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Gang Starr Foundation : « le Hip Hop a réussi là où Hitler ou Napoléon ont échoué »

En octobre dernier, l’équipe de The BackPackerz a eu la chance d’interviewer un trio de légendes du Rap US. En effet, Jeru The Damaja, Afu Ra et Big Shug, étaient ce soir là réunis sous le prestigieux étendard Gang Starr Foundation, pour un concert au Batofar. Avec une bagatelle de classiques à leurs actifs, c’est avec un immense plaisir que nous vous partageons ici les pensées de ces trois pionniers du rap new-yorkais. A mi-chemin entre l’interview et la discussion philosophique, les trois artistes se sont livrés sans concession sur leurs carrières respectives, l’état du Hip Hop aujourd’hui, tout en nous gratifiant de quelques croustillantes anecdotes au passage.

The BackPackerz :  Que pouvez-vous nous apprendre sur la création de la Gang Starr Foundation ?

Big Shug : A l’origine, la Gang Starr Foundation a été fondée par Jeru, Guru, Group Home et moi même. A l’époque, tout le monde avait son propre crew, on voulait se lancer aussi ! C’est Jeru qui a trouvé le nom Gang Starr Foundation.

Jeru The Damaja : La Gang Starr Foundation, c’est aussi parti d’un son que Big Shug, Group Home et moi avons sorti en 1993, qui s’appellait “So Called Friends”. Et ouais, c’est vrai, tout le monde avait son squad à l’époque. On était là à se demander “Hey, comment on va s’appeler nous ?” Evidemment, c’est aussi parti de Guru (Rest In Peace !), avec qui on sortait beaucoup et qui à l’époque était déjà bien avancé avec Preemo sur Gang Starr. On avait notre cercle. On traînait dehors mais on voulait faire bouger les choses, on s’est donc très vite considérés comme une espèce de fondation.

Sur la page Wikipédia de la Gang Starr Foundation, il est question d’un certain « The Vikar » qui serait à l’origine de la création de la Gang Starr Foundation. Mais aucune autre source ne fait état de cette personne. Alors : fake or real ?

Big Shug : Wow, ça ne me dit rien du tout ! Je pense que c’est encore une information merdique produite par Internet ! Vous savez quoi les gars, vous pouvez allez rectifier ça tout de suite sur Wikipédia. On a aucune idée de qui est ce mec ! Next question bro. The Vikar ? Sérieusement ?

Jeru The Damaja : Ouais, allez changez ça les gars. On vous y autorise ! (Demande de rectification en cours, ndlr)

On avait donc raison d’être sceptique ! Récemment, Vince Staples, un excellent rappeur originaire de Long Beach (CA), a crée la polémique en affirmant que le rap produit dans les années 90 était sur-côté. Qu’en pensez vous ?

Jeru The Damaja : Qui a dit ça ? Vince… comment déjà ? Je ne sais pas même qui c’est. Ou était-il pendant les 20 dernières années ? Il ne sait même pas de quoi il parle. Ecoute, il dit que le rap est mieux aujourd’hui, c’est ça ? Mais ces nouveaux gars ont même un mouvement qui s’appelle le “Mumble Rap”, dans lequel ils n’utilisent même pas de mots. De vrais mots. Comment cette merde peut-elle être meilleur ? Ce n’est pas le bon terme. Le rap est ce qu’il est aujourd’hui.

Big Shug : Ok, laissez moi vous expliquer quelque chose. Quand des personnes de moins de 40 ans disent que cette période était sur-cotée, elles ne pouvaient pas savoir ce qu’il se passait vraiment. Tout le monde avait sa propre empreinte musicale, ce qui rendait le mouvement unique. On pouvait facilement différencier les groupes, les crews. Aujourd’hui ? Tout le monde sonne comme tout le monde. Tu vois ou je veux en venir ? On peut par exemple dire d’un artiste aujourd’hui “Hey, ce mec sonne comme Kendrick Lamar. Avant, le rap sonnait différemment. Tout le monde avait son style. Et ce sont toutes ces empreintes sonores différentes les unes des autres qui faisait que chacun pouvait facilement s’identifier au rap.

Afu Ra : Pendant l’âge d’or du hiphop, les rappeurs avaient chacun une substance. Tu vois, quelque chose à partager. Très peu aujourd’hui ont de véritables histoires à raconter. Et quand ils ont quelque chose à dire, c’est souvent tourné vers l’aspect matérialiste.

Jeru The Damaja : Ok, ce que je vais dire maintenant va faire l’effet d’une bombe. Vous êtes prêt ? Napoléon, Hitler, Alexandre le Grand, Genghis Khan, tous ont voulu conquérir le monde entier. Le mouvement Hip Hop est le seul à l’avoir fait. Quand on était gosse, c’était notre plus bel outil, un moyen de s’élever. Aujourd’hui ? C’est une arme de destruction massive. Regarde partout autour de toi, tout est Hip Hop ! Personne n’a fait ça ! Le Hip Hop a réussi là où Hitler ou Napoléon ont échoué ! Mais comme je l’ai dit à propos du Mumble Rap (entre autre), certain utilisent ce mouvement pour apparemment le détruire et salir son image.

Afu Ra, comment as tu rejoins la Gang Starr Foundation ? On imagine que ça provient d’abord de ta relation avec Jeru ?

Afu Ra : Ouais, complètement ! Jeru m’a permis d’avoir la carrière que j’ai aujourd’hui. Quand on était des gamins, c’est lui qui m’a fait sortir de chez moi. On partageait cette passion pour la culture Hip Hop. On trainait ensemble dans le quartier. Mon histoire et ma carrière commence à cette période de ma vie.

Que peux tu nous apprendre sur le morceau “Mental Stamina”, paru sur l’album de Jeru The Sun Rise In The East (1993) ?

Afu Ra : Ce featuring avec Jeru est en fait arrivé assez tard au vu du passif qu’on partageait déjà lui et moi. C’est simplement l’histoire d’une vibe qu’on avait à ce moment la, quand on traînait, c’était le début. Surtout pour moi.

Jeru The Damaja : Il y a une chose intéressante à dire à ce propos. Vous connaissez forcément ces gars… GZA, RZA, Masta Killa. On avait l’habitude de tous trainer ensemble. On rappait au coin de la rue, dans Brooklyn. Afu ne participait pas vraiment à ce petit jeu, il ne rappait pas, mais il connaissait par coeur les rimes des autres ! Donc, un jour, je lui ai dit “Hey, maintenant que tu connais toutes nos rimes, et si tu écrivais les tiennes ?”. Puis un jour, il est revenu. Afu s’est ramené avec son propre texte, et il n’a jamais arrêté. Il a continué encore et toujours, jusqu’à façonner son propre style.

Encore une petite question pour Afu-Ra. J’ai un gros coup de coeur pour ton “It’s Yours” (2008) en featuring avec le groupe allemand Snowgoons. Tu peux nous parler de ce morceau ?

Afu Ra : Snowgoons… Oh, Snowgoons ! Ok, j’étais en tournée en Europe. Et ils jouaient sur la même scène que moi un soir en Allemagne. On s’est rencontré assez simplement. Un des membres m’a demandé si j’étais intéressé pour un featuring, et ça s’est fait comme ça. C’est vrai que ce son me ressemble assez, il est remplit d’énergie, tant dans le flow que dans l’instrumental. No doubt ! Musicalement, ces gars sont respectés et ils font du super taf !

Jeru, il fallait forcément qu’on parle de ton premier album The Sun Rise In The East (1993), considéré comme un classic par tous les amateurs de Hip-Hop. Et de sa couverture qui en aurait fait parler plus d’un aujourd’hui…

Jeru The Damaja : Haha c’est vrai ! A l’époque, pendant le processus de création, mon équipe et moi on voulait sortir un disque qui allait tuer tout le monde. Et à travers cet album, je ne cherchais pas à devenir connu… je voulais devenir LÉ-GEN-DAIRE ! Vous saisissez la différence ? Vous savez, j’ai commencé à écrire quand j’avais 8 ans. Alors en 1993, c’était le moment de vraiment faire les choses bien. Avec Preemo, on a squatté le studio pendant des heures et des heures à écouter des samples, et ce en fumant un bon paquet de weed. Alors j’écrivais tout le temps, tout m’inspirait. J’écrivais sur tout.

Pour la couverture, c’est vrai que la ressemblance avec le World Trade Center est frappante. Et je comprend que ça puisse surprendre, surtout depuis 9/11… Je voulais juste passer un message à travers une image de ma ville. Mais je voulais aussi montrer au public mon talent de prédicateur…Je plaisante, bien sur que je n’ai aucune compétence en voyance ! (rires)

Merci. Une dernière question, ou est DJ Premier ce soir ? On espérait une surprise…

Big Shug : Oh, on ne sait pas. Chacun fait son truc de son côté. Mais on est tout le temps connecté. Il est dans une autre partie du monde ce soir. Mais nous sommes tous frères, qu’importe l’endroit ou le contexte, on fait nos trucs. Mais même séparés, on es toujours ensemble. C’est aussi ça le Hip Hop, c’est des potes qui partagent une passion et une histoire commune.

Jeru The Damaja : Il est très certainement en train de mettre un bordel quelque part dans le monde ! (rires)

Merci à la Gang Starr Foundation pour avoir accepté cette interview, mais également à toute l’équipe du Batofar pour l’accueil. 

Crédits photo : Benjamin Letuppe pour TBPZ

A lire aussi : Interview | DJ Premier

bert

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  • Vince Staples na absolument rien avoir avec le mumble rap, ce qu'il veut dire c'est que le rap d'avant etait moins puissant que celui d'avant niveau technique ou flow.

    Après il est vrais qu'a cette epoque le hip hop etait tres original et tout le monde avait son style.

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