The Doppelgangaz : un duo d’affreux jojos

The Doppelgangaz : un duo d’affreux jojos

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Quelques heures avant que The Doppelgangaz ne retournent le Gibus Café à Paris, nous avons rencontré Matter Ov Fact et E.P, les deux membres du Ghastly Duo. Entre autres choses, les excentriques rappeurs/producteurs nous ont parlé de leur ville natale, de la réception du public à leurs concerts, de leur processus créatif, de leur style si particulier, des liens qu’ils entretiennent avec leurs fans et les autres artistes, et de la raison pour laquelle ils portent des capes. L’occasion de s’en payer une bonne tranche et d’avoir une conversation décomplexée avec l’un des groupes les plus drôles et prolifiques de la nouvelle génération Hip-Hop.

The BackPackerz : Vous êtes en tournée pour votre Ghastly European Tour. La nuit dernière vous aviez une date à Sofia, ce soir vous jouez à Paris, et demain vous partez pour Berlin. Vos concerts sont-ils perçus différemment en Europe et aux Etats-Unis ?

Matter Ov Fact : Les gens qui se pointent à nos concerts sont toujours chauds, ils sautent partout. Il n’y a pas de grande différence entre chaque scène, mais disons que chaque ville a sa façon d’être. À New York, les gens sont assez posés. Ailleurs, ils ont tendance à être un peu surexcités. Mais dans l’ensemble, quand nos fans se ramènent, c’est pour faire la fête. Partout où nous jouons, tout le monde transpire et passe un bon moment.

TBPZ : Vous êtes d’Orange County, une ville située à une heure de New York City. Pensez-vous qu’être à la fois proches et éloignés de la grosse pomme a influencé votre musique et vous a aidé à créer votre propre style ?

Matter Ov Fact : C’est clair ! Chez nous, il faut trouver de quoi s’amuser. Il n’y a pas grand chose à faire, pas beaucoup d’action dans le coin. Alors nous restions ensemble à faire des blagues, à imaginer notre propre façon de penser. Si nous avions vécu ailleurs, notre musique ne sonnerait pas pareil.

TBPZ : Vos productions sont en général sombres et mélancoliques, mais aussi très entêtantes, très groovy. De la même manière, vos paroles sont à la fois glauques et drôles, avec beaucoup d’autodérision. Comment équilibrez-vous les zones d’ombre et de lumière dans votre quotidien ?

E.P : C’est ce que nous sommes ! Personne n’est tout le temps pareil. Nous avons nos moments tristes, nos moments heureux, ça nous représente. La description que tu viens de faire est assez concise, c’est tout nous ! Nous ne nous forçons pas à être de telle ou telle manière, ça vient comme ça vient.

Matter Ov Fact (En montrant E.P) : Un jour je l’appelle genre « Non, non, ça va pas ! », le jour suivant je suis à fond, genre « Yo, ça roule ma biche, je me sens au top aujourd’hui, on va bosser sur l’album ! » Il s’agit de périodes différentes.

TBPZ : Il n’y a que très peu de featurings sur vos albums. En dehors de vos propres projets, vous n’avez travaillé qu’avec Apathy, Marco Polo et Lil B. Pourquoi ça ?

Matter Ov Fact : Personne ne nous aime, on doit être moches ! (Rires) Nous faisons notre propre truc, et nous n’avons simplement pas croisé le chemin d’autre artistes. Nous n’avons rien contre les featurings et les collaborations. Puisque tout s’est fait de manière naturelle, nous avons toujours fait de la musique à deux. Nous n’avons pas beaucoup d’amis qui rappent. (En montrant E.P) C’est mon seul ami, je ne connais personne d’autre. (En montrant leur complice Big Josh) Ce gars-là, je ne le connais pas, nous l’avons trouvé à l’aéroport ! (Rires)

TBPZ : J’espère que vous allez quand même vous entendre !

Matter Ov Fact : Ça va, il a l’air sympa !

TBPZ : Vous faîtes partie d’une nouvelle génération d’artistes très polyvalents, capables de faire absolument tout, de la production au rap. Vous montez vos propres vidéos et vendez vos propres produits dérivés. Comment arrivez-vous à tout faire ? Qui fait quoi ? Où avez-vous appris tout ça ?

Matter Ov Fact : Nous faisons tout ensemble ! Nous avons commencé à deux. Vers chez nous, l’industrie musicale est plutôt limitée. Nous travaillions dans notre sous-sol, nous faisions tout nous-même, et il s’est avéré que nous aimions ce côté pratique. Certains artistes préfèrent laisser ça à d’autres, nous sommes des gens de terrain. Et de toute façon, c’est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.

E.P (En montrant Matter Ov Fact) : Il a un diplôme en graphisme, nous savons faire deux ou trois trucs. J’ai pris quelques cours, comme du montage vidéo. Mais à la base nous ne sommes pas des ingénieurs du son, nous avons du apprendre. Il faut lire des livres, étudier comment font les autres, regarder des interviews sur YouTube…

TBPZ : Vous avez réussi à construire une solide base de fans, notamment grâce aux réseaux sociaux. Aviez-vous une véritable stratégie, ou est-ce juste votre manière naturelle de communiquer avec vos fans ?

Matter Ov Fact : Nous n’y réfléchissons pas vraiment. Certains se concentrent sur comment il faut communiquer auprès des fans, je pense qu’il s’agit surtout de la manière dont tu souhaites t’adresser à eux. Si tu suis toujours le même modèle, c’est trop automatique, il n’y a plus rien de personnel.

E.P (En prenant une voix de robot) : « Aujourd’hui, faisons un post sur le nouveau produit ! » Il s’agit plutôt de dialoguer et de s’amuser avec nos fans. Certains nous envoient des grimaces, nous montrent leurs taches de naissance, leurs tatouages, ça devient parfois un peu glauque ! (Rires)

Matter Ov Fact : En fait nous payons pour tous nos followers, tous nos likes, toutes nos vues. (Rires)

TBPZ : Pourquoi les capes, à part pour vous moucher dedans, dans la vidéo de KnowntchooTahLie ?

Matter Ov Fact : C’est surtout pour se moucher ! (Rires) En général, nous portons des fringues de clodos, alors quand nous enfilons les capes, nous nous sentons stylés. Dans beaucoup de vidéos, je suis juste en caleçon ! (Rires) J’ai la flemme de m’habiller, alors je  mets ma cape et c’est bon !

TBPZ : Est-ce qu’on risque de te voir à poil sur scène ce soir ?

Matter Ov Fact : Il y a des chances ! (Rires) Si je monte sur scène à poil, le Guiness Book risque de se déplacer. J’ai un micro-pénis, et en plus il fait froid dehors. Tous les autres types vont se sentir hyper viriles. (Rires)

TBPZ : C’est agréable de constater que vous avez le même humour dans la vraie vie. Vous sortez beaucoup de nouveaux projets à un rythme impressionnant. Quels sont les projets à venir, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

E.P : En ce moment nous travaillons sur notre nouvel album. Nous avons beaucoup de morceaux, presque un album complet. Il y a pas mal de choses à venir, autant au niveau instrumental que rappé. Ça risque d’être une année chargée.

TBPZ : J’espère pour vous ! Si vous deviez produire tout un album pour quelqu’un d’autre, ce serait qui ?

Matter Ov Fact : Les plus gros rappeurs, parce qu’ils ont plus de budget ! Même pas besoin d’écouter ce qu’ils font. (Rires) Personne ne me vient à l’esprit, le tout c’est d’être sur la même longueur d’ondes. Tu peux apprécier un artiste sans pour autant être capable de travailler avec lui. Il y a tout un tas de facteurs à prendre en compte. Avec un peu de chance, ça finira par arriver. Il faut toujours accueillir les opportunités !