Interview Aelpéacha, le parrain du G-Funk français

Interview Aelpéacha, le parrain du G-Funk français

Figure emblématique du G-Funk français depuis plus de 25 ans, Aelpéacha partagera l’affiche avec MC Eiht pour un concert 100% West Coast à La Place le 28/03. L’occasion pour nous de l’interroger sur son parcours, ses inspirations et son dernier projet, l’étonnant Jean Sebastien Laidback sorti fin 2024.

J’ai entendu dire que tu as commencé ta carrière en tant que DJ, est-ce que c’est vrai ?

En fait je voulais être DJ mais à part pour des soirées entre potes, je n’ai jamais animé de soirées donc je ne peux pas dire que je l’ai été. Quand je me suis mis dans le rap initialement, ce qui m’intéressait c’était d’avoir une oreille pour le bon son et de le partager donc la démarche du DJ. Et très rapidement je me suis dis « pourquoi ne pas faire mon propre son » ? 

Comment tu passes le cap et te lance dans la production ?

Il y a trois éléments. Le premier, c’est que mon père était le producteur de Supa John, un des premiers artistes Reggae en France dans la scène des années 80. Il y avait lui, Daddy Yod, Pablo Master, Princess Erika, les Saï Saï, Mikey Mosman, Pierpoljak, Puppa Lesly et d’autres. Toute cette première scène, moi, je l’ai connue de l’intérieur. J’étais gamin, j’allais à la radio parce que ma mère animait une émission et quand Supa John faisait un album, mon père m’emmenait parfois au studio. Donc à l’époque j’ai baigné là-dedans mais sans le conscientiser.

Ensuite en 4ème ou 3ème j’ai racheté le petit synthé Casio tout pourri de la sœur de mon voisin. Ça me démangeait de jouer de la musique ou de taper un rythme de batterie mais pour ceux qui connaissent c’est horrible comme son (rires) !

Et enfin quand j’avais 15 ans, j’ai connecté avec SOB, qui lui était fils d’un bassiste et qui avait un passif dans la musique. Il a rapidement eu accès à des machines, notamment le sampler ASR10 de la marque Ensoniq. À l’époque en gros tu avais les marques japonaises, Akai par exemple et en face les marques américaines: Kursweil, MEO et Ensoniq. C’était un son vraiment chanmé, quand j’ai vu ce qu’il faisait avec, j’ai dit « c’est ça que je veux faire » !

Donc tu commences à produire et tu te prends au jeu ?

Oui c’est ça, je tombe là-dedans et je commence à faire des instrus dans tous les sens et tous les jours. J’ai 15-16 ans, je commence à faire l’école buissonnière, des nuit blanches, tout ça.

Et à quel moment arrive le fait de rapper ?

Je faisait des tonnes d’instrus à ce moment là avec Fabrice (Éboué NDLR) qui rappait à l’époque et avait une bonne plume. Moi je me suis mis à rapper parce qu’on n’avait pas vraiment d’autres rappeurs autour de nous, jusqu’à ce que je rencontre MSJ. Et puis on avait simplement cette envie de refaire des morceaux de rappeur américains qu’on adorait aussi.

Aelpéacha

Il y avait une envie d’émuler le rap US ?

Oui ça se fait beaucoup chez les français à partir du Rap US mais ça existe aussi entre les américains. Par exemple avec “Between the Sheets” les Isley Brothers ont essayé de refaire Sexual Healing (de Marvin Gaye NDLR). Smokey Robinson avec son classique “You will get hold on me” a essayé de refaire “Bring it On Home to Me” de Sam Cook. C’est parfois comme ça que ça marche la musique, c’est une question d’inspiration. Parfois tu entends un morceau d’un gars et tu te dis “Putain, mais je voulais faire ce morceau”. Tu vois, par exemple, tu reprends les deux, trois classiques de Mobb Deep, ça a littéralement été le blueprint du rap français des années 2000. Pendant 10 ans, tout le monde a essayé de refaire un morceau de Mobb Deep, c’est puissant quand même!

À quel moment tu décides d’en faire ton métier ?

On va dire que la professionnalisation arrive en deux temps, le moment où on passe en contrat de distribution avec mon groupe CSRD (réunion de deux groupes, Club Spilfton et Réservoire Dogues) et que l’on sort des disques. Jusque-là, c’était des mixtapes sur des CD-R (CD que l’on pouvait graver chez soi NDLR) alors qu’en distrib on avait nos disques dans les bacs dans toute la France, dans les FNAC, les Gibert Joseph,…

Et la deuxième partie, c’est le début de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) à la maison. Jusque là je faisais des petits trucs chez moi dans mon sampler avec quatre pistes cassettes – une piste pour la musique, trois pistes pour les voix. Ensuite pour se professionnaliser il fallait aller en studio, payer la bande, l’ingé son, le studio, le sandwich de l’ingé à midi,… C’était toute une organisation, il fallait avoir les tunes et c’était compliqué. En fait il y avait une sélection, tout le monde n’arrivait pas à sortir un disque parce que ça coûtait cher. Il fallait avoir un producteur, il fallait avoir de la thune, il fallait avoir des connaissances.

Avec le début de la MAO, tout s’est inversé. C’est-à-dire que tout d’un coup, tu étais à la maison, tu avais le champ libre, et tu étais en possession de ton appareil de production. Avant, tu sortais de ta séance de mix, tu avais mixé pendant 12 heures en studio, tu revenais avec des valises sous les yeux à 8h00 et tu réécoutais le lendemain pour te dire: “Putain, c’est quoi ce mix de merde” (rires) ?  Il fallait y retourner et repayer.

Tu as fait d’autres métiers avant de ne faire que ça ?

Oui, bien sûr (rires). J’ai fait beaucoup de chantiers, c’est une très bonne école d’ailleurs. J’ai été vendeur de téléviseurs à la Fnac des Ternes. J’ai même vu le deuxième avion s’écraser sur les tours du World Trade Center le 11 septembre en direct ! Un gars est arrivé et a crié: “Allumez la télé, mettez CNN, il y a l’avion qui est rentré dans une tour!” Je me dis qu’est-ce que c’est que ça. Je mets CNN sur toutes les télés de la Fnac et je vois le deuxième avion qui tape. J’ai aussi été animateur de colos et j’ai fait du télémarketing. Entre 18 et 22, j’ai fait tout et rien !

Au début des années 2000 tu sors ton premier album solo Je reste local. Ça t’apporte déjà une petite notoriété à l’époque ?

Je reste local sort en 2000 mais à ce moment je n’était pas en distrib en solo, uniquement avec CSRD. Mais avec cet album je passe un palier en terme de son par rapport à tout ce que je faisais dans les années 90. Et puis l’album contient “Pavillonner”, et “Y’a pas que la chatte” qui sont considérés comme deux de mes classiques. Mais à ce moment-là, cet album c’est un truc qui se copie, qui se refile entre potes et comme ça, ça arrivera jusque dans les mains d’Olivier Cachin ou de Passi par exemple.

J’ai vu une interview de Cachin où il en parle. Il disait notamment qu’il avait découvert “Y’a pas qu’la chatte” parce qu’il avait entendu Passi le jouer à fond dans sa voiture !

Oui il était avec Doc Gynéco et Passi jouait mon morceau. Mais j’ai appris ça 10 ans plus tard, à l’époque j’étais à Joinville Le Pont et je ne calculais pas trop tout ça.

À l’époque, vous n’étiez peut-être pas non plus beaucoup à faire ce type de sonorités West Coast et le Minister AMER était aussi dans ce délire…

Alors ça par contre c’est une distorsion de l’histoire. Dans les années 90, il y avait en France ce qu’on appelait le rap commercial et le rap underground. Le rap underground était plutôt new-yorkais et le rap commercial était plus west coast mais finalement c’est le son west coast qui était dominant. Je pense par exemple à Doc Gynéco, Réciprok ou même l’album de Stomy Bugsy Le Calibre qu’il te faut qui a très bien marché. Death Row avait été un tel ras de marée aux États-Unis avec The Chronic, Doggystyle, la compilation Above The Rim ou les albums de 2Pac que les gens ici, notamment les gens de maisons de disques s’étaient dit: “il nous faut notre Snoop, il nous faut notre son similaire”. C’est vraiment ce son là qui était dominant.

Il y avait aussi Tout Simplement Noir qui est un des plus gros, si ce n’est le plus gros carton de rap indépendant dans les années 90. Les gars, tapent le million en 1995, ils vendent 70 000 copies je crois de Dans Paris Nocturne, ce qui est énorme. Et si tu écoutes, c’est du pur son West Coast. Il y avait Express D avec “Dealer pour survivre”, Sté Strausz, les productions de Sulee B.

C’est vrai que le rap français dit commercial à l’époque était très West Coast.

D’ailleurs je fais une petite digression sur la séparation entre rap underground et rap commercial. En fait, c’était une connerie parce qu’on utilisait ces termes pour décrire un type de son, mais en réalité ce qui est commercial c’est ce qui vend tout simplement. Peu importe le type de son, c’est ce qui vend qui devient commercial et ça ça change au fil des années.

Nous on faisait ce son qui était à l’époque dit commercial à l’époque sauf qu’on est arrivés à la fin de cette ère-là. Le rap avait fait sa transition aux États-Unis et forcément la France a suivi cette tendance. La deuxième différence c’est qu’on était beaucoup plus américanisés dans notre approche que le rap français des années 90. Le Minister AMER par exemple avait des sonorités west coast, mais c’était du rap de tess français, pareil pour Express D ou TSN (Tout Simplement Noir). Nous, on arrive avec un truc beaucoup plus américanisé dans l’approche qui nous met un peu à part. Et puis la France suit les États-Unis et au début des années 2000 le rap en Californie, c’est mort. Et pendant longtemps, ça va être mort.

Il y a quand même eu Chronic 2001 juste avant puis The Game…

Chronic 2001 a à la fois ouvert et fermé quelque chose. Il a ouvert à Eminem, 50 Cent, The Game donc à tout un nouveau champ. En même temps il a fermé quelque chose parce qu’après ça, tout le monde est devenu une caricature de ce son et des pianos à la “Still Dre”. Dr Dre a été malin parce qu’il a fait un son hybride avec des pianos east coast, des sirènes,… C’était révolutionnaire et tout le monde a voulu copier ce son là. Au final, il y a eu énormément de caricatures et très peu de bons artistes.

Alors que dans les années 90 tu avais du son californien de toutes les sortes. De manière générale quand tu écoute les albums de cette période-là, que ce soit Ilmatic, les albums de DJ Quick ou les trucs dans le sud à Houston de Rap-A-Lot , tu avais une diversité énorme et tu avais des albums hyper bien faits pour leur époque.

Toi durant cette période là, c’est quoi ton processus créatif ?

Initialement mon truc c’était vraiment juste le studio. Après, quand je l’ai vu que je pouvais presser un disque, gérer une pochette, la promo,… je me suis dit ”let’s go, on va en faire 10 par an” ! J’ai appris au fur et à mesure mais je n’ai jamais été très structuré. Je n’ai jamais fait de contrat avec les artistes avec lesquels je bossais par exemple. De 2000 à 2010 on était vraiment sur trois bouts de ficelle.

Ça c’est en terme de business et de projets, mais musicalement quelle était ta vision ?

Ma vision c’était d’être le plus proche possible des Américains en termes de son, ce qui pour le coup je pense maintenant n’était pas forcément un bon calcul. En tous les cas, j’étais plébiscité pour ça et je me suis dit autant faire ce que je sais faire.

Après en termes de contenu lyrical, j’aurais pu me rapprocher de ce que faisaient des groupes comme la Mafia K1 Fry. Joinville et Barbusse en particulier est une des antichambres de la Mafia K1 Fry, c’est d’ailleurs là qu’ils ont tourné le clip de “Pour ceux” et puis on a des amis d’enfance en commun comme DJ Mosko. Donc, j’aurais pu faire certains choix et me “streetiser” on va dire. Le marché du rap fonctionnait comme ça à l’époque et tu avais besoin de “Street Cred”.

Mais je n’ai pas eu envie. Moi, je navigue partout, je côtoie tout le monde, je vois toutes les couches sociales, je côtoie le rap français, je vais à Londres,… À cette époque je me posais aussi la question d’aller vivre aux États-Unis. Ça m’est resté un certain temps parce que je fais aussi beaucoup de sport américain (baseball) et je me suis dit qu’à un moment donné fallait que j’y aille. Et au final j’ai décidé de rester et c’est là que j’ai fait Je reste local.

Aelpeacha je reste local

Photo utilisée pour la pochette de l’album Je reste local sorti en 2000

Je voulais te demander justement d’où venait ce titre ?

C’est parce que je me posais cette question à ce moment-là mais je me suis dit que si j’étais là c’est que j’avais sans doute un truc à faire là. Donc, j’ai fait la photo sous le panneau et j’ai dit “Je reste local” (rires). Et après ça j’ai enfoncé le clou et tiré le fil jusqu’au bout avec les délires Val de Marne Riders, Zone Pav,… Tous ces trucs-là veulent finalement dire que peu importe d’où tu viens, ce qui est intéressant c’est de voir comment tu développes ton truc. Après, c’était un pari un peu chaud dans le monde du rap mais j’en ai toujours rien eu à foutre à ce niveau-là (rires).

Tu as d’ailleurs réédité en décembre 2024 Je reste Local en cassette et vinyle, pourquoi ?

Je ressors tous mes albums des années 2000. Et celui là n’avait jamais eu une sortie officielle, parce que c’était des CD-R à l’époque, pas un vrai pressage. Donc j’ai refait le mix dans un gros studio et c’était une petite vengeance parce qu’à l’époque j’avais tout fait à la maison et j’étais très limité en termes de mix. Là, je me suis fait plaisir, j’ai mixé sur la SSL 9000J pour les connaisseurs, c’est la table de Dr Dre et du Hip Hop par excellence.

Je voudrai qu’on parle de l’album Studio Liqueur en commun avec A2H sorti en 2013 qui m’avait vraiment marqué à l’époque. Comment vous êtes vous connectés ?

Initialement, j’ai fait le premier couplet du morceau “Allume la lumière” et je me suis dit que c’était pas un morceau solo et que j’allais le proposer à d’autres. Ça s’est fait avec A2h et Taïpan et je me suis dis qu’il y avait peut-être un bon album à faire tous les trois. On a trois univers totalement différents, trois voix, trois manières d’écrire et trois flows différents.

Au final Taïpan ne pouvait pas, je ne sais plus pourquoi. A2H a dit “let’s go” et une fois qu’on a commencé à travailler tous les deux on a bossé vite et de manière très fluide.

Photo des sessions Studio Liqueur

Séance studio avec Aelpéacha et A2H pour Studio Liqueur

Est-ce que tu as cherché à faire quelque chose de différent de tes autres projets musicalement ?

Comme je suis connu pour ma casquette west coast, on pense que je n’ai toujours fait que ça, mais en fait j’ai fait tous les genres de sons. J’ai fait du Miami bass, j’ai fait dans les années 90 ce qu’on appelle aujourd’hui du Boombap. D’ailleurs ma première apparition discographique, le morceau C’est le putch avec Uziness sur la compilation Nouvelle Donne en 1997, c’est du Boombap.

Quand j’ai commencé à bosser avec A2H, j’ai écouté ce qu’il faisait lui et quel était son univers et j’ai voulu lui proposer certains types de sonorités. Surtout que lui, ce qu’il avait kiffé chez moi, c’était “String volant” qui n’est pas du tout west coast. D’ailleurs tu vois c’est un de mes morceaux que les gens aiment le plus et ce n’est pas du tout west coast.

Tu peux nous parler un peu de tes inspirations pour ces prods ?

J’ai principalement pioché dans des sons que j’avais déjà en fait en 2009 lorsque je suis resté deux mois à LA dans le studio de Richard Segal Huredia. J’avais fait environ 150 prods avec une palette assez diverse et j’avais des sons que j’aimais bien. Par exemple, la production de “Got to be rich” avec 3010 datait de cette fournée-là. C’est un titre très newyorkais dans son approche et dans la manière de faire tourner le sample. “Zigzag” j’avais déjà le son, j’ai juste retouché la batterie, pareil pour “Je ne les regarde pas” avec Greg Frite.

“Soirée plage” par contre a été fait pendant le projet à partir d’un sample de Zouk du morceau “Silans” de Patrick Saint-Éloi de Kassav. À chaque fois que j’écoutais le sample original, je me disais que c’était un putain de sample. Il y a deux, trois morceaux qui se sont faits comme ça mais principalement, c’était des prods que j’avais et les propositions étaient plus larges dans le type de sonorités.

L’idée était aussi de rencontrer A2H dans son univers?

Oui parce que lui, de toute façon est très ouvert. Ça se voyait et dans ce qu’il voulait faire et dans son parcours, ça s’entendait direct. Et puis, c’est vraiment un gars tout terrain en termes de rap et en termes de flow.

C’est un projet qui a bien marché commercialement?

C’est difficile à dire parce qu’on est déjà dans l’air du streaming. Dans ce que j’ai sorti le projet qui a été le plus impactant, c’était Val II Marne Rider à la fois en terme de concept et de ventes de disques. Après je pense que Studio Liqueur ça a ouvert parce que A2H avait son public et j’avais le mien. On a fait aussi deux belles dates dont une Glazart. Scéniquement, c’était bien et pour le coup, nos publics s’additionnaient vraiment bien.

Plus récemment tu as sorti un EP intitulé Jean-Sébastien Laidback – La saison des séparations en octobre 2024. Tout d’abord, d’où vient ce nom  ?

Parce que j’ai toujours la casquette du mec laid back (sourire). Et après c’est pour le jeu de mot.

Je me suis demandé s’il y avait un rapport au théâtre ou à l’opéra étant donné le côté narration du projet.

Presque. En fait, Jean-Sébastien Laidback c’est le nom de la trilogie. Et La saison des séparations, c’est le nom du troisième volet, il y a donc deux volets avant dans le récit qui ne sont pas encore sortis.

C’est quoi ton inspiration pour ce projet ?

J’avais envie de faire des morceaux chantés au carrefour du hip hop et de la soul. Mais j’avais envie de les faire dans le cadre d’une histoire, pas juste des morceaux comme ça, déconnectés les uns des autres à l’autre. Et puis, je ne voulais pas faire d’un projet trop long donc, je me suis dit que je pouvais le morceler. J’ai déjà les trois parties avec ce que ça raconte, après il reste à faire la musique.

L’EP est disponible sur les plateformes de streaming comme un seul morceau de 27 minutes… Ça parait contre intuitif et à rebours de la tendance qui veut que les titres soient de plus en plus courts !

S’il y a bien un truc qu’on n’a jamais fait, et c’est peut-être à tort, c’est de ne pas faire des trucs dans la tendance donc c’est pas une composante avec laquelle je deal (sourire). Après, pourquoi un seul titre ? Parce que, comme ça raconte une histoire, je l’ai pensé en vinyle. Tu mets le truc et tu attends que ça tourne. Après c’est un projet court en format EP ce qui pour le coup est un peu dans l’air du temps.

Mais en fait un EP d’aujourd’hui, c’est la même longueur qu’un album dans les années 70! C’est quand le CD est arrivé et qu’on est passé à 74 minutes que les gens se sont dit “pourquoi pas en tartiner et faire des albums d’une heure et quart ?” Mais au final, c’est pas évident de faire un bon album d’une heure et quart et au bout de huit, dix morceaux, de ne pas tomber dans des redites. Pour moi il y a très peu d’albums où tu dis que les 16 tracks étaient légitimes.

Musicalement, c’est toi qui compose tout ?

Il n’y a pas de sample, tout est joué, mais il y a des choses qui ont été rejouées. Sur le projet, il y a quatre musiciens plus moi qui fait les programmations. Il y a le Piano avec Mickael Joseph, il y a la basse avec Pierrette Grussi, il y a la harpe avec Rosita et le saxophone.

Tout à l’heure, tu parlais de raconter une histoire. Je trouve qu’il y a parfois dans ta musique quelque chose de très cinématographique. Est-ce que la réalisation et le cinéma sont des choses qui t”intéressent ?

J’ai réalisé mon propre documentaire Splifton sorti en 2016. Je l’ai réalisé, tourné et monté et j’ai dit “plus jamais ça” (rires).

Le cinéma c’est pas ma guerre parce que je n’aime pas l’exercice. En studio il faut déjà se battre pour chercher la spontanéité, surtout à une époque où tu peux désormais puncher chaque mot séparément. Et le cinéma c’est pire donc ça ne m’intéresse pas. Le théâtre en revanche j’aime bien. Il y a ce côté artiste sur scène, que ce soit en musique ou en théâtre, qui est plus spontané. C’est de l’éphémère.

Tu écoutes ce qui se fait en rap actuellement ?

Déjà je pense que le rap n’est pas une musique mais simplement une technique vocale. Peu importe la musique sur laquelle tu rappes, ça devient du rap parce que tu rappes dessus. Et l’histoire le prouve, les premiers rappeurs rappaient sur du funk, puis sur de l’électro. Dès les premiers instants du hip hop, tu as eu des crossover, Run DMC avec le rock,…. Tu as eu toute la mouvance qu’on appelle plus tard Boombap, mais ça reste un style de musique parmi tant d’autres dans l’histoire du rap dans le sens technique vocale, si tu remontes à Jill Scott Heron ou aux DJs Jamaïcains.

Donc, tout ça pour dire que j’écoute plus trop de rap parce que c’est une technique vocale qui ne me fait plus monter comme à l’époque. Tout a été fait depuis longtemps. Et même finalement, quand tu regardes bien, déjà dans les années 80, tu as eu une sorte de d’âge d’or musicalement sauf qu’il n’y avait pas les grosses ventes de disques qu’il y a eu dans les années 90. Mais dans les années 80, tout avait déjà été fait. Même quand Bone Thugs-N-Harmony arrivent et révolutionnent les choses en 1994 avec leur style fast, c’est des styles qui existaient déjà chez les Anglais dans les années 80. Donc aujourd’hui j’écoute plus de la musique pour les chansons, voir comment elles sont écrites ou arrangées.

Pour finir tu seras en concert le 28/03 à La Place sur le même plateau que la légende West Coast MC Eiht. La date correspond quasiment jour pour jour aux 30 ans de la mort d’Eazy-E … coïncidencence?

C’est un hasard complet !

 

Peux-tu nous dire ce que Eazy-E représente pour toi ?

Tu vois avant l’interview on parlait de Madeleine de Proust et là ce n’est pas forcément une nostalgie, mais c’est des souvenirs. J’ai écouté énormément de NWA. Eazy n’était pas forcément mon rappeur préféré au départ et puis j’écoutais plus la musique que les rappeurs. Niggaz4Life, leur dernier album est le disque que j’ai énormément écouté parce que pour moi, en termes de musique, c’était le jour et la nuit avec Straight Outta Compton dont je ne suis pas un aficionado.

Et à ce moment j’ai commencé à m’intéresser à la personnalité d’Eazy notamment parce que Fabrice et mon pote Sylvain étaient des fans absolus. Et c’est vrai que quand il arrivait sur le son il se passait quelque chose avec sa personnalité, sa voix, tout. Et puis après, il y a le côté business, quand tu creuses un peu, tu vois la vision du type qui s’est entouré de Dre, d’Ice Cube, qui a ramené le petit gars de son quartier MC Ren et DJ Yella. Le fait d’avoir vendu autant de disques avec un produit aussi atypique, c’était vraiment les premiers à le faire et c’est grâce à sa vision. Parce qu’il y en a d’autres qui ont fait ce qu’on appelle du gangsta rap avant lui, même si ça ne s’appelait pas comme ça à l’époque, mais ils n’ont pas vendu. NWA c’est les sept bouts de cristal ! Tout s’est aligné, c’était trop. Ça a pété et ils se sont séparés. Malheureusement, il est mort avant qu’ils se retrouvent. Et c’était aussi une des premières morts marquantes du rap, avant 2Pac, Biggie et Big L.

Est-ce qu’on peut s’attendre à un hommage à ce concert ?

C’est sûr qu’il va y avoir une forme d’hommage. Je ne sais pas ce que MC Eiht a prévu, mais quoi qu’il arrive, ça va être du 100% LA. Et Eazy-E c’est le parrain donc si tu big up LA, tu big up forcément Eazy !

Pour prendre vos billets pour le concert d’Aelpéacha et MC Eiht rendez-vous ici 

MC Eiht & Aelpeacha La Place 28/03/2025

Concert Aelpéacha & MC Eiht qui aura lieu à La Place le 28/03


Merci à Aelpéacha pour son temps et sa passion ! Merci au studio Noble Paris et à Gautier pour l’accueil de cette interview.