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Akua Naru, black poète

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Akua Naru, femme de caractère native de New Haven (Connecticut) fut très tôt remarquée pour son sens innée pour la rime. Sa poésie atteint pour la première fois nos côtes en 2011 avec le titre « The World is Listening », poignant morceau rendant hommage aux plus grandes femmes du Hip-Hop: de Roxane Shanté à Foxy Brown en passant évidemment par Lauryn Hill dont l’influence est frappante dans la musique d’Akua Naru.

Fière de ses racines ouest africaines, Akua Naru clame dans son premier album The Journey Aflame son héritage black et, très vite, part en tournée internationale pour prêcher son idée du rap au féminin. Après la Chine, l’Afrique de l’Ouest et le Japon, c’est finalement à Cologne, en Allemagne, que ce bel oiseau noir choisit de bâtir son nid. Avec l’aide du label Jakarta Records, elle enregistre en 2012 l’album Live & Aflame pour prouver à tous que sa véritable force est sur scène, lorsqu’Akua est entourée de ces musiciens du groupe DIGFLO.

C’est en février dernier, en plein hiver breton, qu’Akua Naru a posé ses valises à Nantes dans le cadre du festival Hip Opsession. A cette occasion, nous avions été invités par nos partenaires de Pick Up prod à venir échanger un moment avec cette citoyenne du monde dont l’humilité n’a d’égal que son talent.

The BackPackerz : Parlons de ton dernier opus, The Miner’s Canary, que tu as choisi de mettre en images avec un court-métrage. Pourquoi avoir choisi de parler d’une histoire d’amour de deux immigrants de l’Afrique occidentale, éperdument amoureux l’un de l’autre, qui se retrouvent au beau milieu d’un choc des cultures ?

Akua Naru : Et pourquoi pas ?! (rires). En fait, lors d’une toute première conversation avec Terence Nance (réalisateur et producteur américain, ndlr) au sujet du court-métrage, nous voulions d’abord faire un clip d’une chanson qui est vraiment importante sur l’album. Pour tout te dire, dans l’opus, on retrouve quatre chansons d’amour parce que j’ai eu une relation amoureuse dans ma vie ces deux dernières années alors que je travaillais sur cet album. C’est aussi quelque chose que j’aime regarder et nous voulions tourner ce court-métrage dans le Sud de la France. Nous aurions pu choisir n’importe quel pays mais j’aime vraiment la France.

Tu es allée à Marseille, n’est-ce pas ?

Oui, parce que je pensais que faire ça à Paris aurait été un peu trop cliché et parce que la cité phocéenne est aussi une jolie ville, très multiculturelle. Comme mon album parle d’une femme noire, on devait la retrouver dans le film, c’est pourquoi nous avons voulu nous rendre dans une communauté sud-africaine et voir qui pouvait tenir le rôle de ce personnage féminin.

Je dirais que tu es un beau mélange de modernité et de traditions. D’ailleurs, le mot « traditions » est un terme que tu répètes beaucoup dans tes interviews. Tu dis aussi que le hip-hop est l’alliance des éléments suivants: le funk, la soul et le jazz. Est-ce la raison pour laquelle tu as demandé à de nombreuses personnes de collaborer avec toi ? (Son album est composé de 17 morceaux hip hop live d’inspiration jazz, en collaboration avec le légendaire percussionniste Bernard Purdie, Cody ChesnuTT, le trompettiste Christian Scott,  Ben L’Oncle Soul, Daru Jones, Georgia Anne Muldrow, Fetsum, Sa-Roc, Dynasty,  parmi tant d’autres, NDLR)

Oui, cela s’est fait naturellement. Pour ce nouvel opus, j’avais déjà des idées bien avancées avant même de commencer: je voulais travailler avec une gamme de musiciens différents, faire un album live et le produire moi-même, et enfin, demander à de formidables compositeurs de talent d’apporter leur touche personnelle sur certains morceaux.

Comment as-tu fait pour inviter des personnes sur tes clips « The World is listening » and « Tales of men » ? Etaient-ce des amis à toi ou des gens rencontrés dans la rue ?

J’ai réalisé ces clips il y a quelques années de cela. A l’époque, j’avais une caméra et je me disais « cette caméra est juste trop bien ! ». Avec du recul, elle ne l’était pas du tout, elle était bon marché en fait. Alors en voyage, je me disais : « oh, j’aime bien cet endroit » donc je prenais ma caméra et puis je me mettais à rapper. Sur les clips, on trouve simplement des personnes différentes. Cela pouvait parfaitement être des gens debout à la fenêtre, ma mère a même figuré dans un clip, et quelques membres de ma famille aussi…

Revenons maintenant sur le titre de ton album, The miner’s canary. En recherchant la définition exacte sur internet, j’ai découvert que c’est une allusion à des canaris en cage que les mineurs transportaient avec eux dans les tunnels. S’il y avait des émanations toxiques inodores et invisibles dans la mine, alors celles-ci tuaient d’abord le canari avant que les hommes puissent y succomber. Je me demandais donc qui tu étais entre le mineur et le canari.

C’est une bonne question ! Je pense être les deux à la fois mais plus le canari que le mineur…ça dépend en fait car le mineur est aussi la personne qui doit faire le travail exigé, il est une métaphore pour parler du monde.

Oui, mais le canari alerte les mineurs donc est-ce que ton album est un SOS envers tes auditeurs quant aux problèmes de la société actuelle ?

En effet, le canari est un symbole pour plein de choses. Il prévient qui est en danger, il peut aussi être porteur d’espoir. La question est : « entre les mensonges et le sort qui l’attend, survivra-t-il à la mine ? » Je pense que le canari est une métaphore, un espace pour moi en tant que femme noire de dire à ceux qui descendent au fond des galeries souterraines pourquoi nous pouvons y survivre !

Est-ce que cette métaphore est donc un appel vers une implication politique ?

Je dirais que ce mouvement politique est déjà en marche parce que les gens sont en train de réveiller leur conscience. Un appel a déjà été fait et je fais juste partie de ces activistes qui essaient de trouver un moyen de répondre à cet appel avec l’art et la manière.

D’habitude, les gens te comparent à Queen Latifah ou Lauryn Hill. Pesonnellement, je te comparerais également à Maya Angelou parce que le titre de ton album m’a fait penser à son poème intitulé I know why the Caged Bird sings ou même à Angela Davis (qui s’est battue lors du mouvement des droits civiques aux US, NDLR). En effet, j’ai lu qu’il était important pour toi de faire passer un message à travers ta musique tout comme Maya ou Angela le faisaient dans leur domaine respectif.

Merci ! Maya nous a quittés l’année dernière, cela m’a donc fait réfléchir à certaines choses, et c’était de mon devoir d’écrire une chanson pour une romancière que j’adore qui s’appelle Toni Morrison (le titre du morceau est éponyme sur l’album, ndlr). Je pense que ces femmes ont écrit pour les Afro-Américains, elles nous ont écrit, elles ont écrit pour nous, et j’essaie de faire de même dans ma musique.

As-tu déjà entendu parler d’éducation à travers le hip-hop ou même de Sciences Genius créé par GZA et le Dr Christopher Emdin ? Serais-tu intéressée de prendre part à un tel projet ?

Oui, bien sûr ! Je travaille dans ce domaine quand j’ai le temps. Par exemple, il m’arrive de temps à autre de me rendre dans un lycée et de diriger un atelier de poésie, dans les universités également. Aussi, quand nous sommes en tournée et que nous avons un ou deux jours de repos – ça dépend où nous sommes et si on a du temps – j’essaie d’avoir des discussions avec des femmes ou je donne des cours sur les médias, la musique et nous en discutons. A chaque fois, c’est génial – j’apprécie tout particulièrement ces moments où nous sommes qu’entre femmes parce que la manière dont nous partageons nos idées est vraiment très forte, et c’est étonnant de voir comment le hip-hop arrive à créer cet espace pour toutes ces choses-là.

Le dernier album d’Akua Naru, The Miner’s Canary, est sorti le 20 Février dernier et disponible sur Bandcamp ci-dessous. 

En bonus, un extrait du live d’Akua Naru lors de son passage au Ferrailleur à Nantes dans le cadre du festival Hip Opsession 2015.

agnes

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