Champion de France 2012 du concours End Of The Weak, Dandyguel s’est imposé avec le temps comme le kicker/animateur incontournable de cette talentueuse génération de emcees issues des concours de Freestyle. Depuis, le MC de Viry-Chatillon a tracé son itinéraire en conjuguant sa carrière artistique et celle plus singulière d’animateur télévisuel sur France O. Après un premier jet Retour Authentik en 2013, Dandyguel avait transformé en 2015 l’essai discographique avec le très abouti EP Ca Graille, assisté par deux piliers du rap français : Busta Flex et Dj Sek.
En 2017, le Blackpheno est de retour avec un nouvel album intitulé Trophées qui montre une autre facette de ses multiples talents : celle de producteur. Un voyage musical multicolore, qui nous transporte dans l’univers chaleureux de ce sympathique personnage du rap français. Quelques jours après la sortie du disque, il nous a donné rendez vous sur son terrain de jeu à Viry, lors des répétitions de son concert du 13 avril à La Place, pour décortiquer la réalisation de son dernier Trophée.
The BackPackerz : Commençons par revenir sur ta carrière. Tu es devenu champion End Of The Weak en 2012. Comment analyses-tu l’apport de ce titre sur ta carrière aujourd’hui ?
Dandyguel : Ce titre m’a apporté une certaine assurance sur scène, mais également un réseau. J’ai connu aussi beaucoup de MCs comme Aladoum, aujourd’hui présent. Je l’ai vraiment côtoyé à partir de ce moment, même si je le connaissais avant. Cela m’a permis de vivre énormément d’événements, qui ont par la suite forgé mon art. Car c’est en te trouvant aux cotés des autres que tu trouves ton originalité. J’ai pu ainsi assumer mon personnage. Car avant je n’étais pas dans cette mentalité : « je monte sur scène pour être le meilleur ». Cela m’a apporté aussi le fait d’aller au bout de mes projets. J’ai pris le rap un peu plus au sérieux. Mais c’est une notion, qui va aussi au delà du rap.
Sur ton précédent projet, l’EP Ca Graille, tu as travaillé avec Busta Flex et DJ Sek. Le fait de travailler avec eux a-t il modifié ta façon de construire ce nouveau projet au niveau musical ou en terme de direction artistique ?
Pas sûr qu’il faille le préciser, mais ce sont deux grands noms du Hip Hop français, qui ont marqué le mouvement de leur empreinte. Je me suis reconnu en eux, avant même de commencer à rapper. En tant que freestyler, le fait de savoir que tu vas travailler avec Busta Flex te met un peu de pression. Donc, j’avais déjà travaillé mon projet, avant d’arriver en studio avec eux. Ensuite, ils m’ont apporté des références en me donnant la couleur musicale sur certains morceaux. Ils ont conscientisé ce que je faisais. Quand tu es tout seul, tu n’arrives pas forcément à mettre un nom sur ce que tu es train de réaliser. Cela m’a aussi apporté du plaisir de partager avec des gens, qui aiment vraiment la musique.
Leurs conseils m’ont permis d’apporter une certaine cohérence entre mon premier projet Retour Authentik et Ca Graille. On retrouve cette cohérence dans la couleur des morceaux de l’album Trophée, qui amène une certaine évidence. Vu que j’ai produit la majorité des morceaux, le tout a donné un vrai ensemble. C’était sur ce genre de points, dont j’avais discuté avec eux sur Ca Graille.
Sur Trophée, tu as effectivement signé la plupart des productions. Quel a été le déclencheur pour te mettre à la production ?
En fait, j’ai commencé par la production. J’étais plus à fond dans la production que le rap au départ. La vraie histoire de cet album était que j’étais seul chez moi l’été. Je commençais à accumuler les musiques, je voulais kicker. Donc Trophée est un album, qui est venu naturellement. Sur cet album, j’ai vraiment voulu me faire plaisir au niveau des sonorités. Par exemple, j’ai composé le son « House », car j’adore la house music. Je voulais un peu revivre les mêmes sensations, que lorsque je composais à 17 ans mes premières musiques sur mon ordinateur.
Le titre de l’album Trophée a-t il un sens particulier ?
C’est un titre que tu peux prendre sous plusieurs angles. J’ai beaucoup rappé pour être le numéro un. C’est une partie du rap que j’aime. Mais, à un moment, j’ai plus eu envie de mettre en avant la musique. Je n’ai pas cherché à placer un morceau très technique. J’ai plus cherché à créer des émotions et à placer des messages. Pour moi, cet album est un trophée, car j’ai réussi à réaliser cet album. Ma prétention n’était pas de dénoncer, mais de donner un état d’esprit, de passer des messages, sans pour autant trahir ce que j’aime. Il y a beaucoup de « boom bap », d’ambiances plus planantes. Si tu regardes le pourcentage, tu sais d’où je viens.
J’aime beaucoup le morceau « Air Dandy », qui ouvre l’album, où apparaît ta mère. C’est un peu une invitation au voyage. Comment as tu eu l’idée de ce morceau ?
L’instrumental du morceau vient de Goomar. C’est une musique, que je voulais depuis trois ans déjà. Il a fini par me la céder. J’ai enregistré le morceau. Il l’a écouté, et il l’a aimé. Le morceau est venu pour répondre à toutes ces informations désastreuses sur la situation politique et internationale. A un moment, je voulais éteindre la télévision pour donner l’impression que tous ces événements n’existaient pas, le temps de cinq minutes. Cela peut paraitre utopique, mais j’ai voulu créer une soupape de manière naïve, où tu t’écartes de toutes ces pensées négatives. J’ai pris volontairement la métaphore d’un vol pour donner un côté atmosphérique au morceau. Je suis content de la présence de ma mère, car elle est la première voix, que l’on entend sur l’album. Sa présence a ainsi un aspect symbolique.
Dans le titre « Monsieur Tarmozy », tu fais référence à tes démêlés avec un homme politique lors d’un débat télévisé. Peux-tu nous en dire plus sur l’origine de ce morceau ?
Dans le cadre d’un contrat que j’avais avec C8, j’ai participé à un débat politique télévisé. Suite à ce débat, j’ai reçu beaucoup de messages de soutien. Mais aussi des personnes comme toi, qui me demandaient ce qui s’était réellement passé pendant cette émission. J’ai conçu cette chanson, afin de répondre à ces interrogations.
En janvier, tu as commencé par réaliser le premier clip de l’album avec « Rien d’Éternel ». C’est un morceau où tu affirmes le besoin de profiter des tiens tant qu’ils sont vivants. Quel événement a déclenché ce texte ?
Ce morceau part de plusieurs événements, dont des décès, qui m’ont choqué énormément, ainsi que des personnes de mon quartier.. Pour être tout à fait honnête, j’ai eu beaucoup de mal à pousser ce morceau. Il ne devait pas être sur l’album au départ pour une question de pudeur. Je ne suis pas habitué à m’impliquer autant, en citant des noms. Ce morceau est resté longtemps dans un tiroir. Je l’ai fait écouté aux familles des personnes concernées dans le morceau. Elles m’ont poussé à le sortir en me disant que j’avais l’opportunité d’avoir une exposition en tant qu’artiste et producteur. Donc, elles m’ont fait comprendre que je leur devais aussi de parler des sujets, qui les concernaient. Je pensais le contraire, mais je me trompais. Ce morceau a servi en quelque sorte de thérapie de groupe. Après le morceau a servi des attitudes plus générales, où rien n’est éternel en matière d’amitiés ou d’amours. Il faut donc faire le nécessaire pour cultiver ses liens.
Dans les invités, on note la présence de la suisse K-T Gorique, championne du monde End Of The Weak 2012 et héroïne du film Brooklyn de Pascal Tessaud), ou Swift Guad, qui était déjà sur Ca Graille. La plupart des invités appartient à ton cercle de proches…
Concernant K-T Gorique, elle m’avait battu lors du championnat du monde, mais j’ai fait la paix avec elle. Je l’ai invité quand même, car elle est très forte. Toutes les combinaisons se sont produites spontanément. J’ai invité les personnes, qui étaient autour de moi. Certaines m’ont dit oui, d’autres non. A aucun moment, je me suis dit: il me faut un tel ou un tel. Je me disais : telle personne irait sur cette musique. Vu que je traîne avec lui en ce moment, je l’invite. Par exemple, la présence de Bekeno sur « Donner la Force » est symbolique, car j’ai commencé le rap avec lui. Il me semblait important qu’il soit sur mon premier album.
Quelles sont tes attentes par rapport à ce premier album conçu avec tes propres moyens ?
J’attends que les gens prennent tout d’abord du plaisir à l’écouter. La spécificité de cet album est que chaque exemplaire est numéroté. Son achat donne accès à mon prochain concert donné le 13 avril à La Place. En ce moment, je l’adapte pour la scène, car c’est un album, qui a été conçu à la base autour des musiques. Je suis très fervent de la construction des shows. Je travaille toujours de sorte à ce que chaque morceau rentre dans un format, où le public appréciera sa version sur scène.
Comment envisages-tu l’évolution de ta carrière ?
Je me suis pas encore projeté dans la direction artistique, même si je me sens capable de le faire. Je continuerais coute que coute à rapper, même si cela reste tout seul enfermé chez moi. C’est au public de déterminer si ma carrière doit continuer en achetant les CDs. Si ce projet marche, je continue. Sortir en indépendant n’est pas un choix de ma part. Je réalise mes projets de A à Z, car personne ne va le faire à ma place. Si je dois choisir une situation, j’aimerais bien travailler avec quelqu’un qui s’occupe de la partie post production. Mais la réalité est que personne ne m’attend. C’est à moi de réaliser mes projets, mes clips…Passer par cette étape m’a beaucoup appris. Trophée est le meilleur démarrage de toute ma carrière. Par exemple, les vinyls partent bien. Les puristes sont présents au rendez vous. Car eux ne tergiversent pas. Quand ils veulent le disque, ils l’achètent immédiatement par deux ou voire trois exemplaires.
L’album de Dandyguel est disponible en CD, vinyl et sur les plateformes de streaming.
Dandyguel sera en concert à La Place le 13 avril prochain. Infos et réservations : Event Facebook.
Remerciements : Dandyguel, Sindanu et Aladoum.
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