On a eu la chance de rencontrer Planet Asia à la suite de sa prestation très énergique et remarquée lors de l’édition 2015 du Dooinit Festival à Rennes. On est revenu avec lui sur sa carrière, de ses débuts dans le rap à son passage en major, et on a profité pour parler de Durag Dynasty, le groupe qu’il forme avec ses compères Tri-State et Killer Ben. Cette interview vous est proposée sous deux formats : une retranscription écrite ci-dessous et en vidéo à la fin de l’article.
The Backpackerz : Cette question était censée venir plus tard durant l’interview, mais après ton freestyle de ce soir, je voulais parler avec toi de Cali Agents, l’album que t’as fait avec Rasco. Ca a été un gros succès et tu signes peu après sur Interscope. Ce soir, tu as dit durant ton freestyle « I should have stayed in the underground ». Je me demandais donc ce qui s’était passé durant ton passage chez Interscope et qu’as tu appris de cette expérience ?
Planet Asia : Interscope ! Putain j’ai passé un super moment à Interscope ! Je ne sais pas pourquoi les gens pensent que ça s’est mal passé là-bas. Interscope, ça a été comme les années universitaires pour moi. J’ai été signé super rapidement et tout s’est déroulé sans accroc. Je viens d’une époque où obtenir un deal en major était un accomplissement. C’était comme être signé en NBA. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui car ils n’offrent plus autant d’argent qu’ils donnaient alors ; mais à l’époque, c’était une vraie récompense d’obtenir ce genre de gros deal.
J’ai été signé par la personne qui a donné à 2Pac son premier contrat en label. Mais ma signature n’était pas basée sur une décision de Jimmy Iovine. Dans mon cas, ce fut Tom Whalley. Quand ce dernier est parti chez Warner Bros c’est à ce moment que ça a commencé à mal tourner pour moi. Car c’était le président, et Jimmy Iovine qui l’a remplacé, n’avait rien à voir avec ma signature sur Interscope, donc je n’étais plus désiré sur le label.
Mais j’ai quand même été sur le label pour quelque chose comme deux ans avant de le quitter. Et j’étais toujours payé. Donc ouais, Interscope c’était vraiment cool pour moi. Merci Interscope ! J’ai vraiment passé un super moment. Et tous les albums que les gens ont aimé, je les ai préparé durant mon passage chez Interscope, bien qu’ils ne soient jamais sortis chez eux. Tu peux pas m’empêcher d’enregistrer du son, quoiqu’il arrive ! Je faisais à l’époque ce qu’on fait aujourd’hui avec internet.
Je dois te demander. J’ai cherché Planet Asia sur Google, et le premier résultat qui est sorti c’est un restaurant chinois. Comment c’est devenu ton nom de scène ?
Crois le ou non, certains de tes rappeurs préférés sont venus me voir et m’ont demandé « Comment t’en es venu à ce putain de nom ? ». Ils m’ont dit « c’est le meilleur blaze que j’ai jamais entendu dans le rap ». Pour moi c’était cool. Et le truc fou à ce sujet, c’est qu’ils ne réalisaient pas que j’essayais de me hisser à leur niveau. J’étais genre « Je dois avoir un nom aussi lourd qu’eux, comme celui d’un super-héros ».
Asia m’est venu en faisant un acronyme à partir de Asia, car mon premier nom de scène était Aziatic. J’ai fait l’acronyme de « All Started In Africa », car je voulais lui donner un sens profond. Et Planet Asia, ca donnait un bête de nom. J’ai donc décidé que ça serait mon nom ! Planet Asia. Et c’est juste resté. C’était digne du blaze de super héros que je voulais.
Je suis né et j’ai grandi à Fresno effectivement. J’ai bougé dans la Bay Area puis à L.A. Je suis venu avec Rasco dans la Bay en 1997. De 1997 à 2000 j’ai vécu dans la Bay puis j’ai bougé en Californie du Sud, et enfin à Los Angeles, car j’avais obtenu mon deal avec Interscope. Avant que j’obtienne ce dernier, durant environ un an, j’ai été en pleine négociation avec plein de labels et ça m’a saoulé. Je me suis alors dit « dès que j’obtiens un deal, je vais juste déménager ici parce qu’apparemment c’est là que les choses se font et j’en ai marre de faire autant d’aller-retour . »
Et ca a été dur pour toi qui venait d’une petite ville comme Fresno de te faire ta place dans la scène émergente mais malgré tout hyper compétitive qu’était la West Coast ?
Non parce que… (il réfléchit) En fait, oui et non. Oui, dans les faits. Mais non parce que je viens d’un milieu de branleurs sûrs d’eux, et on pensait alors qu’on était meilleur que n’importe qui. J’avais un ami qui avait l’habitude de dire partout aux gens que j’étais meilleur que tout le monde. Je ne lui avais jamais demandé de faire ça, il faisait ce genre de truc de lui même. On était à l’époque en mode « Rien à foutre, les autres ne valent rien » parce qu’on se sentait meilleur que n’importe qui dans tous les cas.
Ça a été dur seulement quand j’étais dans la galère financièrement. Après 2001, ça a pris forme et je me suis vraiment dit « je peux le faire ».
Pourtant, tu racontes dans d’autres interviews qu’à la base, tu ne t’attendais pas à faire carrière, que le rap c’était juste pour le plaisir. Qu’est ce qui t’as fait changé d’avis ?
Rasco est vraiment une des raisons pour laquelle je suis aujourd’hui dans le rap. C’est lui qui m’a fait comprendre que je pouvais être payé pour faire ce que je fais, que je peux sortir mes propres disques.
Et au final je regrette pas ma vie mec ! Le hip-hop a fait beaucoup pour moi et j’ai beaucoup appris grâce à lui. J’ai eu tellement de petits boulots de dingues avant. Tu vois ce que je veux dire ? Les début où on galère. Le dernier job que j’ai fait, c’était chez un disquaire, qui se trouvait être alors un des plus gros de tout le pays, Amoeba Records. Je bossais là-bas comme concierge ? Lourd ! Quand mon premier EP est sorti, j’étais encore en train d’y laver le sol et en même temps les gens y achetaient mon EP.
Tous les artistes qui nous regardent, voilà mon message pour vous : si vous galérez, imprégnez vous bien de cette expérience et appréciez cela. Peu importe ce que vous endurez : imprégnez vous-en car si cela marche plus tard vous apprécierez d’autant plus. Et quand tu travailles dur, ça marche toujours. Toujours ! J’ai jamais vu quelqu’un se donner corps et âme et ne pas réussir. Point.
Je voulais revenir sur ton projet Black Belt Theater, sorti en 2012. C’est un super album concept, qui mixe avec brio tes passions pour les vieux films de Kung Fu et la Blaxploitation. J’ai lu que c’est un des seuls albums pour lesquels tu t’es chargé de la direction artistique. Comment cela s’est déroulé ?
C’était vraiment cool… C’est différent de faire un album avec un seul producteur tu vois ce que je veux dire ? Et j’adore faire les deux, car les deux sont conceptuels. J’aime avoir tous les types d’albums. J’aime les albums avec un seul producteur, mais j’aime aussi les albums où je vais piocher des beats chez différents producteurs, et rendre le tout cohérent. C’est un défi en lui même. Parce qu’avec des beats qui viennent de partout, ils peuvent vite ne pas aller ensemble. Tout est question de bien sélectionner les beats et les accorder de manière cohérente.
La couverture de 360 Waves, l’album de ton groupe Durag Dynasty est probablement l’une des meilleures que j’ai jamais vu : quand même, Pat Riley avec un Du-Rag quoi ! Ca vient de vous le concept ?
Le concept de la pochette, c’est carrément nous ouais ! Parce qu’on est fan des Lakers. Ma préférée reste au final celle avec Michael Jordan qui pleure avec le trophée dans ses mains et un du-rag (il parle de la pochette pour le single « The World’s Most Dangerous », NDLR)
En parlant de Durag Dynasty, le dernier morceau que vous avez sorti « Catch that feeling« , est produit part Just Blaze. Est ce que cela signifie la fin de votre collaboration exclusive avec The Alchemist ?
Non, non non ! On bosse toujours avec The Alchemist. On a un EP déjà prêt avec que des beats de sa part. Et on a un clip qui est déjà fini, avec Domo Genesis et produit par ALC. Donc ouais, y’a du son avec Alchemist à venir. Après, beaucoup de ses sons datent d’avant le séjour en prison de Ben (Killer Ben, le troisième membre du groupe, NDLR). Et maintenant qu’il est rentré, il est a fond sur Just Blaze, tu vois ce que je veux dire. Mais non mec, Alchemist, c’est pour toujours !
Pour finir, aurais tu un artiste à nous conseiller parmi la nouvelle génération ?
Westside Gunn, et mon gars Hus Kingspin. Westside Gunn parce qu’il représente la réalité. Il a une vraie histoire, ses couplets défoncent, et il rappe d’une manière que j’aime vraiment. Il vient de Buffalo, New York. On peut pas dire que les projecteurs soient d’habitude portés sur une ville pareille, en tout cas, ça n’a jamais été le cas jusqu’à maintenant. Mais je pense que ça va être le prochain à percer parce qu’il est… vraiment fort. Jetez un œil à ce qu’il a déja produit. Il a sorti quelques mixtapes, notamment 2 volumes de Hitler Wear Hermes. Ouais, allez voir ça ! Ça envoie sec, c’est très lourd !
Remerciements : Charles et toute l’équipe du Dooinit Festival, Julien (Cadrage).
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