On a passé 15 minutes avec Kendrick Lamar
À l’occasion de son passage éclair à Paris pour promouvoir son dernier album To Pimp A Butterfly, nous avons eu la chance et l’extrême honneur de discuter pendant quelques minutes avec Kendrick Lamar dans le salon d’un club parisien, grâce à la Fnac qui a fait appel à l’expertise de The BackPackerz pour mener son interview vidéo.
On a donc pu faire connaissance avec un homme posé, très abordable, très simple, prêt à répondre à nos questions sur ses récents choix musicaux, le rap West Coast, son rôle de modèle pour la jeunesse black américaine ou encore ses futurs projets.
Vous pourrez ainsi découvrir la version montée (et donc raccourcie) de cette interview de la Fnac en bas de l’article et sa version intégrale en texte ci-dessous.
Bonus : Kendrick Lamar est tellement cool qu’il nous a fait un shoutout qu’on a bien sûr enregistré.
The BackPackerz : Dès sa sortie, beaucoup de critiques et d’auditeurs ont qualifié ton nouvel album To Pimp A Butterfly de classique ? Quelle est ton opinion personnelle et t’attendais-tu à une telle réception ?
Kendrick Lamar : C’est vraiment un grand honneur parce que cela nous a demandé beaucoup d’efforts, pour saisir ce qui peut connecter les gens à un album, à une oeuvre entière. On voulait créer quelque chose qui durerait pour toujours, car à mes yeux, c’est quelque chose de plus fort que le mot “classic”. Je remercie donc tous ceux qui l’ont perçu de cette façon
On t’a récemment vu dans un trailer du prochain film sur NWA: te considères-tu comme leur héritier en tant que roi du rap West Coast, bien que tu partages moins le côté « gangsta » ?
Oui, mais je ne suis pas le seul héritier. Il y a tout un tas de nouveaux artistes qui déchirent tout par chez moi, de YG à Dom Kennedy en passant par Nipsey Hussle, Problem, Iamsu!, Sage the Gemini…Tous ces gars reprennent le flambeau, représentent notre culture. Même si l’influence du gangsta rap n’est pas forcément aussi forte dans notre musique, cela reste malgré tout notre background.
C’est donc primordial pour toi de représenter ta culture à travers ta musique ?
C’est toujours important de conserver certains éléments de sa culture. Je veux toujours ressembler à l’endroit d’où je viens, que ce soit avec ma musique, mon slang, la danse…je ne veux pas faire croire que je viens d’ailleurs. Je suis fier de mes origines, de la façon dont je parle, dont je marche.
Il y a beaucoup de références historiques à la culture black sur ton dernier album: avec les récents malheureux événements de Baltimore ou Ferguson, comment appréhendes-tu ce statut d’icône black, de modèle que tu peux avoir auprès de certaines personnes, notamment les jeunes blacks ?
J’apprends à accepter ce rôle. J’ai aussi été ce gamin de Compton, influencé par les leaders de mon entourage, avant de devenir un homme et de me faire une place dans le monde de la musique en deux ans, donc je comprends ce que je peux représenter pour la jeunesse de ma ville. Je suis prêt à relever le challenge car je sens au plus profond de mon coeur que Dieu m’a envoyé sur Terre pour faire beaucoup plus que seulement de la musique. La musique n’est qu’un début. Je suis le chemin que Dieu a tracé pour moi, selon ma foi.
As-tu l’impression d’en faire plus pour la jeunesse black grâce à ta musique que les hommes politiques par exemple ?
Pas seulement pour la jeunesse noire, mais pour le monde. La jeunes noirs en premier lieu bien sûr, parce que c’est là d’où je viens, ce qui a toujours été en moi. Mais à présent, j’agis pour la jeunesse tout court. Point. Les jeunes qui viennent à mes concerts ne sont pas tous de la même couleur que moi, et pourtant ils parviennent à s’identifier à ma musique. Je ne fais plus seulement le boulot de ma communauté, je fais le boulot de Dieu.
Tu as réussi à surprendre tout le monde avec le style de Good Kid, M.A.A.D City, puis avec celui de To Pimp A Butterfly. Penses-tu pouvoir en faire de même une troisième fois avec ton prochain album ?
Tant que je suis inspiré, que ce soit par une série d’événements ou un seul, je continuerai toujours à me challenger et à faire de la musique qui peut parler aux gens. Parfois, faire différent n’est pas toujours bon. Faire différent, c’est bien quand cela permet de te connecter aux gens; c’est quelque chose de très important qu’on a tendance à oublier. J’ai fait cet album en sachant que je ne pouvais pas reproduire un Good Kid, M.A.A.D City partie II ou quelque chose de ce style. Cela aurait été la chose la plus stupide pour moi, car cet album correspondait à une période précise de ma vie, un état d’esprit donné. Mais oui, tant que je serai inspiré, j’espère que je pourrai continuer à surprendre les gens.
Est-ce à chaque fois un challenge pour toi d’explorer un style différent sur un nouvel album ?
C’est un challenge mais c’est aussi marrant. C’est également gratifiant quand c’est bien exécuté. Heureusement, pour cet album, le résultat final correspond exactement à ce que j’avais en tête. Souvent, en tant qu’artiste, tu as ces idées dans ta tête, mais elles ne se concrétisent pas de la manière dont tu les avait imaginées. Moi j’ai réussi à le faire avec cet album et le précédent, tout dépend de la qualité de l’équipe dont tu disposes autour de toi. Elle doit être capable de comprendre tes idées et de leur donner vie.
En parlant d’équipe, avec ta notoriété, tu aurais pu te payer les plus gros hitmakers du game pour ton album, pourtant tu as choisi des producteurs moins connus du grand public. Pourquoi ?
On en revient à la question précédente: il s’agissait des gens qui étaient les plus capables de donner vie à mes idées. J’ai pu vraiment m’asseoir un moment avec chacun des producteurs pour leur expliquer précisément ce que je souhaitais accomplir, et je savais que ces gars étaient les seuls qui pouvaient m’aider avec un tel niveau d’exigence. Je n’ai rien contre les gros beatmakers, mais c’est juste que je savais exactement ce que je voulais, et je n’avais pas le temps de tourner autour du pot, de tester dix producteurs différents avant d’obtenir ce que je voulais. En plus, les mecs avec lesquels j’ai bossés ont l’avantage d’habiter chez moi, “straight from L.A.”
Tu es capable de passer de Flying Lotus à Taylor Swift tout en gardant ta crédibilité dans les deux univers. Comment arrives-tu à être si polyvalent ?
Je pense que c’est une forme d’authenticité. C’est un vrai don pour moi, car parfois tu peux entendre ton rappeur préféré kicker sur une chanson pop et cela sonne totalement faux. J’ai la chance d’avoir une oreille musicale, tout comme les artistes avec lesquels je travaille. Par exemple, ce n’est pas moi qui ai dit à Taylor Swift de rajouter ces drums, de rendre le morceau plus hip-hop. Cela vient de son expertise, sa connaissance du rap, et du fait qu’elle soit fan de mon travail. Tout est question d’oreille de prise de décision, être capable de sortir de la case dans laquelle les gens veulent te confiner. Je suis vraiment heureux de pouvoir explorer tous ces styles tout en restant qui je suis, et de voir que le public me soutient toujours.
Et le prochain concert en France, c’est pour quand ? La dernière fois c’était déjà il y a deux ans à Rock en Seine et en première partie d’Eminem au Stade de France.
De bons souvenirs ! Je bosse actuellement pour organiser une tournée cet été, je prépare vraiment les morceaux de l’album pour le live, car je veux que ce soit un vrai événement. Je veux que les gens ressentent les chansons en 3D sur scène !
Et, ci-dessous, la version vidéo de l’interview réalisée pour la Fnac :