Huit années ont passé et alors que 2019 aurait marqué son 50ème anniversaire, l’absence de ses grivoiseries mélodieuses laisse toujours une plaie béante dans nos cœurs. Les Swae Lee, Ty Dolla $ign et autres Anderson .Paak ont désormais repris le flambeau de nos refrains rap, hélas sans la même magie. C’est que Nathaniel Dwayne Hale avait placé la barre particulièrement haute, il faut bien le dire. Mais qu’est-ce qui rendait donc les apparitions du pimp pince sans rire si inoubliables ? Afin d’honorer sa mémoire, replongeons-nous dans le style si singulier de notre crooner préféré.
Né dans le Mississipi, vivier historique du blues et du gospel, d’un père pasteur et d’une mère première voix dans la chorale de l’église, la spiritualité occupe très tôt une place centrale dans la vie de Nate. C’est d’ailleurs au côté de sa mère qu’il entonne ses premières vocalises en l’honneur de Dieu. À l’âge de 14 ans, il déménage à Long Beach suite au divorce de ses parents. C’est à cette époque qu’il commence à fréquenter deux lascars dont il ne se séparera jamais, Warren G et son cousin Snoop Dogg.
Ensemble, ils forment le trio de choc 213, où chacun s’épanouit au contact de l’autre. Warren G accumule les compétences. Il est aussi à l’aise avec la casquette de producteur, de DJ comme celle de rappeur. Snoop, de par son charisme tapageur, est reconnu comme l’architecte, la figure de proue de l’entreprise 213. Quant à Nate Dogg, ses épatantes habilitées en chant font de lui le chanteur soulful du groupe, tout en conservant son attitude nonchalante de gangster.
Lorsque le second chien le plus célèbre de Californie quitte la meute pour des escapades en solitaire, c’est là que son talent se révèle pleinement. Avant Nate Dogg, personne n’avait allié avec une telle dextérité le meilleur du rap et du R&B. En témoigne son excellent premier double album G-Funk Classics Vol. 1 & 2 sortit en 1998, où il offre la version deluxe de son empreinte smooth déjà acclamé. De plus, Nate y prend à contre-pied les codes du gangsta rap et n’hésite pas à se livrer sur ses craintes, ses désirs ou encore sa solitude. A la manière des chanteurs de soul sudistes tels Otis Redding ou Isaac Hayes, il parvient à transmettre cette même émotion brute et profonde sur ses morceaux les plus intimistes, l’intensité en moins et la coolitude en plus. Le tout délicatement enrobé par son flow onctueux et sa voix aussi robuste que limpide.
Une des toutes premières pensées qui nous vient à l’esprit lorsque l’on parle de Nate Dogg, c’est inévitablement son rôle de hook master. Cette réputation, il l’a acquise en s’acoquinant avec à peu près toutes les têtes d’affiches du rap game fin 90’s – début 00’s. Du Docteur André Young à 50 Cent sans oublier Eminem, sa suprématie sur les refrains était tout bonnement écrasante. « We brings melody » affirmait Warren G en 1994 sur le tube « Regulate » accompagné de son éternel comparse. En tant que pilier du G-Funk, alors en plein règne, le chant était sa marque de fabrique et son terrain de jeu. Plus que quiconque, Nate détenait tous les ingrédients pour sublimer les morceaux où il était convié en un florilège harmonieux d’anecdotes du hood. Au point d’éclipser à plus d’une reprise la performance de l’artiste principal.
Malgré cette voix dorée hors du commun, Nathaniel s’est toujours cantonné à ce statut de faiseur de refrains. À aucun moment de sa carrière il n’a cherché à bousculer des coudes la concurrence pour s’imposer en haut de l’affiche, préférant rester en retrait. La discrétion et l’humilité du personnage, additionnées à son talent, ont fait de lui une figure très appréciée du paysage hip hop de l’époque, perdurant encore aujourd’hui. Cela explique sans aucun doute la bonne entente qu’il entretenait avec les rappeurs des quatre coins du pays. Ainsi, on a pu l’entendre poser sa voix sur une vibe ensoleillée d’Atlanta chez Ludacris avec « Area Codes », au côté du new-yorkais Jadakiss et son « Time’s Up » ou encore chez son voisin de la Bay Area, E-40 et le festif « Nah Nah…« .
Venons en maintenant au cœur de ce qui rendait la musique de Nate Dogg si particulièrement savoureuse : il usait de sa voix angélique pour raconter les pires crasseries imaginables. Entre deux chroniques de crapules, il n’hésitait pas à corser son vocabulaire pour nous dévoiler ses mœurs légères. Dans sa version soft, le crooner au bandana nous donnait à voir ses fantasmes de gentleman obscène. Il exécutait cela avec humour comme sur « Joystick » du 213 : « She said she wants to ride my joystick » ou bien avec une certaine élégance : « You can’t be, can’t be, you can’t be my lady/ But I’ll let you be, let you be my playmate » avec le tout aussi graveleux DJ Quik sur son « Medley For a « V » (The Pussy Medley)« .
Quant à sa version plus crue, les tournures atteignaient un tel niveau d’immondicité que ça en devenait carrément sublime. Pour nous rafraîchir un peu la mémoire et pour notre plus grand plaisir, voici un petit aperçu de ce que ce bon vieux Nate réservait à nos oreilles chastes :
« Your wife, my bitch
Your love, my trick
Her mouth, my dick
I fucked, that’s it « .
« Your Wife« – Nate Dogg ft. Dr. Dre
Enfin, comment ne pas évoquer le mythique « Ain’t No Fun (If the Homies Can’t Have None) » de son pote Snoop ? On y retrouve le couplet le plus iconique de la carrière de Nate Dogg. C’est dire ! Véritable morceau signature, son charisme éclabousse dès l’intro les apparitions à suivre de ses compagnons, pourtant de hautes volées. Son délicieux verse à base de « Next time I’m feeling kinda horny/ You can come on over/ And I’ll break you off » figure à titre personnel comme l’un des couplets les plus addictifs de l’histoire du rap, tant il me hante depuis sa découverte.
Nate Dogg, c’était tout ça et bien plus encore. Alors si vous souhaitez tout savoir sur lui et son genre de prédilection, le G-Funk, le plaisant documentaire de Karam Gill sobrement intitulé G Funk, devrait assouvir votre curiosité. Malgré toutes les atrocités proférées au long de son existence, nul doute que ce sale cabot de Nathaniel D. Hale se la coule douce depuis l’au-delà. Snoop Dogg le savait tout aussi bien et en faisait part dans son message de condoléance : « All doggs go to heaven« .
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