Charles Songue, fondateur du Dooinit Festival de Rennes

Charles Songue, fondateur du Dooinit Festival de Rennes

Originaire de la région Nantaise, j’ai personnellement fait une grande partie de ma culture Hip-Hop grâce aux deux festivals locaux: le Hip Opsession à Nantes et le Dooinit à Rennes.

Le mois dernier, on a eu la chance d’interviewer Charles Songue, le fondateur du Dooinit Festival. Un trentenaire tombé dans le Hip-Hop très jeune avec un certain talent pour dénicher les meilleurs artistes US.

Présentation du Dooinit Festival

Le Dooinit organise un premier concert en 2007 et frappe, d’entrée, un grand coup en réussissant à faire venir Little Brother (9th Wonder, Big Pooh et Phonte). Le festival ne cessera ensuite de se développer avec des line-ups toujours plus dingues au fil des années: Skyzoo, 9th Wonder, The DoppelgangazRich MedinaLords Of The Underground, O.C., les Dilated Peoples et même Ali Shaheed des Tribe Called Quest.

Pour l’édition 2014 spéciale « California » qui se déroulera du 1er au 6 Avril, on retrouve Expansion Team Soundsystem (DJ Babu et Rakaa), Dom Kennedy, Blu, MED, Kondron, Freddie Joachim, Dag Savage, Quelle Chris, B Lewis, Denmark Vessey, Deheb, J-Zen, Geteye et B-Loo.

Infos et réservations sur le site du Dooinit Festival: www.dooinit-festival.com

Interview

The BackPackerz : Quel est ton parcours ?

Charles: J’ai 30 ans, et vers 8 ans, mon cousin a commencé à me faire écouter mes premiers sons. En primaire, j’échangeais déjà les Ice Cube avec les surveillants, et puis j’ai continué. Je pouvais rester des journées à écouter du son pendant que mes potes jouaient au foot, et sans Internet, c’était un vrai boulot. Cela m’a donné une certaine rigueur par rapport au son.

The BackPackerz : Peux-tu nous raconter la genèse et le pourquoi du Doinit Festival ?

A partir de 97, on a monté une première asso avec du graffiti, quelques danseurs et des MCs dont je faisais partie. On a réussi à faire quelques bons concerts et grâce à notre statut on était devenu la 2ème asso Hip-Hop de France et on est allé jusqu’à Matignon avec Lionel Jospin. On est ensuite revenu en 2007 avec Dooinit et on voulait vraiment se concentrer sur la promotion de la culture afro-américaine et Hip-Hop. On n’aimait pas l’image qu’avait le Hip-Hop à l’époque et on voulait donc montrer qu’il existait du bon Hip-Hop. L’idée première était de faire un label, et on l’a fait. Mais dans le cadre de mes études, j’ai pu aller plusieurs fois à Los Angeles et j’ai commencé à me faire mon petit réseau. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de créer Dooinit avec mon frère et un autre associé. Notre ambition était de frapper un grand coup dès la premier concert, et grâce à mes contacts, entre autres, on a obtenu Little Brother.

The BackPackerz : Pourquoi une édition spéciale Cali cette année ?

C’est là où est né le projet. J’ai tout appris là-bas. Au départ, un peu comme tout le monde à l’époque du Wu-Tang et autres, j’étais plus East Coast. Puis j’ai commencé à m’ouvrir à un certain son californien, en dehors du G-Funk, avec des gars comme les Dilated Peoples. Comme j’ai la chance d’aller assez souvent en Californie, j’avais envie de faire découvrir la West Coast que je connais, avec des jeunes comme Dom Kennedy, qui apportent de la modernité tout en ayant les bases classiques, ce qui correspond parfaitement à l’esprit du Dooinit. Certes on invite aussi des gens de l’ancienne école mais on représente avant tout une culture qui va de l’avant.

Comment composes-tu la prog ? Tu es parti à L.A. rencontrer les artistes ?

On fait bien sûr une partie par mail et téléphone mais on a effectivement rencontré pas mal de monde en Californie, pour s’imprégner aussi de cette ambiance West Coast. Il y a eu de vraies belles rencontres, même avec des gars qui ne sont finalement pas dans la prog. On attache aussi beaucoup d’importance à l’état d’esprit des mecs qui viennent. Si je sens qu’on n’est pas sur la même longueur d’onde, je ne le prendrai pas même si je sais qu’il peut me faire vendre des billets.

Est-ce difficile de convaincre des Américains de venir en France, mais pas à Paris ?

C’est bien sûr plus compliqué mais ça reste un business. Moi j’essaie de convaincre sur la thématique, qui leur parle beaucoup, mais aussi sur la qualité du public. Ici tous les concerts sont énormes, on est une ville historique de festivals et les gens sont habitués à la découverte, il ne vont pas s’emballer que sur les trucs connus, ou que sur les 2, 3 tubes d’un rappeur. Par ailleurs, après 5 éditions on arrive aussi à avoir des porte-paroles prestigieux comme Rakaa ou Masta Ace, qui “vendent” bien notre festival auprès des autres artistes suite aux bonnes expériences qu’ils ont eu, et cela fait souvent la différence.

La programmation est majoritairement US, pourquoi ?

Nos goûts, tout simplement : on fait le festival que nous voudrions voir. Il se trouve qu’on écoute moins de rap français donc ça se fait naturellement. On sait bien sûr qu’il y a de très bons groupes français et on en a fait jouer quelques uns d’ailleurs, mais on reste néanmoins plus orienté US.

Vous avez souvent été les premiers à programmer des artistes qui se sont révélés par la suite (comme Oddisee ou Appolo Brown). Est-ce une volonté d’être précurseurs ?

Non c’est plus simple que ça : j’écoute quelque chose, j’aime, et j’ai peut-être plus le cran que d’autres de lancer des artistes peu connus. Je vois ça plus comme une aubaine qu’un risque. C’est l’occasion d’avoir un super groupe avant qu’il explose, donc moins cher. Si c’est vraiment bien, je ne vais pas hésiter à le faire venir, et c’est sûr que ça fait plaisir de les voir devenir gros ensuite et te dire que tu les as eu en premier. En plus, les artistes moins connus sont souvent beaucoup plus impliqués et content d’être là. Je me rappelle des Doppelgangaz l’année dernière, ils sont arrivé 3 jours avant le festival et on fait le tour de la Bretagne après le festival. C’est génial comme état d’esprit.

On voit que le festival tend à s’ouvrir sur d’autres activités liées au Hip-Hop. Peut-on imaginer voir un jour de la danse, du graff ou autre au Dooinit ?

On est content de s’ouvrir à d’autres types d’activité avec nos potes du collectif de street-art “Le Guidon” et la block party qui est plus un évènement familial pour que les gens du festival puissent échanger. C’est aussi l’occasion de rappeler les racines du mouvement. En revanche, on n’estime que d’autres, à Rennes, sont mieux placés que  nous pour traiter des autres disciplines comme la danse. On veut rester dans ce qu’on sait faire.

Et au niveau géographique, le Dooinit va-t-il venir faire une soirée à Paris comme son voisin nantais, le Hip Opsession?

Honnêtement, je vois plus le Dooinit rester à Rennes car c’est cette ville qui nous a toujours soutenu et permis de faire vivre et évoluer le festival jusqu’à ce qu’il est aujourd’hui. Même si on peut facilement imaginer organiser une soirée Dooinit à Paris car mon frère  y habite, j’ai envie de conserver l’empreinte locale.

Vous êtes un des rares festivals Hip-Hop à programmer des artistes de la scène beat music (Eric Lau, B.Lewis…). Est-ce naturel pour toi d’associer ces deux sous-genres.

Oui pour moi c’est tout à fait naturel de mélanger ces deux genres. Le beatmaking est, selon moi, le domaine du Hip-Hop dans lequel il y a, aujourd’hui, le plus d’innovation. Ces gars ne se fixent aucune limite alors qu’on a tendance à pas mal s’enfermer dans le Hip-Hop plus traditionnel. Je tenais vraiment à défendre ces artistes avec une journée spéciale beatmaking, qu’on a lancé l’année dernière avec Flako et Everydayz. Cette année, on a va même un peu plus loin avec un show dans un bus avec le beatmaker Geteye (à découvrir via notre chronique de Just A Lil’ Beat Vol. 2, son album avec Mr Hone).

La question de la fin. Ton album du moment ?

Step Brothers, comme tout le monde. C’est le dernier album que j’ai acheté et, comme prévu c’est énorme. Evidence et Alchemist, je les écoute d’une manière un peu spéciale car j’ai eu l’occasion de les croiser quelques fois. On espère pouvoir les programmer sur les prochaines éditions. D’ailleurs pour info, l’affiche du festival utilise une photo d’Evidence. Il fait de superbes photos, vous pouvez le suivre sur Instragram @mrevidence.

Un grand merci à Charles pour cette riche interview.

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***** Dooinit Festival – Du 1er au 6 Avril @ Rennes *****

Mercredi 02 Avril – FREDDIE JOACHIM + B.LEWIS + J-ZEN

Jeudi 03 Avril – DOM KENNEDY + MED + KRONDON

Vendredi 04 Avril – BLU + DAG SAVAGE + QUELLE CHRIS + DENMARK VESSEY

Samedi 05 Avril – EXPANSION TEAM SOUNDSYSTEM + DEHEB + B.LOO