Zamdane : « Le rap, c’est un virus que tu chopes dans la rue »
Inconnu il y a encore un an, le phénomène Zamdane n’est pas passé inaperçu de ceux qui suivent de près l’actu de ces derniers mois. Nous avons donc voulu en savoir plus sur ce jeune rappeur d’origine marocaine qui semble bien déterminé à écrire son blaze en lettre d’or dans le grand livre du rap français.
Pour parler de Zamdane et découvrir son univers, difficile de ne pas évoquer tout d’abord ses origines, tant elles font partie intégrante de son travail, comme en témoignent ses derniers clips tournés dans la région de Marrakech : « J’ai passé 17 ans de ma vie au Maroc. Je suis arrivé en France en juillet 2015, en septembre j’ai eu 18 piges. J’ai grandi à Bab Doukkala un quartier près de la place Jemaa el fna à Marrakech, c’est un souk ».
Pour autant, Zamdane n’est pas à ce moment-là réellement un mordu de musique: « J’écoutais que les gros titres cainri et français. Des gars comme Booba et Lacrim sont ceux qui s’écoutent beaucoup au bled. J’écoutais également les gros noms du rap marocain comme H-Kayn et Don Bigg, tout ce qui tournait partout à ce moment-là. Mais je n’ai jamais vraiment apporté une importance particulière à cette musique ».
Je me suis pris le truc direct et depuis je n’ai jamais décroché
L’examen du Bac raté, le destin pousse alors Zamdane à débarquer en France pour ses études : « J’ai foiré mon bac, aucun lycée de Marrakech ne voulait me prendre tellement j’avais foutu le zbel partout et j’ai eu une réponse positive d’un établissement à Istres, donc je suis parti pour le sud de la France direct ». C’est à ce moment-là qu’il sera contaminé par le virus de la musique : « Je suis arrivé au cours Julien à la fac puisque j’étais inscrit à la Cannebière en éco juste en bas. Mon premier contact réel avec le rap se passe à Istres, avec mon meilleur pote Bliss, qui est aujourd’hui mon backeur et qui a été le premier gars qui a rappé un seize devant moi. Je me suis pris le truc direct et depuis je n’ai jamais décroché ».
C’est le début d’une longue histoire d’amour entre le jeune Zamdane et le rap. Une aventure qu’il poursuivra à Marseille : « Arrivé à Marseille, je rencontre tous les petits qui comme moi se rassemblent le soir autour d’une enceinte et de trois teilles d’alcool. Le rap, c’est un virus que tu chopes dans la rue. En deux ans j’ai trop zoné d’heures pour rapper : dans les skateparks et tous les open mics de la région pendant des mois. Tout ce qu’on pouvait faire, on l’a fait ».
Logiquement, le MC finit par ressentir le besoin de se professionnaliser, de passer un cap : « J’ai sorti un clip parce qu’il fallait en sortir un. On ne fait pas tout ça pour rien, il fallait un moment concrétiser le truc. J’ai encore des potes qui rappent dehors comme au début. De mon côté je ne voulais absolument pas tomber dans cette situation. C’est un choix de vie, faut assurer ses arrières, si tu as un truc il faut l’exploiter fond. A ce moment-là, personne ne m’encadre, je suis tout seul. Mon premier clip c’est Bliss qui le réalise ».
J’ai attendu d’y être toute mon enfance donc maintenant que j’y suis, je rap en français !
Le rap marocain est en pleine explosion c’est un fait. Nous vous présentions déjà il y a quelques temps les artistes à suivre du côté du Maroc. A la question de savoir pourquoi il a fait le choix de ne rapper qu’en français alors même qu’il est bilingue, Zamdane répond du tac au tac : « J’ai choisi de rapper en français parce que c’est ce qui m’a giflé. Je commence à peine à m’envoyer sur des couplets en arabe, mais c’est un travail différent. Maintenant je n’ai plus le même recul, je fais du son, c’est ok si je dois placer 4 mesures en arabes mais ça reste différent, ce ne sont pas les mêmes codes, je fais du rap en français car c’est ce qui me plait, j’aime la langue, je considère cela comme une chance d’être en France. J’ai attendu d’y être toute mon enfance donc maintenant que j’y suis, je rap en français je kiffe ça ! J’ai beaucoup de choses à dire en français donc on verra pour la suite en arabe. Je n’ai pas envie de surfer sur une vague juste parce que c’est son heure ».
Son travail est logiquement suivi avec attention des deux côtés de la Méditerranée puisque le MC a gardé des liens étroits avec son pays natal : « Du point de vue des gens qui ont grandi avec moi, qui me connaissent je suis un rebeu qui rappe en français et ils trouvent ça chanmé de me voir maîtriser la langue française ainsi. Ils voient ça comme un réel travail car lors de mon arrivée en France, je n’avais pas le même lexique, pas le même accent, quand tu écoutes mes premiers morceaux tu retrouves des défauts de prononciation, un accent etc… J’ai fait un énorme travail sur moi-même, je me suis exercé. Les gens de mon quartier, ils ne comprennent pas un mot de ce que je dis mais ils valident car c’est sur YouTube. J’ai en général beaucoup de soutiens du pays ».
Zamdane, enfant du Maroc, est aujourd’hui très attentif à ce qui se fait dans le royaume chérifien. Il s’est donc mué en auditeur avisé de la scène marocaine et avoue écouter tous les artistes locaux : « J’écoute toute la nouvelle génération, Shayfeen, Madd, Toto, je me prends tout le monde. Ce sont tous des bosseurs, ils ont une vibe de fou. Ce qu’ils font c’est très fort, ça ira loin, ils vont finir aux USA ».
Le Maroc, il y reste d’ailleurs extrêmement attaché et justifie le choix d’y clipper tous les morceaux de son dernier projet : « C’est important d’identifier le personnage, de savoir qui je suis et d’où je viens. Le but des « Affamés » c’était de revenir en mode authentique et il n’y a pas plus authentique que de tourner chez moi. Tous les endroits où j’ai tourné, les choses se sont bien passées, sans autorisation, nickel ».
Ses influences, Zamdane les puisent également parmi les rappeurs hexagonaux : « Je n’ai pas de rappeur français qui m’influence aujourd’hui. J’ai des modèles de travail, Booba, SCH, je kiffe le dernier album de Lomepal ou celui de Josman. Des styles très différents car la scène française est très cosmopolite. Je me prends toutes les personnes qui fournissent un travail sérieux ».
Il se dit également très attentif au travail des beatmakers et les voit comme des sources d’inspiration : « Les gars qui me donnent envie de bosser avec c’est Swagga Guru, Junior à la prod, Motif… Je les suis sur Instagram, j’adore leur travail, leur énergie. Ce sont des gens qui sont là pour faire le meilleur son possible dans les meilleures conditions possibles, moi perso j’adore ça. Avec Eazy Dew, ce sont pour moi les plus talentueux du moment et ils communiquent leur passion ».
Je ne ressens pas particulièrement le besoin de vivre à Paris, je monte pour y faire des journées de promo et ça s’arrête là
Zamdane semble bien à Marseille et ne ressent pas le besoin de venir s’installer à Paris : « Ce qui m’a dégoûté de Paris, c’est l’expérience que j’en ai eu il y a un an quand j’ai décidé de tout laisser tomber pour venir y vivre pendant un mois. Ce mois-là m’a dégoûté, j’étais à Ivry loin de tout. J’adore Paris, à chaque fois que j’y joue je reçois au moins autant d’amour qu’à Marseille. Quand je viens ici, je fais le plein, mais j’aime ensuite rentrer chez moi et bosser à fond. J’ai mon beatmaker qui habite à cinq kilomètres de chez moi donc ça m’arrange de fou. Je ne ressens pas particulièrement le besoin de vivre à Paris, je monte pour y faire des journées de promo et ça s’arrête là ».
Quant à la scène et le plaisir qui en découle, Zamdane n’a découvert que récemment les frissons associés aux prestations scéniques : « Je n’ai pas énormément vu de concerts de rap mais je captais que les rappeurs évoquaient souvent la scène. Ma première scène c’était à la Bellevilloise lors d’un plateau d’artistes et c’était sold out ! Je me suis pris une vraie gifle. L’énergie du public, c’est un réel plaisir que je retrouve à chaque fois ».
Son goût de la scène, il a eu l’occasion de le partager avec son public lors du dernier MaMa Festival réunissant les professionnels du métier à Paris: « On est venu pour se faire connaître à de nombreux professionnels et au final on a joué également devant un public large, on a reçu une super énergie, des gens étaient venus juste pour nous voir. Les retours des professionnels ont été très bons, ça nous a débloqué de nombreuses dates comme le Printemps de Bourges, des premières parties de pas mal d’artistes… Une date à mon nom sera d’ailleurs annoncée prochainement ».
Celui qui se voyait offert la chance de faire son plateau pour un Grünt spécial Marseille est dorénavant attendu au tournant pour son prochain projet qui, on l’espère, permettra de révéler un peu plus encore l’étendu du talent du jeune rappeur. Sur ce dernier point, l’artiste semble catégorique : « Mon prochain projet sera beaucoup plus abouti et élaboré ». A suivre de près donc.