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Reverie : la bombe du rap underground de L.A.

English Version Reverie est une jeune rappeuse américaine originaire de Los Angeles. Digne représentante de la nouvelle scène underground californienne, elle aime rappeler sa mission principale: éduquer les foules avec du ‘real hip-hop’. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de son passage à Paris il y a quelques mois.

Enfant surdouée destinée aux arts, Reverie se fait déjà remarquer à l’âge de 9 ans pour ses talents d’écriture lors de nombreux concours de poésie orale (spoken word). Plus tard, elle découvre le rap underground, omniprésent à LA, et commence à enregistrer à l’âge de 17 ans sur des compositions de son jeune frère, Louden, qui est désormais son beatmaker attitré.

Après plusieurs mixtapes, dont la géniale Transition Mixtape (dont plusieurs extraits sont à retrouver dans la playlist en bas de l’article), Reverie sort son premier album en 2011 Sitting Upside Down puis se lance réellement dans l’aventure indépendante en organisant elle même sa première tournée en Europe. Consciente des enjeux de la production indépendante, elle gère a seulement 23 ans, la distribution de ses disques ainsi que sa propre marque de vêtements sur son site www.reveriepug.com

Découverte par la rédac il y seulement quelques mois via le succès Youtube de son morceau hommage à J Dilla, ‘Give It Time‘, Reverie s’est depuis régulièrement incrustée dans nos playlists (voir la Heavy Rotation 26 – Girlz Edition) ou encore sur notre groupe Facebook Hip-Hop by The BackPackerz.

C’est donc assez logiquement que nous avons contacté Reverie pour une interview lors de son passage au Nouveau Casino fin 2013. C’est après avoir littéralement retourné le club de la rue Oberkampf que la charmante brunette nous a accueilli en backstage pour cette interview. L’occasion d’aborder avec la jeune emcee des sujets qui nous tiennent à coeur comme la place des femmes dans le rap ou l’impact des nouveaux modes de distribution musicale.

TBPZ: Quel fut ton premier contact avec le mouvement Hip-Hop et comment as-tu commencé à rapper ?

Reverie: Depuis mon plus jeune âge j’écoutais déjà beaucoup de rap à la radio et au bout d’un moment, je me suis dit que moi aussi, je voulais essayer de rapper. Ca avait l’air facile, j’avais l’impression que c’était à la portée de n’importe qui donc je m’y suis mise et avec beaucoup d’entrainement j’ai eu la chance de réaliser mon rêve quelques années plus tard en enregistrant mon premier morceau, alors que j’étais au lycée. On avait enregistré ça dans un placard et c’est marrant mais c’est ce que j’ai toujours fait, enregistrer dans un placard (rires). En 2009, alors que je n’avais que 19ans, j’ai enregistré mon premier projet Castle in the Air et maintenant, 5 ans plus tard, je suis en concert à Paris. C’est dingue mec…Ca commence à bien fonctionner !

TBPZ: Peux-tu nous parler un peu de la scène rap underground à Los Angeles. Ça a l’air d’être un mouvement bien en place chez toi ?

Reverie: Oui, c’est trop cool, la scène Hip-Hop underground de LA est en train d’exploser, il y a tellement de choses qui se passent en ce moment. La nouvelle génération est enfin en place, vraiment ! Plus généralement, la musique indé’ est en pleine mutation à LA, le son est en train d’évoluer, les samples sont dingues…tu sais, on adore le beatmaking à LA.

Et c’est vraiment sympa d’être au sein de cette scène parce que les gens ont une vraie volonté de travailler ensemble, ce n’est pas comme dans d’autres villes où les artistes ont peur de partager, de se mélanger à d’autres crews. À LA, on se considère un peu tous du même crew, c’est super comme ambiance.

En plus, la grosse particularité de LA c’est tous les évènements que tu peux y trouver comme ‘The Cypher Effect’. Le show avait lieu il y a deux semaines au Basement A1A. J’y étais avec Gavlyn, Self-Provoked, King Lil G. et mon frère beatmaker Louden. Il devait y avoir 1200 personnes, et ils étaient tous là pour nous voir freestyler, c’était dingue !

Parlons un peu de ton nouvel album Russian Roulette sur lequel tu dépeins des portraits de vies gâchées, un thème qui semble très présent tout au long de l’album. Est-ce volontaire ?

Oui, tu sais, quand j’ai commencé le projet, je n’avais pas spécialement de concept en tête, j’étais juste décidée à faire un nouvel album. On a commencé à enregistrer dans le home studio de mes potes, à l’étage d’un de leurs dispensaires de weed (nldr: welcome to LA !). Après environ un mois, un de mes amis est décédé, il s’est tué en jouant à la roulette russe… J’étais en plein milieu de l’album et j’étais effondrée et hallucinée. Je n’avais encore jamais perdu quelqu’un comme ça. J’ai voulu que mon album s’appelle Russian Roulette à cause de ce drame.

On aime beaucoup ton morceau avec Murs. Il a l’air d’avoir une grosse influence sur la scène rap indé à LA ? Vous vous êtes rencontrés comment ?

Tu sais Murs est en réalité le premier rappeur ‘underground’ que j’ai écouté. J’étais au lycée, je regardais LA Channel et ils passaient le clip du morceau ‘Bad Man‘ de Murs. J’étais vraiment intriguée par ce mec, il avait l’air tellement cool et il était meilleur que n’importe quel rappeur qu’on pouvait entendre à la radio.

D’ailleurs, il y a une anecdote assez marrante entre Murs et moi. Dans le tout premier clip que j’ai sorti, à 18 ans, je portais un T-Shirt de Murs parce que j’étais déjà une énorme fan. Et un jour, je trainais sur MySpace et j’ai vu que Murs venait juste de passer en concert à Seattle (la ville dans laquelle je venais tout juste d’emménager). J’ai laissé un message sur sa page pour lui dire que j’étais dégoutée d’avoir manqué son concert et il m’a répondu qu’il en faisait un autre au même endroit le soir même. Je suis allé au concert et à la fin, j’ai été le voir en mode ‘hey, je suis la fille sur MySpace’. C’est à ce moment qu’il m’a répondu: ‘je te reconnais, j’ai vu ton clip dans lequel tu portes mon T-shirt. Ta musique est géniale !’. On s’est retrouvé à discuter toute la soirée et depuis on est resté potes. On a fait quelques morceaux ensemble et j’étais même en feat sur un de ses albums. Et Murs, reste mon rappeur préféré donc c’est terrible que l’on bosse ensemble.

C’est une question que l’on doit te poser souvent mais comment vis-tu le fait d’être une femme dans le monde de mecs qu’est le rap ?

En fait je trouve ça cool d’être une rappeuse de nos jours. Le game est vraiment en train de changer vis à vis des femmes. On a passé le point de bascule à mon avis. Aujourd’hui, tu ne peux plus dire ‘elle est forte pour une fille’ parce qu’il y a plein de rappeuses qui sont meilleures que des mecs. Et c’est cool de faire partie de ces filles qui assurent au mic avec Gavlyn et toutes ces filles qui sont en train d’exploser en ce moment. Franchement, c’était vraiment différent il y a quelques années. Il y avait toujours des mecs qui pensaient que tu étais le genre à sucer des bites…’mais nan connard, je suis une rappeuse alors va te faire foutre ! Ne me parle pas comme ça’ (elle rit). Heureusement, c’est vraiment différent maintenant.

Ok…mais en même temps pour les gens qui ne suivent pas le rap de très près, la place des femmes dans le rap se résume à Nicky Minaj ou Iggy Azalea. Les choses changent certes parce qu’elles ont du succès mais pas sûr qu’elles donnent une bonne image des rappeuses. Qu’en penses-tu ?

Personnellement, je pense que c’est tout de même positif. Je ne me retrouve pas forcément dans la manière dont ces rappeuses se mettent en scène à la TV mais en même temps elles ont fait tomber les barrières. Dans le rap commercial, Nicky Minaj par exemple elle éclate tous les records de ventes et remplit des stades. Je ne connais pas beaucoup ses chansons mais elle est incontestablement en train de changer les choses. Je souhaite bonne chance à toutes celles qui vont dans ce sens !

Certes mais on a tout de même l’impression que ces nouvelles rappeuses utilisent la bonne vieille recette ‘sexy bitch’ que Lil’Kim avait popularisé il y a une dizaine d’année.

J’ai beaucoup de respect pour Lil’Kim mais j’ai entendu qu’elle n’écrivait pas ses textes alors que Nicky Minaj elle, affirme le faire…c’est déjà une différence majeure. Et pour ce qui y est d’Iggy Azalea, elle en train de tout éclater en ce moment. Je pense que c’est une bonne chose, tout d’abord parce qu’elle est blanche. C’est la première rappeuse blanche à rencontrer le succès. Je respecte ça même si je n’écoute pas vraiment ce qu’elle fait.

En fait, avant j’étais la première à critiquer le rap commercial qu’ils passent à la radio en disant qu’ils tuaient le Hip-Hop. Je faisais encore ça il y a à peine un an. Mais au fond, qui suis-je pour juger ? Le rap est seulement en train d’évoluer. C’est comme le rock, il y a plein de styles différents: du punk, au métal en passant par le hard rock. C’est la même chose dans le rap avec le rap conscient, le trap, le spanish rap etc… Donc je m’en fous, je les laisse faire leur truc. J’essaye de ne pas être trop critique, c’est un défaut selon moi et ça encombre mon esprit.

Que penses-tu de l’impact des nouvelles technologies sur la façon de faire et de diffuser la musique (Soundcloud, Bandcamp et toutes les plateformes de streaming…) ?

Ouais, j’adore passer du temps sur le net, c’est un élément central de ma carrière. Je n’aurais pas les moyens de me payer un panneau publicitaire ou quoi que ce soit pour promouvoir ma musique. Il aurait fallu être produit par quelqu’un qui ait les moyens de mettre des milliers de dollars pour enregistrer en studio etc. mais aujourd’hui j’ai tout juste les moyens de m’installer un petit home studio dans mon placard (rires).

Mais avec internet, tout est plus accessible maintenant. Beaucoup de rappeurs (surtout des anciens qui ne sont plus trop d’actualité) détestent notre génération de rappeurs connectés. Ils disent que tout est trop simple pour nous alors qu’eux galèraient pour se faire un nom dans les 90s.  Moi, je leur réponds toujours qu’ils avaient aussi de la chance à cette époque car aujourd’hui, TOUT LE MONDE RAP ! Vu qu’aujourd’hui il suffit d’avoir quelques centaines de dollars en poche pour enregistrer un morceau, il faut bosser beaucoup pour pouvoir sortir du lot !

Remerciement: Reverie, Rita, Marie et le Nouveau Casino.

Antoine Bosque

Receleur de discographies sur Emule dans les 2000's. Illmatic addict, mais adepte du rap c’était mieux maintenant. Digging in the cloud pour le meilleur et parfois pour le pire.

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