La bière, les frites, l’humour… On peut dire que les Belges excellent dans plusieurs domaines, et le hip-hop ne déroge pas à la règle. Fort d’un succès grandissant ces dernières années, la scène rap belge explose dans l’Hexagone, avec notamment Roméo Elvis. Proche du label L’Or Du Commun, cela fait déjà quelques temps que le rappeur belge enchaîne les succès avec notamment le tube « Bruxelles arrive » en compagnie de Caballero, et son très réussi double-EP Morale et Morale 2. Actuellement en tournée, Roméo Elvis a fait une rapide halte au Printemps de Bourges pour faire l’ouverture de la soirée hip hop. Malgré le difficile exercice d’ouverture d’une soirée composée de Deen Burbigo, Demi Portion, TSR Crew ou encore Kerry James, le Bruxellois s’est montré bouillant et a su conquérir dès les premières mesures un public littéralement déchaîné. Rencontre avec une personnalité atypique.
The BackPackerz : Avant d’attaquer les questions « sérieuses », quelque chose nous taraude… Tous ces crocodiles que l’on trouve dans ton univers graphique, c’est en référence à quoi ? A la marque Lacoste ? Aux larmes de crocodile ? Peux-tu nous éclairer ?
Roméo Elvis : Il y a effectivement un délire avec le crocodile ! A l’origine, c’est né d’un presse-papier en caïman que mon grand-père m’a offert quand j’étais tout petit. Je me suis ensuite vite passionné pour cet animal car je le trouve intéressant : il a toujours existé et a su s’adapter depuis l’ère jurassique. Bref, il est balèze et j’aime bien les animaux, la nature plus globalement.
Merci pour cet éclaircissement. Plus sérieusement, on commence à te voir un peu partout depuis quelques temps, tu es clairement en train de passer un cap. Ça fait quoi de se voir percer quand on a passé six ans à la caisse d’un Carrefour ?
En plus de ça, c’est pas ma première année de scène, donc c’est vraiment cool de voir que ça commence à prendre depuis le temps. [Deen Burbigo rentre dans la loge] Pour justement te donner un exemple concret, j’ai commencé le rap en 2013 en écoutant Deen Burbigo, L’Entourage et compagnie… Aujourd’hui, nos loges sont côte à côte et on est potes. Ça peut paraître symbolique comme ça, mais je suis hyper content que cela prenne enfin car, même si je suis encore un rookie dans cette histoire, ça fait quatre ans que je travaille la scène et j’en ai parfois bavé.
D’ailleurs, on a lu quelque part que tu avais foiré ta première scène…
Ma toute première scène en open mic… un foirage complet ! Heureusement, il y avait l’ingé son de Damso qui était là et m’a poussé à continuer… Il voyait bien que je me chiais, mais il se disait que je pouvais encore sortir un bon truc. D’ailleurs, mon premier contact avec le rap, c’est avec lui.
Apparemment, tu as toujours baigné dans des univers artistiques. Si tu n’avais pas fait carrière dans le rap, est-ce que tu aurais de toute façon fini dans un autre style musical, à faire de la photo ou autre ?
Oui, c’est sûr que j’étais prédestiné à m’intéresser au domaine artistique au sens large du terme, avec mes parents dans la musique et le spectacle. J’ai d’ailleurs fait des études d’Art. Ce qui m’intéresse avant tout c’est la scène, et je suis fasciné par le rap, par le monde du rap mais tout autant fasciné par le pop-rock français et la variété. Si j’avais grandi dans un autre milieu ou une autre école, que j’avais rencontré d’autres personnes, c’est clair que j’aurais sûrement fait autre chose.
Tu es polyvalent, tu joues plusieurs instruments (piano, guitare) et même dans le rap tu t’essaies au chant, à la trap… c’est quoi la prochaine étape ? Un album en Auto-Tune ?
L’Auto-Tune, ce n’est pas pour tout de suite… j’ai essayé l’autre jour et on s’est rendu compte que ça ne m’allait vraiment pas. Dans ma manière d’interpréter, c’est déjà trop travaillé dans le chant pour être modifié en plus. Cela aide certaines personnes, cela en sublime d’autres mais moi, c’est pas mon truc. Mais avant « Tu vas glisser » par exemple, je n’avais jamais fait de trap et le public l’a bien accueilli, donc je vais continuer d’explorer.
On aimerait revenir sur l’histoire du crocodile car on a été voir ton merchandising et, honnêtement, on le trouve vraiment stylé. Comme tu parlais de tes études d’Art juste avant, on voulait savoir si c’était toi qui donnait des coups de crayon ou si tu dirigeais de loin la DA ?
J’ai clairement une vision sur la DA et oui je donne des coups de crayon : je pré-dessine un croquis et c’est ensuite re-dessiné par mon designer. A la base, j’ai du mal avec le merchandising car je trouve que cela devient très vite produit dérivé, très…
…ringard ?
Exactement. Tu as juste le nom de l’artiste sur un T-shirt et voilà. Alors que là, on pense avoir atteint l’objectif dans le sens où des gens qui aiment la sape nous achète des sweats sans même se demander qui on est… Je te jure, vraiment, il y a des gens qui achètent notre textile sans connaître notre musique, et ça qu’est cool.
Revenons à la musique : quelles sont tes inspirations musicales ? Il paraît que MC Solaar est un ami de la famille.
C’est vrai que cela revient souvent en interview car c’est un nom fort, mais c’est vraiment quelqu’un que je connais bien. J’ai son numéro et on s’appelle de temps en temps pour parler de musique, mais on ne s’est plus vu depuis longtemps. Je n’ai pas eu l’occasion de le croiser physiquement depuis que j’ai commencé à vraiment faire du rap. En tout cas, j’ai pas mal de références, mais il est mon influence number one car on l’a toujours écouté à la maison.
Et en rap anglophone, tu écoutes quoi ? Tu as écouté le dernier Kendrick par exemple ?
Yes, je suis en plein dans le dernier Kendrick et je me le prends à 1 000 %. J’ai écouté le dernier Drake également, je me le suis pris à 1 000 %. Je suis quand même assez au fait de ce qu’il se passe, même si je ne suis absolument pas au courant de ce que font des mecs comme Young Thug ou Future. Je suis un grand fan de Tyler, The Creator et j’ai aussi écouté beaucoup Gang Starr, Jamal, Lords of the Underground et des trucs comme ça avant de découvrir le rap français.
Tu rappes en Anglais sur le titre « Switchin ». Est-ce qu’on peut s’attendre à te voir rapper en Anglais sur tout un projet un jour ?
C’est plus un troll en fait car ce n’est pas vraiment de l’anglais, on ne dit rien de compréhensible et c’est l’idée justement. C’est un troll dans le sens où l’on écoute beaucoup de sons ricains sans vraiment comprendre les paroles, donc je voulais rajouter celle-là à la playlist.
Cette autodérision, c’est quelque chose qu’on retrouve souvent chez les Belges mais tu nous fais quand même penser à des artistes français comme Orelsan, Hippocampe Fou, Disiz… Attention question Bac Philo : ne crois-tu pas que l’humour est quelque chose d’inhérent à un certain courant du rap plus qu’un truc belge ?
Mais carrément, j’ai bien plus de références en rap français dans le côté loufoque. Je pense notamment à Fuzati, Gérard Baste, et tout le rap alternatif comme on l’appelle. C’est complètement inhérent comme tu dis. Il y a un phénomène en ce moment mais le rap belge en tant que tel n’existe pas car ce n’est pas vraiment un mouvement. On fait tous des choses différentes, c’est plus une provenance. La seule particularité, c’est qu’il n’y a pas de rivalité car on se connaît tous et qu’on se respecte à fond.
On aime aussi beaucoup la manière dont tu mets en avant ton beatmaker Le Motel, ça nous fait penser au duo Chill Bump dans l’approche. Vous allez continuer à faire des projets ensemble ou c’était une étape ?
On va continuer de bosser ensemble le plus longtemps possible car la formation nous plait bien à tous les deux. Ce qui est sûr c’est qu’après Morale 2, je vais prendre du temps avant de sortir un nouveau truc et m’entourer de plus de personnes car j’ai envie de me diversifier davantage.
Tu parles beaucoup des meufs dans tes sons. Aujourd’hui, tu es casé mais on dirait que tu en a pas mal bavé. Est-ce que la musique a été une manière d’exorciser toutes ces histoires ?
C’est clairement une manière d’exorciser, et c’est aussi un des thèmes qui me parle le plus, mais je n’ai pas envie de me faire passer pour une victime. Pour résumer, je me suis pas mal cassé la gueule en amour jusqu’à présent mais c’était des décisions partagées à chaque fois. Aujourd’hui, je suis serein avec ça puisque je suis casé depuis un moment et cela se ressent dans Morale 2. Le côté rupture devrait a priori se tasser, je vais plutôt tendre vers des chansons comme « Drôle de question ».
On a lu sur Instagram qu’il y avait pas mal de clips qui devraient arriver prochainement. Peux-tu nous en dire plus ?
On a clippé la majorité des sons de Morale 2. Les trois quarts sont clippés ou en cours de clippage, c’est tout ce que je peux dire.
Pour terminer cette interview, on te propose de raconter un truc que tu fais ou que tu aimes dans la vie, qui constitue ta personnalité et que le public ne connaît pas…
J’adore regarder les émissions de Michel Drucker, de Laurent Ruquier et de Frédéric Taddeï. Globalement, je suis vraiment fan des émissions de divertissement, de variété avec des artistes de tout horizon.
Les émissions ringardes en fait ?
Oui carrément, bien ringardes !
Alors que son dernier EP Morale 2 est toujours disponible, Roméo Elvis sera sur la scène de la Maroquinerie le 13 mai prochain. Un concert déjà complet, mais pour lequel vous pouvez encore gagner les dernières places.
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