quête d’argent facile est à cet égard criant. Le second nommé, lui, qui sample « Get Money » de Junior M.A.F.I.A, voit J. Cole tenter de décrypter ces raisons, bonnes ou mauvaises, qui montrent à quel point l’appât du gain est une des caractéristiques les plus communes chez l’homme d’aujourd’hui .

En 2017, l’acteur et humoriste Kevin Hart avait admis avoir eu une relation adultérine. Mis en avant dans le clip accompagnant le morceau « Kevin’s Heart », le natif de Philadelphie y reçoit les désagréables jugements du public et finit par faire son mea culpa. J. Cole, sans s’épargner, disserte ici sur le pouvoir que la luxure peut avoir sur les individus.


« The Cut Off » et l’interlude « Once An Addict » marquent deux des moments les plus forts de l’album. Deux des moments les plus durs aussi. Le mystère entourant le featuring KiLL Edward est ici levé. Edward était en fait le beau-père du petit Jermaine Cole. Il a quitté sa mère Kay en 2003, qui a souffert de troubles liés à l’alcool. Revanchard, marqué par ce passé douloureux, le rappeur avoue avoir cherché des réponses que sa foi finira par lui donner. Parce qu’on dit que la vengeance est la mission qui revient au Seigneur.

Kill Our Demons

Un tel projet est forcément à part en 2018. À l’ère du streaming, des réseaux sociaux, et de la promo à outrance, J. Cole cartonne et, armé de la très discutable labellisation « rappeur conscient », il semble s’imposer comme la parfaite antithèse d’un Drake omniprésent dans la sphère médiatique.
Pour faire simple, ce KOD est une nouvelle fois ultra abouti. Au micro, Jermaine démontre qu’il reste malgré sa posture parfaitement conscient des évolutions du rap jeu. On a un bel aperçu dans l’outro « Window Pain », ou encore sur « Motiv8 ». La production est, quant à elle, une nouvelle fois au niveau. Pas grandiloquente pour un sou, on remarque une presque absence de beats jazzy (hormis le très confidentiel « Brackets ») et de rythmiques soulful, pour faire la part belle à des grooves plus contemporains (« Kevin’s Heart »), même si toujours intimistes (« 1985 »).
Mais on reste tout de même loin de la galaxie des Metro Boomin, Mike Will Made-It, etc. Après écoute de cet album, on peut affirmer que les fans resteront fans, et que les détracteurs (nouveaux comme anciens) resteront détracteurs. Parce que, soyons honnêtes, si le principal intéressé doit en avoir cure, ce n’est pas avec ce genre de projets que J. Cole va étendre sa fanbase. KOD s’impose déjà comme une des sorties les plus consistantes de cette première partie d’année 2018, et là est l’essentiel.

J. Cole – KOD

Basqui

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