Hocus Pocus. Deux mots. Une formule magique. Un groupe de prestidigitateurs, qui vit pour sa musique et la réinvente à chaque coup de baguette. Qui, sous nos yeux ébahis, sort des disques du chapeau les uns après les autres, tel des lapins blancs. Le nom de ces illusionnistes ? 20syl, Ledeunff, DJ Greem, Antoine Saint-Jean, Matthieu Lelièvre et Hervé Godard. Respectivement MC, guitariste et chanteur, DJ, batteur, pianiste et bassiste.
Dix ans après avoir quitté la scène, le sextuor n’a pas perdu de sa superbe. Animé par l’envie de rejouer des titres qui ont marqué leur époque, il a décidé de remettre le couvert. Abracadabra ! En un tour de passe-passe, voilà nos magiciens sur la route pour une grande tournée d’été. Leur musique organique, devenue rare dans le paysage francophone, s’apprête à faire vibrer une fois de plus les planchers, en France et par-delà nos frontières. Ni une ni deux, on est allés prendre des nouvelles de 20syl et Greem.
Salut à tous les deux ! C’est un grand plaisir de vous revoir ensemble. Pouvez-vous d’abord rappeler à nos lecteurs les plus jeune la genèse d’Hocus Pocus, et qui fait quoi dans le groupe ?
Greem : Mister 20syl est MC et compose beaucoup chez Hocus Pocus. Il y a David Ledeunff à la guitare, Matthieu Lelièvre au clavier. Le bassiste s’appelle Hervé Godard et moi je suis aux platines. À la base, le groupe était différent. C’est d’abord 20syl et Cambia, un autre MC, qui ont commencé ensemble. Je les ai rejoints en 97. Ensuite, Cambia a arrêté et on a eu envie de commencer à faire du rap avec des musiciens. Alors on a taffé des sets plus live, en acoustique. Le format de The Roots nous plaisait et on aimait l’idée d’explorer tous les champs des possibles avec des zicos.
Cet été, vous lancez une grande tournée anniversaire pour les 10 ans de l’album Place 54. Qu’est-ce qui vous a donné envie faire ça ?
20syl : En fait, on a fait un concert pour le vernissage d’une expo consacrée au rock nantais. Là, on s’est retrouvés, on a joué ensemble et on s’est rendu compte que les automatismes revenaient vite. Donc on s’est dit : « Tiens, pourquoi pas remonter une tournée tous ensemble ? » Greem avait évoqué l’idée de fêter l’anniversaire de Place 54 (sorti en 2007, ndr). C’est jamais évident de se caler sur les dates exactes, genre : « Okay, là c’est pile les 10 ans. » Sachant que tout le monde a des activités différentes, que certains ont repris des tafs alimentaires, que d’autres jouent dans différents projets. » Là, c’est l’occasion de se retrouver le temps d’un été pour se faire plaisir. Essayer de retrouver l’équipe de notre tournée de 2011-2012, qui avait fini sur un Zénith inoubliable.
Là, on est dans la dynamique de développer les projets individuels. –20syl
Votre dernier album 16 pièces date, lui, d’il y a presque dix ans. Parmi tous vos projets, qu’est-ce qui vous a le plus occupé depuis ?
20syl : Bah c’est C2C, hein ! (sourire) Quand on a lancé C2C, ça devait être une parenthèse et c’est devenu notre projet majeur. L’ampleur a été telle que ça a pris le dessus sur le reste. Du coup, on a pris le temps de développer le projet en France, en Europe et même aux États-Unis. Forcément, on en est sortis fatigués, parce que ça a été super intense sur une courte période. Après, on a tous eu besoin d’explorer des pistes différentes avant de se retrouver sur des projets communs. Là, on est dans la dynamique de développer les projets individuels. Greem avec Alligatorz, moi avec Alltta, Atom avec Parrad et Pfel avec son solo Aedan. Ils ont fait un grand bond en production, donc quand on va se retrouver, j’imagine que ça sera fort car chacun aura beaucoup d’expérience. En ce qui concerne Hocus Pocus, c’est plutôt une envie de rejouer des morceaux qu’on aime bien que de faire des disques.
Greem : Il y a autre chose, c’est que notre musique n’existe plus tellement dans la musique urbaine. Les gens expriment un manque. Quand on était sur scène avec C2C, ils nous demandaient quand on remontait sur scène avec Hocus Pocus et vice versa. Depuis qu’on a arrêté avec HP, on a des demandes de concerts toutes les semaines. En DJ set, je continue à jouer devant des minots de 20-25 ans, qui viennent me voir en disant : « J’ai jamais vu Hocus, c’est une grande frustration. » Et c’est kiffant de représenter une branche du hip-hop que n’a pas forcément connu la jeune génération.
De nos jours, c’est vrai que le son est très normé et la trap quasi hégémonique. Votre son joué avec des instruments reste sous-représenté. Est-ce que vous trouvez votre compte dans la scène actuelle ?
Greem : Forcément, on va se tourner vers des artistes comme Anderson .Paak ou Kendrick Lamar, qui sont le prolongement de ce qu’on a kiffé dans le hip-hop. La base, c’est Pete Rock, Jay Dee, De La Soul, qui laissent de la place à l’harmonie, aux instruments. Il y a du rap, du flow, pas seulement des gimmicks. La trap, c’est un son assez guerrier et en festival, ça marche bien. Mais personnellement, je m’en lasse vite, ça me donne le sentiment de tourner en rond. J’aime les sonorités variées. En tant que DJ, je m’oriente vers d’autres genres parce que je trouve que le rap traverse une période un peu boring.
20syl : Et puis, avec le projet C2C, le but était d’explorer des univers plus électroniques. Il y a eu toute l’époque SoundCloud, avec des producteurs de ouf : Cashemere Cat, l’écurie Soulection. Maintenant, en rap, je me retrouve dans l’écriture de beaucoup d’artistes : Lomepal, Caballero & JeanJass… Tout cet écosystème, j’aime leur façon d’écrire, la technique qu’ils mettent et l’autodérision. C’est ce que j’ai cherché à faire dans mon écriture à l’époque. Musicalement, un peu moins, mais il y a des choses qui continuent de me surprendre.
La chanson « Vocab » définissait ce que tu aimais et aimais moins dans le rap. C’est pour ça que de nos jours, à l’ère de la topline, où le texte est plus secondaire, ça m’intéresse de savoir comment tu te situes.
20syl : Il existe encore des plumes. Un mec comme Damso, il a toujours des punchlines qui m’interpellent. Ça reste intéressant. La recherche de la mélodie efficace, du bon mot, ça m’a toujours titillé. Chercher le gimmick, le truc qui capte l’oreille tout de suite, c’est un défi ! Parfois, écrire des textes de 32 mesures ultra complexes et techniques, c’est plus facile que trouver la petite phrase placée au bon moment.
C’est comme s’il fallait attendre le prochaine alignement des étoiles. –Greem
Tout a l’heure, vous avez évacué d’emblée l’idée d’un nouvel album. Personne dans le groupe ne ressent l’envie de faire un nouveau disque ?
Greem : En fait, je pense qu’on a tous cette envie-là. L’époque où on a bossé l’album, on a fait les championnats du monde (DMC, ndlr). Ensuite, il y a eu un stand-by et à un moment, les étoiles se sont alignées. C’est très mystique, mais c’est comme s’il fallait attendre le prochaine alignement des étoiles. Que chacun prenne un break dans son projet, que tout le monde ait du temps libre et soit enclin à le faire. Ensuite, ça viendra naturellement. L’envie est là, en tout cas. Après, c’est toujours une question de timing. Parce que chacun est embarqué dans des histoires humaines et musicales.
20syl : Et c’est important que chacun aille au bout de ses projets. Que chacun puisse se prouver à lui-même qu’il est « autonome », qu’il n’a pas besoin de se raccrocher aux autres. En plus, ça nourrit encore une fois le projet de groupe. L’expérience qu’on a développée sur nos projets individuels. Derrière, quand on se lance sur C2C, on est dix fois plus forts, parce que chacun a d’abord exploré plein de pistes différentes, arrive avec de nouvelles idées, des références différentes. Alors que quand tu es en huis clos avec le même groupe, tu t’échanges les mêmes sons, tout le monde fait les mêmes soirées, écoute les mêmes trucs.
Greem : Finalement, c’est plus difficile de se renouveler. D’aller puiser ailleurs.
20syl : Quand Atom et Pfel sont venus de Beat Torrent, ils ont amené un délire électronique et dubstep qui n’était pas trop mon truc. J’ai dû m’y intéresser, le digérer. À force qu’ils nous disent d’écouter ça et en les voyant kiffer dessus, ça t’emporte. Au final, on se retrouve avec un « Down The Road » et un « F.U.Y.A. » sur l’album, qui n’existeraient sûrement pas sans ça.
Aujourd’hui, je n’ai pas assez de choses à dire pour un format Hocus Pocus. –20syl
À propos, 20syl, parlons de ton projet AllttA. Sur ce projet, tu as mis ta plume de côté. Écrire à nouveau, ça te tente ?
20syl : L’écriture, c’est pas quelque chose que je pratique tous les jours, contrairement à la production. La prod, je me lève le matin et je m’y mets, ça fait partie de mon rythme de vie. Alors que l’écriture, c’est un peu une souffrance. Il faut s’y mettre, quoi ! J’y prends plaisir quand le résultat me convient et j’aime le faire de manière ponctuelle. Comme récemment sur le projet de La Fine Équipe, par exemple. Il se passe un truc quand j’arrive à cet aboutissement. Pourquoi pas le refaire sur un projet entier, mais sous une forme différente. Aujourd’hui, je n’ai pas le sentiment d’avoir assez de choses à dire pour un format Hocus Pocus, qui s’apparente à un album de rappeur solo.
Si je te demande ça, c’est parce que je trouve que tes textes n’ont jamais été autant d’actualité. Dans « 25/06 », tu dénonces par exemple l’abrutissement du peuple par le divertissement, à travers la mort de Michael Jackson. Quand je découvres « This Is America » de Childish Gambino, j’y vois un parallèle et je ressens l’urgence d’un tel message.
20syl : Personnellement, je trouve que ces thématiques intemporelles. Il y a beaucoup de sujets abordés dans Hocus Pocus qui restent actuels, même si les anecdotes correspondent à une époque donnée. Quand tu écoutes « Beautiful Losers », cette ode à la procrastination, c’est sûr que c’est toujours d’actualité. « Quitte à t’aimer », on peut le relier à ce qui se passe en ce moment, car ça n’a presque pas évolué. Au moins, ça veut dire que je n’étais pas à côté de la plaque quand je les ai écrites. Maintenant, il y a des choses plus ancrées dans le passé comme « Hip-hop » qui sont drôles à ré-écouter aujourd’hui, parce que je me projette dix ans plus loin, et que maintenant, on y est ! (sourires)
À ta réponse précédente, tu as parlé de l’écriture comme d’une souffrance. Est-ce que c’est dû à ton perfectionnisme ?
20syl : Non, c’est juste que je me compare à des gens dont c’est vraiment le truc. Un Oxmo, ou des gens plus proches de moi comme Mr. J. Medeiros, qui ont une approche littéraire et poétique. Moi, je ne suis pas là-dedans. J’aimerais développer ce truc, mais je n’ai pas forcément le temps. Puisque je ne le fais pas de façon régulière, je ne me sens pas hyper légitime sur l’écriture et je préfère consacrer mon temps à autre chose. J’ai envie de laisser ça à des gens qui la maîtrisent mieux.
Greem, est-ce que ton processus créatif est plus fluide que celui de 20syl, ou est-ce que toi aussi, tu dois te mettre des coups de pieds au cul ? (rires)
Greem : 20syl parlait de torture. Il y a la même chose dans la compo. Parfois, tu te retrouves devant la feuille blanche et tu ne contrôles pas quand ça vient. C’est un boulot chelou. Parfois, tu trouves l’inspi à deux heures du mat et tu ne t’arrêtes pas de la nuit. Franchement, je n’arrive pas à me lever comme quelqu’un qui va au bureau. Lever 8h, 8h30 petit déj devant l’ordi. Genre : « Allez, je fais une prod aujourd’hui. » Non.
Exprimer une part de moi-même liée à la musique latine. –Greem
Qu’es-ce que tu as cherché à faire de différent avec ton projet Alligatorz ?
Greem : Exprimer une part de moi-même qui est plus liée à la musique latine. En fait, je suis franco-argentin et je vais souvent au Brésil. Il y a une vibe que j’adore là-bas. Mon binôme fait partie de Caravane Palace, donc on a deux univers sur lesquels on met beaucoup d’étiquettes . C2C, c’est soit-disant « electro-friendly » et Caravane Palace, « electro-swing ». Notre kif, c’est plutôt d’aller dans des soirées avec de la grosse bass music et de la musique brésilienne, qui a des harmonies géniales. Quand on était là-bas, on kiffait la rythmique et la puissance, mais on trouvait dommage que le côté harmonieux ne soit pas exploité. Alors, on s’est lancé le défi d’avoir une telle patate, avec de belles couleurs musicales. Le but, c’est de faire danser les gens.
La scène beat music était foisonnante de créativité il y a quelques années. Où en est-on aujourd’hui ? Est-ce que c’est complètement fini ?
20syl : De mon point de vue, c’est retombé. Est-ce que c’est dû à l’évolution de SoundCloud qui a poussé les artistes à s’en désintéresser ? À un moment, c’est devenu complexe avec leur truc payant. Ton catalogue officiel se retrouvait sur la plateforme sans que tu l’aies choisi et beaucoup d’artistes ont favorisé des plateformes comme Spotify ou YouTube. Et puis, beaucoup de producteurs comme Kaytranada ont passé un cap. Ils ont été plusieurs à faire leur album. Quand tu rentres dans ce schéma-là, ça prend beaucoup plus de temps.
Greem : Oui, ça leur a servi de tremplin. Pareil pour des mecs comme Chance The Rapper.
20syl : Moi, ce qui me plaisait sur SoundCloud, c’était la spontanéité. Tu allumais ton ordi le matin et tu pouvais avoir un nouveau son de Kaytra, de Lido, un nouveau mix ou un podcast. C’était l’effervescence.
À l’écoute de nouvelles sonorités pour surprendre les gens. –Greem
Est-ce qu’il y a des univers musicaux que vous n’avez pas encore explorés ?
Greem : Il n’y a pas de limites, de mon point de vue. Dans C2C, on prenait n’importe quelle rythmique de blues. Mon père m’avait dit : « Tiens, écoute, c’est de la musique inuit. » J’avais essayé de m’en servir. Finalement, on reste curieux, à l’écoute de nouvelles sonorités pour surprendre les gens en les utilisant. Il y aura d’autres défis, c’est sûr.
Quel a été le pic de votre carrière, jusqu’à maintenant ?
20syl : Le pic et l’aboutissement de nos différents projets, je crois qu’on est d’accord pour dire que ce sont les Victoires avec C2C. C’est un truc à côté duquel on était passés de manière frustrante avec Hocus Pocus, même si c’est juste une médaille. Symboliquement, les 4 Victoires de la Musique ont récompensé un clip qu’on avait auto-produit, une tournée qu’on avait réfléchie nous-mêmes, toute l’autonomie qu’on a réussi à développer.
Greem : En plus, ça a récompensé toute l’équipe avec qui on avait bossé. Tous les domaines étaient mis en lumière et ça faisait plaisir. Après, comme tu dis, c’est une récompense formatée.
20syl : En gros, on l’a reçu comme une récompense pas seulement pour C2C, mais pour tout notre parcours. Au yeux de la famille, c’est con, mais ça change les choses quelque part. Ça justifie que la musique ne soit pas juste un hobby.
Aujourd’hui, est-ce que dans vos vies de musiciens, vous avez le sentiment d’avoir trouvé l’« Équilibre » ? Attention, là il y a du concept ! (rires)
20syl : Non, parce qu’en tant qu’artistes, on est toujours en recherche. Même si tu as connu le succès, c’est un métier assez précaire, dans lequel tu es toujours dans le doute de savoir ce que tu vas faire demain. Est-ce que ça va te satisfaire et est-ce que ça aura le même écho que ce que tu as fait avant ? Surtout quand certains projets ont déjà marché. Un confort, oui, un équilibre, pas forcément.
Hocus Pocus est présent à l’affiche de nombreux festivals cet été. Retrouvez le programme complet et réservez vos places par ici.
Nottz, producteur et beatmaker de génie, est l'un des secrets les mieux gardés du hip-hop.…
On se retrouve aujourd'hui pour parler de ton projet V-IVRE, sorti il y a un…
Tracklist de la semaine Titre Artiste(s) Album "AMADEUS" Keroué AMADEUS / Chicane "BEAU PARLEUR" SenseKid,…
Pas de repos, on garde la même dynamique avec un beau programme de sorties. Denzel…
https://youtu.be/ji2lbYIB1gI?si=l9Ky5IGAm3Km-86V Si quelqu’un se posait encore la question de qui pouvait prétendre au titre de…
Tracklist de la semaine Titre Artiste(s) Album "FAUT PAS QU'ON VRILLE" RVMY (Single) "Ego" Josué…