Bruck : « Être artiste, ce n’est pas qu’une bataille de clics »
C’est sur la théorie des cordes, le rap, la société et la jeunesse d’aujourd’hui que s’est faite la rencontre avec un jeune emcee aux crocs acérés. Bruck. Ambiance lyrics, froid sec d’hiver et thé à la menthe. Compère d’un rappeur très apprécié dans nos colonnes, A2H, bien installé sur la relève de la scène rap française, Bruck suit la voie dont lui-même trace le chemin. Abonné au papier et à l’encre depuis 2008, le jeune Melunais n’a jamais laissé tomber sa plume malgré les épreuves.
Engagé à l’époque militairement et aujourd’hui dans l’écriture, Bruck est ce qu’on pourrait présenter comme un artiste à part entière dont l’univers dépasse les codes du rap actuel. Avec pour parrains spirituels Madlib, MF Doom, J Dilla, on se doute bien que le dernier finaliste du Buzz Booster IDF a plus d’un tour son sac. Et c’est bien de magie dont il s’agit. Équilibriste des mots, Bruck glisse sur la rime, avec simplicité, sur des airs de blues, de jazz et d’afrobeat, sans imposture ni maladresse. Rencontre.
The BackPackerz : Tu as commencé à rapper au lycée. Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire du rap ?
Bruck : Je suis un passionné de musique et de hip-hop, c’est peut-être bateau mais écrire ça coûte moins cher que s’acheter un instrument… L’écriture est donc venue naturellement et depuis on ne se lâche plus ! A côté de ça, j’ai quand même eu l’occasion de faire de la guitare et de la batterie mais jamais le conservatoire (rires) ! Mes parents sont bercés par la musique, on a sans doute le rythme dans la peau. Il paraît même qu’un de mes oncles était musicien afro-cubain. De quoi porter de la bonne vibe ! J’ai donc commencé par amour du son et des choses bien faites. Je me suis lancé parce que le terrain est grand mais je suis bien conscient qu’il n’y a pas de place pour tout le monde.
D’où le tremplin Buzz Booster IDF* ?
Oui, c’est bien plus qu’un tremplin pour nous, c’est un sacré défi, un bond en avant qui permet de se perfectionner et d’avancer dans ce qu’on le croit et dans ce que l’on veut. C’est ce qui m’a permis, aux côtés de Beeby et de La Sphère, de faire la première partie de The Pharcyde, le 5 décembre dernier à la Bellevilloise (ndlr : finale régionale du Buzz Booster). Je suis très fier d’en être arrivé là et ce n’est qu’un début ! Nemir a été propulsé grâce au Buzz Booster et je compte bien le rejoindre… Maintenant, direction Marseille pour la finale nationale !
C’est tout ce qu’on te souhaite. En 2015, tu as sorti l’EP La Saison Des Pluies, en 2016, Bruck vs MF DOOM, ainsi que la mixtape Les nègres de la pègre. Avec pour couronner le tout, un projet d’album pour 2017. Tu as mangé du lion ?
Oui, on peut voir les choses comme ça (rires) ! J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. On ne s’en rend pas forcément compte mais ça ne se fait pas tout seul. Et à vrai dire, c’est vraiment le travers du numérique. Aujourd’hui, tout le monde peut s’y mettre mais si tu veux quelque chose de propre, il faut se donner à fond ! Ce n’est pas pour rien que Nekfeu, Jazzy Bazz, Fixpen Sill et bien d’autres marchent aujourd’hui. C’est parce qu’ils se sont impliqués et appliqués. Je me souviendrai toujours de ma rencontre avec Nemir qui m’avait prévenu de ne jamais s’arrêter. Pendant deux mois et demi, j’ai écrit, mangé, travaillé, lu, dormi, écrit et aujourd’hui, mon premier projet d’album est prêt.
Que portes-tu dans ton Rap ?
A travers mon rap, la leçon est double à savoir rester soi-même et surtout, ne pas avoir peur de l’être. La société est devenue tellement superficielle qu’on en arrive à plus à savoir qui on est vraiment et ce qu’on veut véritablement. En ce qui me concerne, le rap m’aide à m’assumer et à avancer. Maintenant je veux faire comprendre aux autres que ce n’est pas difficile d’être naturel et authentique. Bien au contraire. De toute façon, tu ne peux cacher indéfiniment qui tu es et ce que tu camoufles. Tout cela finit par te rattraper. L’intérieur s’entretient aussi bien que l’extérieur et c’est ce qu’il y a de plus dur à faire. Il y a qu’une seule voie à suivre, celle qu’on choisit de tracer.
C’est ce qui ressort en effet de ton rap. Entre conscient et alternatif ?
Oui, même si je ne cherche pas à être catégorisé. Ce n’est pas le jeu. Pourquoi classer ? Le rap, c’est du rap, et ce qui m’importe, c’est de pousser la créativité, aller là où personne ne va pour tester et (se) surprendre. Et puis, par nature, le rap se veut d’être conscient puisqu’il dépeint (normalement) la réalité. Le rappeur est le pur observateur de la société actuelle.
https://www.youtube.com/watch?v=PJW7xcPsTaM
Selon toi, le hip-hop est-il révolutionnaire encore aujourd’hui ?
Assurément non, il a été vidé de toute sa substance. Aujourd’hui, il ne correspond plus qu’à un lifestyle sans sens ni saveur. C’est bien dommage d’en arriver là. Je ne suis ni fataliste ni nostalgique mais il y a beaucoup à faire pour faire comprendre qu’être artiste ce n’est pas qu’une bataille de clics.
Quels sont tes futurs projets ?
Mon rêve ?! Un live band ! A la Oxmo Puccino, avec son album Lipopette Bar. Je cherche du groove, du bon Boom Bap et de la voix qui frappe.
*Chaque année, Hip Hop Citoyens organise le Buzz Booster Île-de-France, le dispositif national de détection musicale qui s’adresse à tous les artistes constitués en groupe ou en solo, compositeurs ayant des ambitions professionnelles dans le domaine musical Hip-Hop (Rap, R&B, Soul, Beatbox, Turntablism, Hip-Hop/Rock, Hip-Hop/Electro, Ragga/Dancehall).
Merci à Marie-Ange Juet pour cette interview. Retrouvez Bruck sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Sa mixtape ‘Bruck Versus MF Doom’ est toujours disponible en téléchargement gratuit en suivant ce lien.