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5 questions à Charlie Ahearn, le réalisateur de Wild Style

Lorsque je suis tombé, un peu par hasard sur la programmation de l’Urban Film Festival, qui se déroulait ce week-end à Paris, j’ai tout de suite buté sur le nom d’un réalisateur: Charlie Ahearn. D’abord incapable de rattacher ce patronyme à un film, j’étais pourtant sûr d’avoir une de ses oeuvres dans ma collec’ de DVD sur le Hip-Hop. Une requête Google plus tard, je tombais de ma chaise…le réalisateur de Wild Style était à Paris, à 4 stations de chez moi  (au Centquatre) dans quelques heures !

Pour rappel, Wild Style est sorti en 1983 et s’est ensuite imposé comme le film référence sur le mouvement Hip-Hop. Une retranscription parfaite de l’effervescence autour des différents éléments du Hip-Hop (b-boying, graffiti, emceeing et DJing) qui caractérisait certains quartiers de New-York à cette époque. Le personnage principal, Zoro, est interprété par le graffeur Lee Quiñones, que Charles avait rencontré quelques années auparavant. On retrouve également dans le film le graffeur Fab 5 Freddy, les rappeurs Cold Crush Brothers et quelques danseurs du Rock Steady Crew.

Affiche du film « Wild Style » (1983)

J’arrive donc au Centquatre, casque sur les oreilles, DVD de Wild Style dans la poche (la vue du DVD dédicacée sur mon étagère était trop tentante) et tombe nez à nez sur Charlie Ahearn à qui je parle de suite de The BackPackerz et qui accepte gentiment de répondre à mes questions après la projection de son documentaire … La suite ci-dessous:

The BackPackerz: Charlie, peux-tu nous raconter quelle a été ta première exposition au Hip-Hop

The Deadly Art Of Survival (1979)

Charlie Ahearn: La première fois que j’ai vu des choses qu’on appellera plus tard Hip-Hop fut lorsque je tournais un film dans les « Smith’s Projects » dans le Lower East Side à New-York. Lee Quiñones vivait dans ce quartier, je filmais l’endroit avec ma caméra 16mm et je projetais ensuite ces images sur les murs d’un gymnase sous le Brooklyn Bridge. Dans ce gymnase, il y avait un DJ qui jouait le break du morceau « Sex Machine » en continue et des mecs qui dansaient de manière étrange, face à face…C’était en 1977.  Je venais régulièrement pour projeter les images des entrainements pendant leurs fêtes, je voulais vraiment faire partie de ce truc. Plus tard, sur le même principe, je diffusais des photos de Hip-Hop sur les murs des clubs pendant que les emcees rappaient. C’est comme ça que les gens ont commencé à me connaitre dans le milieu.

Un jour, alors que j’étais en train de filmer au gymnase dans les Smith’s Project, une équipe de Karaté est arrivée et m’ont demandé si je voulais faire un film avec eux. Je venais juste de faire l’acquisition d’une caméra Super 8 qui est parfaitement adapté à ce genre de projet, je fis donc mon premier film avec cette caméra sur le thème du kung-fu, The Deadly Art of Survival en 1978. Dans ce film, on peut voir les premières fresques de Lee Quinones sur les murs du Lower East Side.

The BackPackerz: Quand tu as réalisé Wild Style en 1983, pensais-tu que ton film deviendrait le référence absolue des films sur les débuts du Hip-Hop ?

Charlie Ahearn: J’ai fait le film avec Fab 5 Freddy et on voulait vraiment faire un film qui raconte l’histoire du Hip-Hop à New-York, qu’il soit à l’image du mouvement, qu’il fasse authentique et qu’il retranscrive la passion et l’énergie de ce qu’on voyait. Je voulais aussi un film que les ados iraient voir à Times Square, qu’il soit accessible, comme un film de Bruce Lee. Un film qui raconte une histoire dans laquelle les gens pourraient se retrouver.

Il y a eu une avant première du film au Japon puis le film a été projeté dans les cinémas de New-York. On a eu le deuxième meilleure croissance des entrées de l’histoire du cinéma à NYC. Dès le début, Wild Style fut un grand succès commercial. Pourtant, on ne faisait pas de publicité pour le film, j’avais seulement un petit réseau de lycéens qui distribuait des flyers devant les lycées.  Ce sont les gens de la communauté Hip-Hop qui m’ont aider à promouvoir le film.

The BackPackerz: Comment es-tu rentré en contact avec les artistes que l’on retrouve dans Wild Style (Fab 5 Freddy, Cold Crush Brothers ou le Rock Steady Crew…)

Charlie Ahearn: Fred (Fab 5 Freddy) voulait faire un film sur le Hip-Hop et il appréciait beaucoup le travail de Lee Quiñones qu’il venait souvent voir dans son quartier du Lower East Side. Un jour, il a vu l’affiche de mon film The Deadly Art of Survival et il était étonné qu’un réalisateur vienne dans un quartier comme celui-ci. Il a donc cherché à me rencontrer et m’a proposé de faire un film avec lui. De mon côté, je voulais vraiment faire un film sur le travail de Lee Quiñones que j’appréciais beaucoup, on a donc décidé de faire Wild Style tous les trois.

The BackPackerz: Comment est venu l’idée de faire un film sur le photographe Jamel Shabazz ?

« Jamel Shabazz, street photographer » (2014)

Charlie Ahearn: J’ai vu le premier livre de Jamel Shabazz, Back In The Days et cette magnifique couverture qui est une photo prise sur la 42ème, à l’endroit même où j’habite. Je me suis dit que ce mec était incroyable, que c’était une nouvelle forme d’art et que je devais le rencontrer, savoir qui il était.

De la même manière que j’avais cherché Lee Quiñones, je suis parti à la recherche de Jamel Shabazz car je pressentais que son oeuvre était quelque chose de gigantesque. Je l’ai rencontré et on est devenu amis. C’était en 2002 et j’ai travaillé avec lui durant 10ans pour faire ce film, Jamel Shabazz, street photographer, qui vient de sortir.

 

 

The BackPackerz: Dans tes films, on voit les différents éléments du Hip-Hop évoluer ensemble, dans un certaine harmonie. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les choses sont plus séparées: le rap d’un côté, la danse de l’autre, le graffiti qui a presque dépassé le mouvement Hip-Hop. Penses-tu qu’il y a eu un changement à ce niveau ?

Charlie Ahearn: Oui et non… Après Wild Style, j’ai parlé à beaucoup de gens à propos des origines du Hip-Hop, surtout quand j’écrivais mon livre Yes Yes Y’all qui explore le mouvement depuis Kool Herc et Afrika Bambatta en 1973. Ce que j’ai compris c’est que le graffiti était là bien avant que les gens commencent à rapper. Et ce qui est intéressant c’est qu’avant le rap, les gens avaient déjà crée une nouvelle forme de danse dans les block parties de Kool Herc. Ce qui veut dire que le b-boying est également un des premiers éléments du Hip-Hop. Le DJing et la danse sont très liés, l’un ne va pas sans l’autre et ils se sont développés ensemble. C’est donc le rap qui est venu en dernier, bien après, à la fin des 70s puis il est devenu très populaire dans les années 80 et tout le monde a un peu oublié les autres éléments.

Je pense qu’il n’y avait pas vraiment de frontière entre les genres à cette époque. Tu pouvais être un graffeur et écouter du Led Zeppelin. Tous les graffeurs n’écoutaient pas James Brown. La communauté était composée de personnes d’origines différentes, les premiers graffeurs étaient grecs (ndlr: TAKI 183), Lee Quinones est d’origine portoricaine. Bien sûr les quartiers les plus actifs étaient afro-américains dans lesquels on écoutait cette musique black (soul/funk) mais le Hip-Hop n’appartenait à aucune communauté. C’était avant tout une affaire de jeune. Tout le monde écrivait sur les murs à New-York, tous les gens à qui j’ai parlé qui sont devenus des DJs ou des emcees ont commencé par le graffiti ou par être des bboys, Kool Herc, le premier. En fait, les gens passent d’une discipline à l’autre au fur et à mesure qu’ils évoluent, comme Grand Master Caz. C’est ce qui fait du Hip-Hop une culture avec un « C » majuscule.

Un grand merci à Charlie d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’assister à la projection de Jamel Shabazz, Street Photographer, nous relayerons  l’info dès que le documentaire sera disponible en digital. Suivez The BackPackerz sur Facebook pour être tenu au courant.

Jamel Shabazz Street Photographer – Bande Annonce

Antoine Bosque

Receleur de discographies sur Emule dans les 2000's. Illmatic addict, mais adepte du rap c’était mieux maintenant. Digging in the cloud pour le meilleur et parfois pour le pire.

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  • Enorme ces mecs ! La photo Wild Style m'a interpellé car je crois l'avoir utilisée pour mon cours sur le graff ! Hâte de voir ce documentaire en tout cas et il est intéressant d'avoir ce genre de témoignage en toute simplicité.

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