Napoleon Da Legend, le rappeur qui a « volé J Dilla et diss J. Cole »
Peu connu encore en France, Napoleon Da Legend aime pourtant la France et les français. Né à Paris, ce rappeur originaire de Washington DC a collaboré avec des artistes hip-hop français comme Niro des 2Neg, DJ Poska ou DJ Duke. C’est lors d’un rendez vous au lendemain de son arrivée à Paris pour les besoins de son Steal This Mixtape Tour français, que nous avons eu l’occasion de faire plus ample connaissance avec la légende de ce Napoleon engagé dans le Rap US « conscient ».
Comment as-tu commencé ta carrière de rappeur ?
J’ai grandi à Washington DC dans le Maryland. Mais je suis né à Paris. Comme tout le monde, j’ai découvert le rap avec les émissions de radio et les mixtapes pendant l’âge d’or de cette musique. Quelques années plus tard, j’ai enregistré quelques rimes à Paris au Nomad Studio du Saian Supa Crew. Lorsque je suis revenu à Washington, j’ai continué à rapper sur des mixtapes et lors de quelques concerts locaux. C’était une période amusante, mais je n’avais aucune notion du business musical. Car Washington est surtout une ville administrative. J’ai donc décidé de m’installer à New York, où j’ai vraiment découvert l’aspect « commercial » du rap. A Brooklyn, j’ai notamment rencontré le Boot Camp Click et Da Beatminerz, qui m’ont beaucoup appris dans ce domaine. Je trainais beaucoup avec des amis de Bushwick. Nous étions comme une famille. Ensemble, nous avons fait beaucoup de scènes et enregistré de nombreuses chansons sur des mixtapes. Mais, à un moment donné, il a fallu que je développe ma carrière solo.
En 2013, j’ai finalement enregistré mon premier album « Awakening » où apparaissent Raekwon et Sean Price (RIP). J’ai tourné le premier clip « Wise Men » avec Sean Price, réalisé par mon ami français Niro. J’étais aussi très excité de tourner avec Sean Price du groupe Heltah Skeltah, qui m’avait été présenté par une relation commune. Sean était très occupé à ce moment là. Je l’ai appelé une semaine avant le tournage, il a accepté le lendemain sans connaître l’histoire du clip. Le scénario de ce clip a été conçu comme un film. Il était très drôle et complètement fou, car Sean et mes amis devaient kidnapper une sorte de proxénète, Young Monkey, et le patron d’une maison de disque. Depuis, j’ai travaillé avec d’autres français comme DJ Duke sur ma mixtape « Lengendary » en 2016. J’ai également été sur scène avec DJ Poska au festival Hip Opsession de Nantes en 2015.
D’où vient ce surnom de Napoleon, qui était quand même un dictateur ?
Napoleon vient de l’époque où je jouais au basket. Comme j’étais plutôt petit et agressif sur les parquets et que je venais de France, mes coéquipiers m’ont surnommés ainsi. Je l’ai gardé pour ma carrière de rappeur. J’ai ajouté Da Legend, car je me réfère souvent à l’Histoire dans mes textes. Les deux noms associés donnaient donc un vrai sens à mon surnom.
Pourquoi as-tu emprunté des musiques de producteurs comme RZA, Madlib, The Alchemist, J Dilla…pour les besoins des deux volumes de Steal This Mixtape ?
Ces deux mixtapes sont tout un concept. J’ai repris l’idée suivante. Avant les écrivains détournaient des idées issues d’autres livres. Les éditeurs piochaient ainsi dans divers textes radicaux, qui bouleversaient l’ordre établi. J’ai repris ce procédé pour la musique en reprenant des musiques de J Dilla ou bien des interludes contenant des discours de Martin Luther King. Tu peux retrouver ce genre d’utilisation dans de nombreux morceaux de Steal This Mixtape. Par exemple, tu peux voir un homme noir crier sur des policiers sur la pochette du premier volume. Je voulais exprimer ainsi ce qui se passe actuellement aux États Unis. La violence, la répression, les guerres continuent dans le monde entier. Aujourd’hui Trump est président, les gens commencent à être effrayés. Mais tout ce qui se passe n’est pas nouveau. Moi même, j’ai été victime de violence policière. Des policiers ont braqué leur arme sur la voiture, qui nous ramenait moi et quelques amis de boîte de nuit, uniquement parce que le véhicule ressemblait à celui d’un criminel qu’ils recherchaient. Ce genre d’interpellations dans les rues de New York est monnaie courante pour les noirs américains.
« Des policiers ont braqué leur arme sur la voiture, qui nous ramenait moi et quelques amis de boîte de nuit, uniquement parce que le véhicule ressemblait à celui d’un criminel qu’ils recherchaient. »
Tu parles également du système pénitentiaire dans un morceau récemment sorti « Mass Incarceration » ?
Aux États Unis, la prison est devenu un business. Beaucoup de nouvelles prisons ont été construites aux USA. Car les entreprises privées, qui construisent ces prisons, génèrent des emplois. Ce processus a été enclenché par l’administration américaine. Plus il y aura de noirs arrêtés dans les rues pour des petits délits, plus cet engrenage rapportera de l’argent. Cela reste une forme d’esclavage. Il existe encore des millions d’esclaves de ce type dans ce pays. La population carcérale grandit pour possession de marijuana par exemple. Les toxicomanes ne sont pas les criminels de la drogue, mais leurs problèmes sont liés à des problématiques de santé. Si vous mettez des gens accrocs au crack en prison, que vont ils devenir ? Quand ils sortiront, ils iront dealer dans la rue. Ils retourneront en prison…Ce problème est alors irrésolu. Tout est une affaire d’argent. Si tu as de l’argent, tu peux te payer un bon avocat, sinon tu te retrouves en prison ! J’utilise ma voix pour aborder ce genre de problématique en utilisant les beats des autres sur Steal This Mixtape. « Mass Incaceration » est une vidéo, que j’ai réalisé dans le cadre d’un programme pour des enfants exclus du système scolaire à New York. Je travaille en free-lance pour une association qui récolte des fonds pour les prisonniers en montant des ateliers Hip Hop. « Mass Incaceration » est donc une chanson dédiée à cette population confrontée à ce genre de problèmes, mais aussi dans le but de récolter de l’argent pour ces prisonniers. Nous essayons de leur apporter un peu de soutien à travers le Hip Hop.
Tu as également enregistré une chanson « E.Cole Lie« , où tu attaques sérieusement J.Cole. Quelles sont les origines des propos tenus dans ce morceau ?
J’ai enregistré ce morceau à cause des phrases contenus dans les morceaux « Everybody dies » et « False Prophets » sur le dernier album de J.Cole. Dans « False prophets », Cole parle du déclin de Kanye West. Dans « Everybody dies », il évoque le « Napoleon Complex » en parlant des petits rappeurs, (Napoleon Da Legend est effectivement petit de taille), qui sont soit disant hargneux et fermés. Je ne le connais pas personnellement. Pour moi, c’était un très bon rappeur. Il est sûrement un des plus doués de sa génération. Il est très connu, donc il n’avait pas besoin d’écrire ces deux morceaux pour promouvoir son nouvel album. Ce morceau est comme s’il s’était introduit dans ma maison en utilisant mon nom. Cole est peut être un bon rappeur, moi, je suis un lyriciste. Je devais lui répondre. Je ne sais pas si J.Cole a écouté mon morceau. Mais s’il me répond, ce sera une victoire à zéro pour moi. (Rires)
Retrouvez toute l’actu de Napoleon Da Legend sur Facebook. Napoleon sera également en concert à Nantes ce samedi 4 mars à l’occasion du Hip Opsession. Infos et réservations sur le site du festival.
Remerciements : Architeknic Kalek pour la mis en relation.